Modifié le 17 mai 2020.
La Confédération des jeunes chercheurs (CJC) s’est entretenue avec madame Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, aux côtés de l’Association nationale des docteurs (ANDès), le jeudi 9 avril dernier. Ce rendez-vous a été l’occasion pour la CJC d’alerter la ministre sur la situation difficile des jeunes chercheur‑es dans cette période de crise et de faire valoir nos demandes de mesures d’urgence spécifiques. Nous avons également souhaité aborder le sujet de la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche (LPPR), et plus globalement des ambitions budgétaires du gouvernement pour la recherche et les jeunes chercheur-es. Ce point fera l’objet d’un communiqué dédié prochainement.
1. Paiement des enseignant-es vacataires
Les enseignant-es vacataires, comprenant les attaché-es temporaires vacataires (ATV), en majorité des doctorant‑es, et les chargé-es d’enseignement vacataires (CEV), dont une partie sont de jeunes docteur‑es précaires, sont les personnels les plus fragiles en cette période de fermeture des établissements, étant donné qu’ils et elles ne disposent pas d’un véritable contrat de travail, ni d’une rémunération mensuelle. Cette situation rappelle crûment pourquoi la CJC souhaite depuis longtemps l’abrogation de ce statut pour faire assurer des enseignements à de jeunes chercheur-es[1]. Dans cette période d’urgence, la mesure minimum consiste à maintenir la rémunération qui était prévue au titre des enseignements programmés pour le semestre pour les vacataires, que les enseignements aient été poursuivis sous une forme à distance, ou non, en fonction des réorganisations décidées par les établissements.
Le Vademecum publié le 30 mars 2020 par les services du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri)[2], assurait déjà le paiement des enseignant‑es vacataires doctorant‑es (ATV) à la hauteur du nombre d’heures prévues en début de semestre, enjoignant les établissements à leur verser un acompte dès avril. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette prise en compte. Les annonces concernant les CEV ont cependant été très confuses. De fait, le ministère considérait que le statut des CEV, puisqu’ils et elles doivent en principe disposer d’une activité professionnelle autre, leur garantissait une stabilité financière suffisante pour annuler tout bonnement la rémunération des heures prévues au-delà du 16 mars. Cette appréciation, comme l’a rappelé la CJC à Frédérique Vidal, ne correspond pas du tout à la réalité des milliers de jeunes docteur-es précaires qui enseignent sous ce statut. De plus, la situation particulière liée au Covid-19 ne fait qu’accroître cette précarité, avec par exemple des arrêts d’activité non compensés par le chômage ou l’activité partielle.
La ministre s’est engagée auprès de nous à ce que toutes les heures de vacation prévues au semestre soient payées par les établissements, que les vacataires soient ATV ou CEV. Seule une différence dans les modalités de paiement (soit via un acompte, soit à la fin du semestre) pourrait être faite. Nous serons vigilants quant à l’application effective de cet engagement sur le terrain, et invitons tou-tes les jeunes chercheur-es vacataires à nous informer des difficultés administratives qu’ils ou elles pourraient rencontrer dans le paiement de leurs heures.
2. Prolongation des contrats de recherche doctorale
La crise actuelle est à l’origine d’arrêts ou d’importants ralentissements de projets doctoraux pour un nombre significatif de doctorant-es, toutes disciplines confondues. Il peut s’agir d’arrêts de protocoles expérimentaux, d’impossibilité d’accéder aux bibliothèques universitaires, à des archives ou des terrains de recherche, de séjours de recherche ou colloques annulés, ou de ralentissements importants dans des phases de rédaction, faute d’un environnement de travail adéquat, sans parler des risques psychosociaux générés par le confinement en lui-même. En l’absence de mise en œuvre de procédures d’activité partielle dans la recherche publique, il faut considérer qu’une grande partie de ce temps est irrémédiablement perdue, pour les premier-es concerné-es, comme pour la recherche française en général.
La ministre nous a exprimé sa volonté de prendre en compte cet impact et de soutenir financièrement une prolongation massive des contrats de travail de ces jeunes chercheur-es. Cette volonté a été en partie confirmée par le communiqué de presse du Mesri du 23 avril dernier. Néanmoins, plusieurs zones d’ombre subsistent et les conditions pratiques pour la mise en place de ces prolongations de contrats restent floues.
Lors de notre rendez-vous, la ministre nous a affirmé qu’un plan interministériel prévoyant des mesures budgétaires destinées à accompagner et organiser ces prolongations, pour l’ensemble des types de contrats de recherche doctorale (contrats doctoraux de droit public, Cifre, contrats financés par l’ANR ou par les régions…), serait annoncé prochainement.
