Modifié le 28 mai 2018.
Le numérique est source de lobbying intense… et de nombreuses tromperies en cette période électorale. Pour le MUNCI, il est nécessaire de partir sur des constats rigoureux pour promouvoir le secteur, ses entreprises et ses emplois, plutôt que sur des chiffres et des bilans fantaisistes qui finissent tôt ou tard par discréditer l’ensemble de la filière, à commencer par ceux qui prétendent vouloir la défendre en 1re ligne…
Il importe également de rappeler que le numérique en France ne se réduit pas à une seule voix, un seul porte-parole, une seule vision… d’une seule organisation, d’un seul Conseil ou d’un seul Collectif.
TROMPERIES DU GOUVERNEMENT :
Le Gouvernement (tout comme les grands lobbies du numérique…) se réfère continuellement à l’étude Mc Kinsey de mars 2011 sur « l’impact d’internet sur l’économie française » (réalisée pour le compte de Google) selon laquelle 700 000 emplois auraient été créés en France dans la filière numérique sur les 15 dernières années.
Pourtant, une simple addition des statistiques publiques (disponibles en ligne sur les sites de Pôle emploi et Insee) sur l’évolution des effectifs dans les différentes industries du numérique montre que le volume réel des créations d’emplois sur cette période est… presque trois fois inférieur à ce chiffre (entre 230 000 et 310 000) ! Quant aux effectifs du numérique en France, ils s’élèvent environ à 750 000… et non pas à 1,15 millions de salariés.
Eric BESSON, Ministre en charge de l’Economie numérique, déclarait en sept. 2011 que « le plan France Numérique 2012 mis en place par le Gouvernement en 2008 prévoyait 154 actions concrètes, dont 80% ont d’ores et déjà été mises en œuvre ». Deux mois plus tard, lors des assises du numérique 2011, ce chiffre est passé à 95%.
Malheureusement, lorsqu’on regarde le détail des actions accomplies, on a le plus grand mal à être d’accord avec ces 95%, sauf bien sûr à considérer que bon nombre d’entre elles sont simplement… « en passe de l’être » ( !).
A lire : Assises du numérique 2011 : la grande messe de la “France numérique d’en Haut”
Xavier BERTRAND, Ministre du Travail, vient de signer un accord pour promouvoir « l’emploi dans le numérique » avec le Syntec numérique, principale organisation patronale représentative dans les
services informatiques.
Moins de deux mois avant la présidentielle, cet accord a été préparé étrangement dans le plus grand secret.
Si au premier abord la plupart des objectifs paraissent louables sur le fond, cet accord est trompeur et
inacceptable sur la méthode : il vise en réalité à promouvoir l’emploi non pas dans les métiers du numérique mais dans le secteur des services informatiques ie. principalement
les SSII (au dépend notamment des DSI ?) et, tout en renforçant l’hégémonie contestée du Syntec numérique, représente un pied de nez à la démocratie sociale
comme à l’ensemble de la filière numérique qui n’a pas été consultée…
TROMPERIES DES LOBBIES :
Les études réalisées par les grands cabinets d’analystes (Mc Kinsey, Deloitte, IDC…)
pour le compte de grandes sociétés IT (Microsoft, Facebook, Google…) apportent régulièrement des chiffres et des prévisions plus fantaisistes les unes que les autres en
matière d’emploi dans le numérique : plus que jamais, il semble que les grands lobbies du numérique se servent de l’emploi pour leurs opérations de communication et de
lobbying…
Certains voient également le « cloud computing » comme un nouvel eldorado pour l’emploi IT :
c’est oublier que les créations d’emplois générées par le développement des services mutualisés risquent mécaniquement d’être annulées à moyen terme par l’externalisation des services et la
diminution des projets de développements spécifiques…
A lire : Etudes : l’emploi IT
source de lobbying… et de divagations : http://munci.org/article1822.html
A l’initiative du Syntec numérique, treize organisations du numérique (parmi plusieurs dizaines…) viennent de se regrouper pour interpeller ensemble les candidats à la
présidentielle. Pour mieux faire entendre la “voix du numérique” (une ambition que nous partageons)… ou bien pour être les seules à se faire entendre ?
Allons-nous vers une nouvelle “spoliation” de la représentation des nombreux et divers acteurs du
numérique ?
Ces organisations prétendent représenter 1,5 millions d’emplois… l’inflation des chiffres se poursuit !
Elles prétendent que le numérique pourrait créer rapidement des dizaines de milliers d’emplois
simplement par un investissement massif sur la formation : c’est oublier que le secteur demeure fortement cyclique et que c’est un vœu pieux si la demande ne suit pas derrière !
Auquel cas le chômage pourrait même exploser à nouveau dans le secteur comme ce fut le cas après les chantiers de l’euro et de l’an 2000… ou encore pendant la crise de 2008-2009.
Il serait plus juste de dire que le numérique ne crée pas encore suffisamment d’emplois (environ 10 000/an dans
les services informatiques, moins que la grande distribution), mais que son potentiel de création demeure élevé et durable.
Il importe aussi que les conditions de travail s’améliorent dans le numérique : une récente étude de référence
place en effet les services informatiques et ceux aux entreprises comme étant les plus concernés par le mal-être au travail en France, avec une “forte augmentation des taux d’arrêts de
travail et de sorties forcées, ce qui traduit une persistance de la mauvaise gestion du turn-over endémique dans ce secteur“.
En effet, les chiffres des départs forcés dans les SSII remettent partiellement en cause le mythe du “CDI-roi”
dans ce secteur frappé par une forte instabilité de l’emploi…
A lire : Collectif « industrie
numérique » : vers une “pensée unique” dans le numérique ? http://munci.org/article1837.html
Les services informatiques, secteur en pointe du mal-être au travail : http://munci.org/article1816.html
Les chiffres des départs forcés (licenciements, ruptures conventionnelles…) dans les services informatiques :
http://munci.org/article1118.html
TROMPERIE DES EMPLOYEURS :
Les employeurs du numérique (relayés comme il se doit par le Conseil National du Numérique qui, rappelons-le, ne
comprend que des entrepreneurs…) se disent souvent confrontés à des « difficultés de recrutement ».
Pourtant, un simple calcul nous montre que l’offre de formation initiale et continue
estsuffisante (tout ou moins en volume, sans-doute pas en qualité) pour satisfaire aux besoins en main d’œuvre de nos entreprises.
De surcroît, le secteur n’est pas en situation de plein emploi (taux de chômage d’environ 6%) et
beaucoup de seniors sont exclus de notre marché du travail en raison d’un modèle économique basé essentiellement sur le « jeunisme ».
Les difficultés de recrutement sont pourtant bien réelles mais elles s’expliquent autrement que par une prétendue
« pénurie de main d’œuvre » et de jeunes diplômés sur notre marché du travail (critères de sélectivité des employeurs, inadéquation offre/demande, faible attractivité des SSII en raison de leur
mauvaise image d’employeur…).
Le MUNCI dénonce la quête d’hyper-flexibilité de ceux pour qui un marché du travail équilibré est nécessairement
un marché de “pénurie” qui doit être absolument corrigé. Question: veut-on vraiment du plein-emploi en France ?
A lire : La France forme
suffisamment d’étudiants aux métiers de l’informatique : http://munci.org/article1819.html
Les “difficultés de recrutement” en informatique et la “pénurie d’informaticiens” : http://munci.org/article1711.html