Ouvrir l’année 2023 qui se dessine avec d’inquiétants points d’interrogation tant la situation mondiale parait incertaine sur des questions de marketing, nous permet de nous recentrer sur l’une des problématiques de gestion que La RSG n’avait pas traité depuis plusieurs années. Non que le marketing fût exclu de nos publications, mais à aucun moment les études qui nous étaient présentées ou les contributions qui nous étaient soumises ne permettaient de consacrer à ce sujet un numéro entier !
par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG
C’est désormais chose dépassée puisque nous pouvons présenter ici un ensemble d’articles qui abordent le marketing de différentes façons et sont, comme toujours dans notre revue, d’origine et d’horizon variés puisque nous le proclamons haut et fort : il n’y a pas, et loin de là, qu’un seul modèle de science de gestion qui se calquerait sur les pratiques étasuniennes !
Force est de constater que cette conviction forte qui est notre credo originel et notre « marque de fabrique » commence à être partagée par nombre de chercheurs et rédacteurs de nos consœurs les revues de gestion et nous avons été heureux de lire sous la plume de Jean-Philippe Denis, ancien Rédacteur en Chef de la RFG qu’il valait mieux « valoriser la recherche française que singer le modèle américain[1] ». Nous aurions plutôt mis « francophone » quant à nous puisque depuis de très nombreuses années, nous tenons à publier les auteurs qui, partout dans le monde, expriment leur recherche en français.
En effet, La RSG est partenaire, d’une part, du Centre d’Études sur le Développement International et les Mouvements Économiques et Sociaux (CEDIMES) qui a eu cinquante ans en 2022 et célébrera cet anniversaire solennellement par un colloque international du 12 au 14 octobre 2023[2], et d’autre part, du réseau ERECO-PGV qui prépare sa XIXe conférence en janvier 2024 qui aura lieu à l’Université Matej-Bel de Banská Bystrica (Slovaquie).
Car notre politique francophone internationale ne se contente pas de se glorifier de classements obtenus dans des cénacles très, très obscurs et où l’entre-soi est la règle, comme une nouvelle forme de « repli communautaire[3] ».
Au contraire, elle entend rayonner sur les sites internationaux. Elle s’enorgueillit de compter parmi nos auteurs un étranger sur deux et de faire valider nos articles non pas seulement par deux évaluateurs, mais bien par trois puisque l’un est obligatoirement un chercheur étranger.
C’est pour cela que ce numéro 319, de la plus ancienne revue francophone de gestion, entend continuer loin des sérails et autres connivences, de faire émerger une jeune recherche africaine, des contributions nord-américaine, des nouveautés venues de l’Asie et de la péninsule arabique sans oublier bien sûr l’apport français et européen.
Ce n’est pas pour rien non plus que rare, voire unique, parmi les revues de recherche en gestion, nous entendons appartenir à la presse française et à en respecter les normes et les obligations.
Notre participation au Conseil d’Administration du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation dont nous tenons à publier ici la recommandation pour « le traitement des questions scientifiques » (page 91) est le signe de notre attachement à l’éthique de publication et de la recherche[4] !
C’est un plaisir de voir comme des chercheurs qui ont commencé à publier dans notre revue, sont ensuite happés par des consœurs plus étoilées, confirmant en cela notre longue tradition de découvreurs de talents. Dans le numéro de nos 50 ans en 2015, nous avions repris cette longue, très longue kyrielle d’éminents professeurs qui avaient été tout d’abord nos contributeurs. « C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt[5] » !
On pourra bien entendu m’objecter que parfois nos publications ne sont pas aussi abouties que ce qu’elles devraient être dans une vision un peu compassée d’un académisme étroit sinon désuet.
Et bien, nous en avons depuis toujours accepté le risque ou plutôt l’opportunité car il se fonde sur ce que nous croyons indispensable à savoir « l’adéquation du travail scientifique et des besoins sociaux[6] ». « À la synthèse intellectuelle majeure, au « chef-d’œuvre » d’un seul homme, symbolisé un temps par le doctorat d’État, s’opposent alors les travaux spécialisés d’équipes de recherche sans cesse destinés à être dépassés – ce qui renvoie notamment à l’antagonisme de « l’homme cultivé » et du « spécialiste[7] », que Weber voyait à l’arrière-plan de tous les débats sur les fondements du système éducatif[8] ».
Le marketing dans tous ses états qui constitue l’unique dossier de sept articles de ce numéro, obéit à cette logique des diversités régionales, des différentes approches conceptuelles autour de la règle des « 4 P » : Politique du Produit, Prix, Placement, Publicité et s’inscrit dans le cadre d’une économie post-covidienne.
1. 18 octobre 2019 – https://theconversation.com/valoriser-la-recherche-francaise-plutot-que-singer-le-modele-americain-125468.
2. http://www.cedimes.com/images/College_doctoral_2023/230414_colloque_Dossier_AAC.pdf.
3. Tissot, Sylvie (2014). Entre soi et les autres. Actes de la recherche en sciences sociales, 204, 4-9. https://doi.org/10.3917/arss.204.0004.
4. Goiseau, Élise, et Yoann Bazin (2022) « La New Brunswick Declaration, ou comment nos collègues étrangers redonnent du sens à l’éthique de la recherche (et pourquoi nous devrions nous y intéresser) ≫, La Revue des Sciences de Gestion, vol. 315-316, no. 3-4, 2022, pp. 13-16.
5. Marguerite Yourcenar, Memoire d’Hadrien, p. 97
6. Laperche, Blandine (2003). « Les critères marchands d’évaluation du travail scientifique dans la nouvelle économie La science comme “force productive” et “outil marketing“ », Innovations, vol. no 17, no. 1, 2003, pp. 105-138.
7. Faure, Sylvia, et Charles Soulié (2006). « La recherche universitaire à l’épreuve de la massification scolaire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. n°164, n°4, 2006, pp. 61-74.
8. Max Weber, Hindouisme et bouddhisme, Paris, Flammarion, 2003, p. 148 (traduction d’Isabelle Kalinowski).