Cependant, l’absence de financements fléchés pour l’enseignement supérieur et la recherche, au sein de la première et de la seconde lois de finances rectificatives n’est pas pour nous rassurer. Si ce financement faisait défaut, il reviendrait aux établissements, sur la base de leurs budgets généraux, de financer ces prolongations. Cela aurait pour conséquence de les obliger à arbitrer entre le nombre de recrutements prévus à la rentrée prochaine, et ces prolongations exceptionnelles. Nous refuserons de voir une génération de jeunes chercheur-es sacrifiée pour une autre. Il revient au gouvernement d’assumer sa responsabilité face à cette situation qui nous impacte tous et toutes, et de ne pas contraindre les établissements à un choix arbitraire qui ne ferait que dégrader la recherche française.
Doctorant-es contractuel-les
Pour les doctorant-es contractuel-les au sens du décret n°2009-464, agents publics d’établissements d’enseignement supérieur ou d’organismes de recherche, des possibilités de prolongation du contrat par avenant, allant jusqu’à un an, sont déjà prévues par le décret ; voir la fiche 14 du Guide du doctorat.
De telles prolongations sont accordées de droit en cas de congés maladie de plus de 4 mois consécutifs, si l’intéressé-e en formule la demande[3]. Les arrêts de travail exceptionnels introduits par le décret n°2020‑73 du 31 janvier 2020 dans le cadre de l’épidémie Covid-19, ouvrant droit aux indemnités journalières maladie[4], devraient légitimement être inclus dans ce décompte.
D’autres prolongations, optionnelles, mais sans conditions particulières, sont prévues à l’article 7. Ces dernières sont accordées par la ou le président d’université ou la ou le directeur d’établissement employeur, sur demande motivée du ou de la doctorante, et sur proposition du ou de la directrice de l’école doctorale d’inscription, après avis du ou de la directrice doctorale et du ou de la directrice du laboratoire d’accueil.
Il n’y a donc pas besoin de modifier la réglementation sur ce point. La seule question qui se pose aujourd’hui pour les doctorant-es contractuel-les est celle du financement de ces prolongations, que les établissements ne pourront pas assurer sans budget exceptionnel abondé par le ministère. En cohérence avec notre signature de l’appel « La recherche a besoin d’un plan d’urgence » du 28 avril 2020 avec de nombreuses sociétés savantes[5], nous demandons une prolongation minimale de trois mois pour les doctorant-es contractuel-les. À titre indicatif, le salaire chargé d’un‑e doctorant‑e contractuel‑le rémunéré‑e au plancher réglementaire revenant à environ 2 500€ par mois (cotisations sociales comprises). Ainsi, pour l’ensemble des 5 000 doctorant‑es contractuel‑les agents de l’État arrivant en fin de contrat cette année, le budget nécessaire reviendrait à 37,5 millions d’euros. La CJC attend donc un engagement financier du gouvernement d’au moins cet ordre pour l’année 2020.
Cifre
Pour les doctorant-es recruté-es dans le cadre d’une Cifre[6], si l’employeur a fait usage de l’activité partielle pour suspendre le contrat de travail[7], ou si le ou la doctorante a été en arrêt de travail pour maladie, garde d’enfant, ou isolement Covid-19[8], cela pendant plus d’un mois, la Cifre peut être prorogée par avenant[9]. Il apparaît cependant nécessaire que l’ANRT prenne des dispositions exceptionnelles pour permettre des prorogations massives au-delà de ces situations particulières, et que son budget soit abondé d’autant.
Les prolongations doivent se faire sur une base systématique
La CJC a pris connaissance de la mise en place, au sein d’unités de recherche, d’un système de « classement » des personnels contractuels visant à prioriser la prolongation de contrat pour certains d’entre eux, sur la base de critères tout à fait opaques relevant, semble-t-il, du jugement personnel de quelques un-es (directeur et directrice d’unité notamment). Un tel fonctionnement ne peut conduire qu’à des dérives potentiellement inacceptables. Les prolongations doivent être accordées sur une base systématique, adaptées uniquement en fonction de l’estimation du temps de recherche perdu en conséquence de l’épidémie, du confinement et des fermetures d’établissements. Cette estimation doit être établie de manière consensuelle avec les doctorant-es et directeurs ou directrices doctorales concerné-es. Ces prolongations exceptionnelles ne sont pas là pour jouer le rôle d’une évaluation supplémentaire, menée en dehors des cadres habituels (école doctorale, comités de suivi, jury de recrutement…).
