Modifié le 31 octobre 2024.
« L’âme informe le corps ». En langage plus savant et philosophique, elle « entéléchie » le corps, c’est-à-dire qu’elle le façonne dans un état parfait (au sens littéral du mot : perfectum équivaut à achèvement) ! Il n’est pas certain que les États généraux de l’information (EGI) que le président de la République française a lancé à l’automne 2030, ait jamais poussé leur réflexion à ce point. Elle a abouti à une présentation de ses réflexions le 12 septembre dernier.
« L’âme informe le corps ». En langage plus savant et philosophique, elle « entéléchie » le corps, c’est-à-dire qu’elle le façonne dans un état parfait (au sens littéral du mot : perfectum équivaut à achèvement) ! Il n’est pas certain que les États généraux de l’information (EGI) que le président de la République française a lancé à l’automne 2030, ait jamais poussé leur réflexion à ce point. Elle a abouti à une présentation de ses réflexions le 12 septembre dernier.
Et pourtant poser les questions fondamentales, d’ordre philosophique, évitent d’en rester à l’écume de la pensée ou aux recettes du prêt-à-penser à la mode ! C’est effectivement plus compliqué ! La volonté d’aboutir vite, entre soi, sans faire appel aux débats de fond, en restant sur des poncifs, condamne à une exposition de déclarations dont la vacuité se rapproche plus des lapalissades. On est bien loin de cette ἐντελέχεια, « cette force par laquelle un objet passe d’un premier état à un second » qui constitue la définition aristotélicienne que propose Littré.
Donner l’information ou non est bien alors l’affaire de choix de celui qui transmet, le « medium » ou le journaliste/auteur.
Nous avions proposé en 2007 une adaptation au modèle bien connu de Shannon et Weaver de 1948 plus en rapport avec la réalité de l’information que nous voulons considérer ici.
À partir de cela, les classifications sur ce qui est sujet d’information relève du plus grand arbitraire et ne repose que sur des intérêts qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général, c’est-à-dire de celui de tous nos concitoyens. L’information doit-elle se limiter comme on a tendance à considérer, depuis quelque temps en France, à une immédiateté dont on peut mal justifier la durée : secondes, minutes, heures, journées, semaines, mois… ? De quoi parle-t-on ? Très régulièrement des étudiants, des cadres, des personnes du public consultent et parfois même (ce qui est mieux !) grâce à Larsg.fr, achètent des articles de notre revue, parus, il y a plusieurs mois ou plusieurs années ! Et pourtant il semble que pour certains, ces articles ne sont pas considérés « d’actualité » ! Mais qui sont ces gens qui statufient ces questions, les sclérosent et s’arrogent des pouvoirs qui les rendent caduques du fait des réalités ? Qu’on nous pardonne cette familiarité, mais l’information peut-elle se contenter d’être limitée à une rubrique des « chiens écrasés », à des questions de faits divers ou à reproduire la « binette » de quelques politiciens en recherche de reconnaissance ? Comment dans un des pays où la presse a été si vivante, peut-on considérer que seule « l’actualité politique et générale locale, nationale ou internationale[1] » devrait être considérée comme une presse de 1re classe et labellisée comme telle « IPG », avec les avantages et les fonds publics qui les accompagnent.
Dans un pays où l’on prétend que l’éducation doit être la priorité de la République, « Sans l’éducation, la transmission des valeurs de la République ne peut être assurée » proclame en en-tête, le site du Ministère de l’Éducation nationale[2], c’est un total contresens que de pas placer à égalité la presse qui diffuse « la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public[3] ». Nous le disions dans le titre : Information c’est dans sa version première : formation, c’est-à-dire, toujours selon Littré, « organiser, instituer », mais dans son acception plus moderne, ici, et plus figurée aussi : « Fait de développer les qualités, les facultés d’une personne, sur le plan physique, moral, intellectuel ou de lui faire acquérir un savoir dans un domaine particulier[4] ». Comment avec une telle finalité considérer que la presse de la culture, de la connaissance puisse passer au second rang ?
Le public ignore cette distinction et nul ne peut prédire que cette injustice de traitement puisse se justifier dans une démocratie digne de ce nom. Cette question n’a pas semblé traitée par les États généraux de l’information ! Cela détermine les limites conceptuelles que nous soulignions à ces « États généraux », si particuliers et si limités !
Il y a bien sûr, bien d’autres questions qui découlent des évolutions technologiques. L’apparition ou plutôt l’invasion des réseaux sociaux rendent aussi très prégnantes des questions d’éthique, de véracité, de vérification des sources… Il en découle des interrogations quant à la circulation des fake news, en français « fausses nouvelles ». La grande loi de liberté de la presse du 29 juillet 1881, les définissait déjà comme une infraction pénale en son article 27. L’emploi des mots « anglais » n’en change pas la définition et n’est qu’une affaire technique !
Plus complexes sans doute sont notamment les questions de :
- l’utilisation par les géants du numérique des articles de la presse et des droits de propriété
- la préservation des sources en période où des patriot act et autres lois d’urgence placées dans la législation ordinaire, au nom de la lutte contre le terrorisme, menacent les libertés,
- la déontologie des « auteurs » qu’on ne peut limiter à des porteurs de carte de journaliste, sans limiter la portée de toute action de formation…
Or, autant la presse écrite dispose d’organisations professionnelles, autant l’information télévisuelle et encore moins les opérateurs des réseaux sociaux demeurent, malgré des tentatives modestes, éloignée de toute organisation qui pourrait assurer un semblant de déontologie. C’est sans doute à commencer par le « service public de l’audiovisuel » si prompt à proclamer sa différence et qui s’endort dans des copinages de bon aloi et des indulgences coupables. Tout cela n’a rien à envier à la Magistrature ou à l’Université dont on ne sait laquelle de ces trois institutions mérite la médaille d’or du corporatisme le plus affligeant.
