Note d’orientation générale de P. Tapie, nouveau président de la CGE

Modifié le 4 août 2023.

Texte intégral, repris de la conférence de presse du 23 juin 2009, intitulé Début de présidence de la CGE

 

« Au moment où débute ma présidence de la CGE, je partirai de quatre grandes remarques et de cinq
convictions.

 

Remarques :

 

1 – Les enjeux de
l’enseignement supérieur, du développement des compétences et des qualifications, de la recherche et de l’innovation, n’ont sans doute jamais été reconnus comme aussi stratégiques qu’aujourd’hui
en France. Notre pays est entré dans le temps de l’économie de la connaissance : ceci est reconnu par tous. Dans ce cadre, la désaffection des élèves pour les études scientifiques, en
contradiction avec la demande de main d’oeuvre scientifique et technique qualifiée qui ne cesse d’augmenter, représente un défi national.

 

2 – La loi LRU apporte un
certain nombre d’avancées dans la responsabilisation des établissements d’enseignements supérieurs en donnant une plus grande marge d’autonomie aux établissements concernés, dont un assez grand
nombre de grandes écoles. Celles ci souhaitent s’engager résolument dans l’appropriation des nouveaux outils mis en place par la loi et souhaitent bénéficier des transferts de compétences
proposés. Les écoles concernées souhaitent un accompagnement positif et constructif de la tutelle dans la phase transitoire. Certaines résistances apparues récemment à l’application de la LRU ont
été surmontées, ce dont nous nous réjouissons pour tous les établissements de l’enseignement supérieur. IL faudra sans doute continuer à progresser sur le chemin de l’autonomie.

 

3 – De nombreuses
contre-vérités continuent à circuler au sujet des grandes écoles :

Les grandes Ecoles ne se limitent pas à quelques écoles historiques parisiennes mais sont réparties sur l’ensemble
du territoire

Il existe une recherche d’excellence dans les établissements de la Conférence des Grandes Ecoles.

Ces établissements représentent un flux de 25 % du total des docteurs diplômés chaque année en France, et plus de
50% de ceux diplômés dans leurs secteurs. Les laboratoires des écoles mobilisent des milliers de chercheurs et un certain nombre de ceux-ci font partie des fleurons internationaux de leurs
disciplines.

L’ouverture sociale est un souci constant des grandes écoles et leurs résultats, dans ce domaine, sont tout à fait
méconnus : Lorsque l’on observe les éléments comparables, à savoir les flux de diplômés à bac +5, les biais de sélection sociale sont identiques dans les écoles et dans les autres formations
diplômantes de ce niveau. C’est donc dans la capacité même des personnes et dans les orientations scolaires dont elles ont fait l’objet, qu’il faut rechercher les discriminants sociaux dont la
France est malheureusement dépositaire, mais non dans l’opposition stérile de systèmes de formation à l’enseignement supérieur.

Les grandes écoles correspondraient à un petit dispositif de formation, trop petit au regard des exigences
internationales. Il faut rappeler à cet endroit que les écoles délivrent un tiers de tous les diplômes de niveau master délivrés en France chaque année. Les Grandes Ecoles ont très rapidement mis
en place les différentes dispositions et organisations propres à l’espace européen d’enseignement supérieur souvent dénommé « processus de Bologne ». A ce jour elles ont réorganisé leurs cursus,
développé grandement la mobilité étudiante et enseignante, proposent un supplément au diplôme, intègrent l’international dans leurs projets stratégiques…

Si les acteurs individuels sont de tailles variables, la variété de ces tailles peut correspondre à la variété des
destinations professionnelles auxquelles préparent ces écoles. Des tailles moyennes permettent souvent une personnalisation des études et une relation aux PME plus difficile dans des institutions
de grande taille. L’enjeu d’aménagement du territoire est conséquent, et les écoles représentent souvent un élément catalytique de leur espace. L’ensemble des dispositifs des grandes écoles est
tout sauf petit en tant qu’acteur de l’enseignement supérieur en France, même si la question de la taille unitaire souhaitable pour les acteurs, selon les fonctions universitaires à accomplir,
est légitime.