Il est pour cela urgent que le ministère clarifie publiquement les moyens exceptionnels qui seront débloqués pour les établissements employeurs, en précisant les modalités des prolongations de contrat qui seront ainsi prises en charge. La CJC refusera toute hiérarchisation des personnels jeunes chercheur‑es effectuée par les directeurs et directrices d’unité, autre que le temps de recherche perdu.
Anticiper la prolongation des contrats pour les projets impactés dès la première année
Nous avons alerté la ministre sur la nécessité de prévoir une prolongation pouvant concerner tous les contrats, et pas seulement les doctorants-es en dernière année. En effet, le confinement et la fermeture des établissements provoquent des retards qui peuvent être particulièrement délétères pour les doctorant-es en début ou milieu de projet doctoral, souvent en plein travail de terrain ou expérimental. Les interruptions de protocoles expérimentaux, pertes d’échantillons, annulations de séjours ou inaccessibilité de terrains de recherche, pourront provoquer des retards parfois bien supérieurs à la durée du confinement lui-même, obligeant à reprendre ou réorienter de manière importante la recherche. Le financement exceptionnel de ces prolongations de contrats devra donc nécessairement être prévu sur 3 ans, et demeurer ouvert aux doctorant-es aujourd’hui en première comme deuxième année. Le cabinet de madame Vidal nous a assuré que le plan exceptionnel en préparation prévoira bien une programmation sur ces trois années.
Vigilance sur la complémentarité avec les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales, en particulier les régions, financent un certain nombre de projets doctoraux (900 ont débuté en 2017-2018, hors Cifre[10]), souvent sous la forme de financement d’un recrutement par contrat doctoral dans un établissement d’enseignement supérieur ou un organisme de recherche. Bien que ces derniers soient les employeurs, le salaire est alors financé par la collectivité territoriale.
La ministre nous a déclaré que le plan de mesures budgétaires en préparation prendrait également en considération ces projets financés par les collectivités. Or certains conseils régionaux envisagent d’apporter un soutien financier à la prolongation des projets qu’ils financent, et d’autres non. Nous serons vigilants quant au risque important d’inégalités territoriales induit par un engagement à géométrie variable des collectivités, en particulier régionales. Le ministère devra prendre ses responsabilités en tant qu’employeur de la plupart des doctorant-es concerné-es, par l’intermédiaire de ses opérateurs (universités, organismes…). Si les régions venaient à ne pas harmoniser leurs interventions, il reviendrait au ministère de s’assurer que les disparités territoriales ne mettent pas en péril l’équilibre de l’offre contractuelle française.
3. Prolongation des CDD de recherche pour docteur-es (« postdocs ») et ATER
Bien que les chercheur-es contractuel-les docteur-es n’aient pas nécessairement de livrables précis tels qu’une thèse à fournir en fin de contrat, la situation de crise va les impacter également. Sans prolongations de CDD, toute une génération de jeunes chercheur-es « post-docs » risque d’être fragilisée dans son début de carrière. L’arrêt ou le quasi-arrêt des activités de recherche pendant plusieurs mois va constituer une perte de chance importante pour ces dernier-es, souvent en compétition avec la génération précédente ou suivante pour des postes permanents en nombre réduit.
Nous avons souligné le risque pour cette population à la ministre. Frédérique Vidal nous a confirmé en retour que le plan de mesures budgétaires en préparation (voir section précédente) inclurait des prolongations de CDD de recherche pour docteur-es. Le projet de loi n°2907 déposé le 7 mai 2020 prévoit par ailleurs l’habilitation du gouvernement à autoriser par ordonnance une prolongation exceptionnelle des CDD de recherche, éventuellement rétroactivement à compter du 24 mars pour les contrats déjà arrivés à leur terme, et sans inclure cette période de prolongation dans le temps de service de 6 ans générant une CDIsation[11]. L’application effective de telles prolongations serait un soulagement important pour ces jeunes chercheur-es.
La même problématique s’applique aux attaché-es temporaires d’enseignement et de recherche (ATER), qu’ils et elles soient doctorant-es ou docteur-es. Leurs missions de recherche (réglementairement 50 % de leur temps de travail) n’ont pas pu être menées convenablement ces derniers mois, et seront fortement perturbées jusqu’à la fin de l’année universitaire, au moins. Il est tout aussi crucial de permettre aux établissements employeurs de renouveler largement les contrats de ces ATER déjà en poste, sans préjudice des recrutements initialement prévus pour 2020-2021, et en suspendant les limitations de renouvellement habituelles (2 ou 4 ans de fonctions d’ATER maximum selon les statuts)[12]. Ces contrats d’ATER supplémentaires permettront, de plus, aux établissements de mieux faire face au nombre probablement plus élevé d’étudiant-es à la rentrée 2020. La CJC demande que ces mesures incluent tous les statuts d’ATER sans distinction (doctorant‑es et docteur‑es préparant un concours de recrutement de l’enseignement supérieur, fonctionnaires ou non, comme enseignant-es ou chercheur-es étranger-es docteur-es[13]), alors que le projet de loi n°2907 semble ambigu à ce sujet.