Enfin, depuis le XIXe siècle, et jamais vraiment infirmé, la soumission aux impératifs de l’économie constitue bien souvent une censure invisible qui va jusqu’à travestir la réalité. Tout cela menace les sphères de la production de culture qu’est la fameuse recherche du « scoop » ou pire, ce que nous avons appelé la Déformation. Le monde des affaires depuis toujours, a pris plaisir à s’offrir un journal ou un canal. Jadis lorsque la préoccupation était le salut, les fortunes achetaient celui-ci par les fondations pieuses, dont il nous reste de très beaux monuments. Désormais, l’acquisition illimitée de biens matériels rend indispensable la possession de la « presse ». On peut ainsi à bon compte y faire passer ses convictions et façonner les opinions publiques.
Très régulièrement de « bonnes âmes » s’inquiètent de cette situation avec d’autant plus d’intérêt que le financier n’a pas les mêmes options philosophiques, économiques ou politiques qu’elles-mêmes. C’est le bal des grands discours plus moralisateurs qu’intelligents, des appels à la sauvegarde de la liberté, de la démocratie et de la république ! Le magnifique dialogue d’Audiard, dans le film Le Président, « lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver ! », apporte une réponse permanente à ces censeurs au petit pied !
Il appartient bien sûr dans le domaine de la presse que les pouvoirs publics organisent les conditions du pluralisme le plus large. Il ne leur revient pas en revanche de créer cette kyrielle d’autorités administratives, en particulier dans le domaine télévisuel, qui mélangent des pouvoirs d’autorisation et de jugement tout à fait contraire à l’esprit même de l’indépendance de toute autorité judiciaire. Confier l’audiovisuel à l’ARCOM[5], qui est loin, contrairement à sa prétention, d’être une « autorité publique indépendante » du fait notamment de son mode de nomination, est un non-sens démocratique. Après avoir succédé à la CNCL[6] qui a remplacé le CSA[7], ce comité Théodule comme l’aurait qualifié le général de Gaulle, ne représente en rien le garant de « la liberté de communication audiovisuelle » par son mélange des genres. La grande loi de la IIIe République, celle de 1881, socle de la Liberté de la Presse, donnait aux seuls tribunaux de l’ordre judiciaire et en particulier aux Cours d’Assises, dotées de jurys de citoyens, les pouvoirs de sanction dans le domaine de la liberté d’expression. Toute autre organisation lui contrevient.
Dans un article de notre revue, paru en 2013, et qui garde toute son actualité, deux jeunes auteurs, Aubry Springuel et Romain Zerbid, analysaient l’influence des médias dans le domaine de la finance. Ils commençaient ainsi leur propos : « les médias participent au processus de légitimation des entreprises au point de servir quelquefois d’indicateur en matière de légitimité[8] ».
C’est dire combien le fait que notre revue ait toujours décidé de s’inscrire dans cette logique de la presse pour Informer par le biais de la formation prend tout son sens.
Dans ce numéro qui succède à celui consacré à la démocratie en santé, car comme le rappelle la Cour européenne : « la presse joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement d’une démocratie » nous poursuivons, à l’aube de nos 60 ans, notre engagement propédeutique.
Quatre dossiers mènent cette réflexion :
- Réflexions épistémologiques en sciences de gestion. Une tribune libre ouvre notre interrogation sur la constitution des connaissances valables, comme le prônait Piaget. Il y a là le rappel de cette nécessité qu’il convient de mettre en avant régulièrement dans ce domaine toujours actuel de la science de gestion.
- Responsabilité sociale des entreprises qui déborde sur la responsabilité sociétale des organisations au sens le plus large, introduit l’éthique des affaires dans le monde économique.
- Ressources humaines : Cette appellation induit une analyse de pratiques où les relations interpersonnelles ne limitent pas l’approche à un simple constat que l’entreprise, dispose du personnel nécessaire à son fonctionnement.
- Réflexions sur la gestion financière : Si Jean Bodin énonçait qu’il « n’est de richesse que d’hommes », il n’en considérait pas moins dans les six livres de La République de 1576, que la monnaie constituait un élément fondamental dans l’esprit d’une théorie globale de l’organisation de la société à l’instar d’Aristote. La gestion financière s’inscrit donc dans ici en toute logique.
Inaugurant avec André Malraux, la Maison de la Culture de Bourges, le 15 mai 1965, Charles de Gaulle déclarait : « L’esprit, c’est-à-dire la pensée, le sentiment, la recherche et les contacts entre les hommes. C’est pourquoi, encore une fois, la culture domine tout. Elle est la condition sine qua non de notre civilisation d’aujourd’hui, comme elle le fut des civilisations qui ont précédé celle-là[9]. »
1. Article 2 du décret du 29 octobre 2009.
2. https://www.education.gouv.fr/les-valeurs-de-la-republique-l-ecole-1109.
3. Article 72 du Code général des impôts, annexe III.
4. https://www.cnrtl.fr/definition/FORMATION.
5. Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou Arcom depuis 2022.
6. Commission nationale de la communication et des libertés, organisme français de régulation de l’audiovisuel de 1986 à 1989.
7. Conseil supérieur de l’audiovisuel institué en 1986, loi du 30 septembre 1986.
8. SPRINGUEL, Aubry., ZERBIB, Romain. La légitimité par les médias de référence sur les marchés financiers : le cas du Wall Street Journal dans les introductions en Bourse aux États-Unis. La Revue des Sciences de Gestion, 2013/5 N° 263-264, p.135-143. DOI : 10.3917/rsg.263.0135. URL : https://shs.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-5-page-135?lang=fr.