Il est faux de dire qu’à l’étranger, seul un dispositif de grandes universités pluridisciplinaires serait la règle.
Il existe des universités scientifiques et technologiques de grande qualité regroupant seulement 2000 étudiants. De nombreuses business schools dans le monde sont petites et autonomes,
non inscrites à l’intérieur d’une grande institution universitaire ; elles peuvent regrouper quelques centaines d’étudiants et être mondialement célèbres. Nous ne sommes pas les seuls dans ce
type d’écoles qui, lorsqu’elles existent à l’étranger, correspondent souvent à des institutions d’élite. L’élite se caractérise davantage par l’intensité critique que par la masse
critique.

 

4 – La France ne sait pas
toujours reconnaître les atouts internationaux dont elle dispose.

L’intégration entre la formation universitaire et la formation professionnelle telle qu’elle est déployée dans les
grandes écoles, est enviée à l’étranger.

La France a su garder une haute sélectivité dans ses formations d’ingénieurs, ce qui n’est plus toujours le cas dans
les pays avancés ; en fait, seules l’Allemagne et la France continuent à être dans ce cas. Dans la plupart des pays, cette sélectivité s’applique à l’entrée dans l’enseignement supérieur (au
moins dans les Universités d’élite qui sont très souvent citées). Pratiquée par nos grandes écoles en France, elle conduit à un parcours de la réussite (en opposition à la sélection par l’échec
pratiqué dans les formations non sélectives, drame social des jeunes qui sortent du système scolaire sans aucun diplôme ni aucune qualification professionnelle).

Pour des formations au management, aux sciences et aux disciplines techniques, le dispositif classes préparatoires +
grande école manifeste une très grande pluridisciplinarité au regard de leurs équivalents internationaux. Pluridisciplinarité

entre de multiples sciences pour les écoles d’ingénieurs, enrichies de disciplines de sciences humaines et sociales.
Pluridisciplinarité entre histoire, philosophie, mathématiques et langues vivantes, comme socle des études des écoles de management grâce aux classes préparatoires.

Les grandes écoles françaises sont à la pointe mondiale du niveau d’exigence d’internationalisation imposé à chacun
de leurs étudiants.

Les grandes écoles vivent comme constitutive, dans une grande diversité de modèles, l’autonomie institutionnelle
inscrite au coeur de leur identité.

L’intégration entre les entreprises et les écoles, le lien avec l’emploi préparé par un enseignement renouvelé et
pertinent, est organisée dans les grandes écoles françaises d’une manière exemplaire au regard d’autres lieux internationaux. Si dans des modèles internationaux, les systèmes de financement par
des chaires du mécénat, sont mieux avancés qu’en France, en revanche, l’intégration des besoins des entreprises et des organisations publiques vers les projets pédagogiques eux-mêmes, est
exceptionnellement avancée dans les dispositifs des grandes écoles françaises. De même la recherche contractuelle et le transfert de technologie se sont considérablement développés dans ces
écoles ; on sait que ce point est névralgique dans notre pays.

 

Convictions :

 

1 – Les grandes écoles doivent
promouvoir ce qu’elles sont. Nous faisons de la recherche et il faut que ceci soit mieux connu des chercheurs les plus exigeants, y compris de l’Académie des Sciences. Il nous faut promouvoir à
l’étranger ce modèle de formation de mastère spécialisé qui représente un “post master degree” et qui, dans le contexte des évolutions de Bologne, constitue une opportunité remarquable,
en particulier en Europe. Les qualités de nos formations sont déjà perçues de l’étranger puisque nos grandes écoles accueillent des élèves en provenance du monde entier, qui ont fait le choix
positif de les rejoindre dans un marché très concurrentiel au niveau mondial. Leur choix conforte nos points de vue quant au positionnement stratégique et aux performances de ce modèle
d’organisation d’enseignement supérieur et de recherche.