4. Réinscriptions administratives
La crise causée par l’épidémie Covid-19 va provoquer des milliers de réinscriptions administratives supplémentaires en doctorat pour 2020-2021. Ceci est la traduction logique de la perte massive de temps de recherche doctorale causée par le confinement et les fermetures d’établissements. Cette question doit être distinguée de celle des contrats de travail (voir section 2), d’autant plus qu’une part importante des doctorant-es réalisent toujours leur travail de recherche doctorale sans contrat de travail associé.
L’arrêté du 25 mai 2016 sur le doctorat prévoit que « La préparation du doctorat, au sein de l’école doctorale, s’effectue en règle générale en trois ans en équivalent temps plein consacré à la recherche. Dans les autres cas, la durée de préparation du doctorat peut être au plus de six ans. » (art. 14). Il prévoit également que des « prolongations annuelles peuvent être accordées à titre dérogatoire par le chef d’établissement, sur proposition du directeur de thèse et après avis du comité de suivi et du directeur d’école doctorale, sur demande motivée du doctorant » (art. 14). La période de confinement et d’inaccessibilité des bâtiments de recherche ne peut décemment pas être comprise comme une période de temps plein consacré à la recherche. Aussi, afin d’assurer l’équité sur le territoire et de simplifier les démarches, la CJC a demandé à la ministre que la période de confinement et d’inaccessibilité des bâtiments de recherche soit officiellement exclue de la période comptabilisée dans la réalisation de la recherche doctorale. Cela implique la non prise en compte de cette période pour déterminer les demandes de réinscription en quatrième année et plus, ainsi que pour les demandes de réinscriptions dérogatoires au-delà de six ans. Nous appelons les écoles doctorales à faire un large usage de ces réinscriptions dérogatoires et invitons le ministère à publier des consignes allant dans ce sens.
La ministre nous a indiqué que le ministère travaillait sur un dispositif prenant en compte cette demande. Toutefois, l’arrêté pris le 21 avril dernier[14] ne répond pas aux besoins soulevés. Il instaure un dispositif dérogatoire de prolongation administrative ne nécessitant pas de demande motivée de la part du ou de la doctorante, ni d’avis de l’école doctorale et du comité de suivi, qui ne s’adresse qu’aux « doctorats dont l’échéance ou la prolongation autorisée intervient entre le 1er mars 2020 et le 1er mars 2021 ». Ceci exclut de fait du dispositif la plus grande part des doctorant‑es impacté‑es, en première ou deuxième année par exemple.
La problématique des frais d’inscription
Au vu du contexte et dans la suite logique des engagements pris sur la facilitation exceptionnelle des prolongations de doctorat, la CJC demande que les conséquences de ces aménagements ne reposent pas financièrement sur les jeunes chercheur-es, aujourd’hui déjà en difficulté, et que toutes les réinscriptions en doctorat pour l’année 2020-2021 soient exonérées de frais d’inscription.
La CJC rappelle, à cette occasion, que si le doctorat doit être véritablement considéré comme une expérience professionnelle, les frais d’inscription au diplôme devraient être systématiquement pris en charge par l’employeur (universités, organismes, entreprises, etc.) au titre des frais professionnels. Quant aux doctorant‑es non couvert‑es par un contrat de travail à ce jour, la difficulté de leur situation devrait être reconnue par une exonération sociale systématique.
Près de la moitié des 70 000 doctorant‑es de France, sans contrats de travail de recherche, seront de fait, exclu‑es des mesures de prolongations de contrats. Seule une exonération des frais de réinscription supplémentaires engendrés permettrait donc d’atténuer, un tant soit peu, les conséquences pour elles et eux.
Nous rappelons cependant aux doctorant-es concerné-es que, suite à la mobilisation de la CJC depuis 2019, les doctorant-es soutenant leur thèse avant le 31 décembre n’ont plus à se réinscrire pour l’année universitaire entamée, et donc à régler de nouveaux frais d’inscription, taxe CVEC, ni à passer devant un comité de suivi[15].
