Actualité du bidonnage ou comment le Ministre de l’Économie assoit les fondements de sa politique

Modifié le 19 avril 2024.

À partir de 137 réponses d’entreprise suite à ce que la Direction générale des Entreprises (DGE) appelle « une vaste consultation en ligne des entreprises, tous secteurs confondus » le Ministre de l’Économie en a tiré des conclusions sur ce qu’attendraient les entreprises françaises des politiques européennes[1] ?

Pour relativiser l’enthousiasme de Bercy, précisons que dans la version 2023, l’INSEE estime à plus de 4,5 millions d’entreprises en France, rien dans les secteurs marchands non agricoles et non financiers[2].

C’est dire qu’avec 137 réponses[3] seulement dans cette enquête menée de mi-novembre à mi-décembre 2023, on se situe dans une absence totale de représentativité, même si aux 16 questions ouvertes, les 137 répondants ont fait 1 300 propositions ! Cela équivaut à un échantillon de 0,01 % !

Même le pire des sondeurs pour chaîne de télévision d’information en continue la moins sourcilleuse, n’oseraient présenter des conclusions péremptoires sur un tel échantillon.

Mais rien ne peut empêcher le Ministre des Finances que rien n’arrête en matière de communication d’entrainer les fonctionnaires de la DGE de son ministère à s’associer de tels résultats sans aucune déontologie. C’est sans doute ce qu’exprime Thomas Courbe, directeur général des Entreprises lors de la présentation lorsque dans un langage technocratique à nul autre pareil, déclare que : « cette consultation aura mis en évidence une grande variété de points de vue, représentative de la diversité des entreprises répondantes (et pas des autres donc ! N.D.L.R.), mais également des tendances et préoccupations qui sont souvent convergentes. Les positions recueillies, rarement contradictoires, sont cohérentes avec les priorités de la DGE : autonomie stratégique, transition écologique, simplification, soutien à l’offre et régulation du numérique. » Le plus simple donc est bien de partir des présupposés des fonctionnaires de Bercy et de faire ratifier par un échantillon non représentatif ! On lirait presque un rapport de l’IFRAP présenté par Agnès Verdier-Molinié, « la voix de son maître » !

Mais parce que « le Chef » est pro-européen et que la campagne des élections européennes approche, abandonnant la plume du romancier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique s’enthousiasme que : « la consultation menée par la DGE confirme l’attente d’une Europe qui simplifie et qui protège nos entreprises. » et d’ajouter encore : « je souhaite que les attentes exprimées par les entreprises soient prises en compte dans le programme de travail de la prochaine Commission ».

Par-delà cette pantalonnade qui ne peut malgré tout qu’inquiéter sur le bien-fondé des politiques économiques publiques adossées à de tels fondements, on s’arrêtera à cet aveu du communiqué de Bercy : « Au terme d’une mandature riche de la Commission européenne (l’encensoir indispensable

N.D.L.R.), les entreprises répondantes témoignent d’une certaine lassitude et de confusion face aux politiques européennes et aux changements de réglementations, perçues comme vectrices de nouvelles charges administratives ou d’obstacles au développement commercial. » Et cette inflation bureaucratique a eu pour effet qu’ « au cours des cinq dernières années, 76% des entreprises ont eu recours à des ressources nouvelles (recrutement, conseil…) pour se mettre en conformité avec les dernières règlementations, notamment la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et le règlement général sur la protection des données (RGPD). »

L’on ne peut alors que s’inquiéter que le Premier Ministre ait confié à Berçy le soin de prendre les mesures de simplification administrative en faveur des entreprises !

Qu’on se rassure, mais l’est-ce bien ? André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale dans un gouvernement Valls, n’avait pas hésité à annoncer que la pitoyable (reconnue comme telle depuis) loi NOTRE permettrait « des économies d’échelles et des suppressions de doublons » … « de 12 à 25 milliards d’euros par an[4] ». Le bidonnage sans vergogne est donc toujours d’actualité !


  1. Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 12 mars 2024, communiqué n°1623, presse.dge@finances.gouv.fr
  2. https://www.insee.fr/fr/statistiques/7678574?sommaire=7681078
  3. 51 fédérations et 86 entreprises dont environ 40 PME et ETI, https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/en-pratique/Consultations-publiques/20240411_dge_priorites-europeennes_analyse-consultation.pdf. On notera que les 51 fédérations si elles représentent officiellement des entreprises sont constituées de salariés qui ne sont en rien des entrepreneurs ou des chefs d’entreprise !
  4. https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2014/05/08/10001-20140508ARTFIG00194-andre-vallini-de-12-a-25-milliards-de-gain-grace-a-la-reforme-territoriale.php

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