Il nous faut mieux promouvoir à l’étranger le modèle de formation intégrée entre l’entreprise et l’institution
universitaire, le concept de stage correspondant à une originalité de nos formations, le mot français de « stage » représentant une richesse et une exigence pédagogique intégrée très supérieure à
la version anglaise « d’internship ».

Vis-à-vis des journalistes, nous devons mieux expliquer la diversité de nos écoles et de leurs projets, la richesse
de leur couverture du territoire et des milieux professionnels extraordinairement variés qu’elles servent, tant en termes de secteur que de taille d’entreprises.

Enfin, nous représentons souvent une étape importante de la chaine de valorisation du savoir dans le lieu de la
recherche technologique ou managériale. Cet espace est souvent mal organisé en France, voire inexistant. Il s’agit de faire reconnaître notre action.

Une information à jour et pertinente entre les écoles membres de la Conférence et la Conférence est indispensable
afin de disposer de données consolidées.

A partir de nos réalisations et de nos expériences, la CGE souhaite amplifier son action propre de benchmarking, de
think tank, de propositions pour notre pays, pour toutes les questions qui traitent de ses métiers tels que définis par les missions universitaires. Il nous faut mieux exprimer combien nous
préparons à des métiers variés, où tous les goûts et talents peuvent trouver leur place. Manifester notre connaissance des métiers, et l’ouverture de nos formations vers une diversité des
horizons professionnels que nous servons, représente sans doute une voie de progrès pour que chacun puisse se dire « vu mes goûts, pourquoi pas moi dans telle école ? »

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne l’emploi, nous avons à banaliser l’entreprenariat. Pour la France, la
préparation d’un nombre croissant de jeunes à une culture de l’innovation, l’entreprenariat, la valorisation, la création d’entreprises, ce que nos écoles savent particulièrement réaliser,
représente un enjeu immense. D’autres pays savent mieux que nous créer de nouvelles entreprises qui en 30 ans rassembleront plus de 100 000 salariés : pourquoi cela serait-il impossible en France
? L’émergence de pays à main d’oeuvre qualifiée peu onéreuse, et la crise mondiale, nous obligent à inventer.

 

3 – Nous devons exiger pour
nous le respect des principes de la République. La discrimination du droit à agir en tant qu’acteurs universitaires, au regard du statut administratif des établissements, doit cesser.

L’ostracisme parfois subi dans certains PRES doit être dépassé.

Enfin, nous devons redresser, chaque fois que cela est nécessaire, les informations inexactes diffusées par erreur
ou omission.

 

4 – L’enjeu du mérite
républicain et de la qualification des personnes constitue notre enjeu collectif d’universitaires. L’enjeu plus large de la qualification des jeunes, et tout particulièrement des 150 000 jeunes
exclus aujourd’hui d’une qualification à l’issue de leurs études, ne peut nous être étranger. L’imagination pédagogique collective est mise au défi par ce drame de notre pays. Pourrions-nous
avoir l’ambition de nous y pencher ?

 

5 – Nos deux privilèges
fondamentaux que sont droit à choisir les étudiants et autonomie de la gouvernance, ne seront légitimes à long terme en France que dans un paysage apaisé de l’enseignement supérieur. Les
difficultés de tel type d’établissement constituent aussi une vraie difficulté pour les autres, dans les destins sont interconnectés. Il n’y pas d’opposition grande école/université, et
aujourd’hui, au regard des critères internationaux, de nombreuses « grandes écoles » sont devenues des « universités » quand un certain nombre « d’universités » sont devenues des « grandes écoles
».

Nous devons aider la France à dire la vérité sur son enseignement supérieur parce que ces prérogatives particulières
créent, pour nous, une obligation citoyenne. »