5. Soutenances de thèse
De nombreuses soutenances ont d’ores et déjà dû être reportées en raison du confinement. Des possibilités très larges de dérogation aux règles de soutenance par visioconférence, comme à celles de composition des jurys, ont été instaurées par l’ordonnance n°2020-351 du 27 mars 2020 (art. 4) et l’arrêté du 21 avril 2020 (art. 1). En particulier, la présence physique du président du jury n’est plus requise.
Si cette dernière mesure est utile pour étendre le recours à la visioconférence, lorsqu’un report de la soutenance est trop problématique, la CJC rappelle que la soutenance de thèse est une expérience faisant partie intégrante du doctorat qui doit être préservée. En particulier, la composition du jury (nombre de membres extérieurs…), et la publicité des débats, ne doivent pas être sacrifiées. Alors que le recours accru à la visioconférence donne lieu ces dernières semaines à des pratiques très diverses, nous appelons le ministère à préciser que ces points ne peuvent faire l’objet d’une dérogation.
La ministre nous a bien indiqué que ces possibilités de dérogation ne constituaient que des alternatives au report de la soutenance, et non une recommandation de la visioconférence. Nous lui avons demandé de clarifier le fait que cette option, utile dans certaines situations, ne doit être en aucun cas une obligation pour le ou la doctorante concerné‑e. Celui ou celle-ci doit, seul‑e, décider d’une préférence entre le recours à la visioconférence ou le report de sa soutenance.
Pour les doctorant‑es contractuel‑les ou en Cifre, un report de la soutenance devra s’accompagner d’une prolongation du contrat de travail (voir section 2), la préparation de la soutenance faisant partie intégrante du travail de recherche prévu par le contrat.
Pour les doctorant-es dont le travail n’est pas (ou plus) couvert par un contrat à la date initiale de soutenance, la CJC demande l’attribution d’une aide spéciale venant compenser au moins partiellement les difficultés personnelles provoquées par le report de soutenance (perte du bénéfice d’un recrutement sur poste réservé à un-e docteur-e, problèmes de logement, etc.). La ministre a affirmé réfléchir à ce point, et indiqué qu’une telle aide pouvait déjà être mise en place par les établissements dans le cadre de la mobilisation exceptionnelle des fonds de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC)[16]. Nous soulignons toutefois que ces aides sont attribuées sur des critères généralement pensés pour les étudiant‑es, et très peu adaptés à l’évaluation de la situation d’un-e doctorant-e, alors même que les doctorant‑es alimentent largement ces fonds (pas d’exonération sociale possible). De plus, nous rappelons notre opposition au principe de la taxation des doctorant‑es par la CVEC afin de financer les missions de service aux usager‑es des établissements[17].
6. En résumé
Un paquet interministériel budgétaire et réglementaire « jeunes chercheur-es » est en préparation et devra être précisé dans les semaines qui viennent. Ce paquet devrait inclure une enveloppe aux employeurs publics de jeunes chercheur‑es (doctorant‑es et chercheur‑es contractuel‑les docteur‑es) afin de financer largement des prolongations de contrat sur tout le territoire, une enveloppe à l’ANRT afin de financer des prolongations de Cifre, et des mesures de neutralisation de la période vis-à-vis de la durée réglementaire de réalisation du doctorat. La CJC sera vigilante quant au volume de ce paquet budgétaire, qui ne saurait être inférieur à plusieurs dizaines de millions d’euros, pour être crédible. Le risque serait, si le gouvernement ne prenait pas ses responsabilités, que les établissements employeurs arbitrent entre la prolongation des recherches mises à l’arrêt ces dernières semaines et les recrutements à venir, c’est-à-dire entre sacrifier une génération de jeunes chercheur‑es ou la suivante.
La ministre nous a par ailleurs indiqué que toutes les heures de vacations qui avaient été prévues pour le semestre seraient, en dernière instance, payées, ce qui est une satisfaction. Nous demandons de plus que tou-tes les doctorant-es se réinscrivant en doctorat en 2020-2021 soient exempté‑es du paiement des frais d’inscription, afin de ne pas faire porter le poids de la prolongation exceptionnelle des recherches sur leurs épaules. Enfin, à l’instar des aides exceptionnelles débloquées pour les étudiant‑es, nous demandons que des aides exceptionnelles soient accordées aux doctorant‑es hors contrat dont la soutenance a dû être reportée, occasionnant des frais et des difficultés sociales imprévues.
[1] Voir notamment « Enseignant-es vacataires du supérieur : la CJC appelle la ministre F.Vidal à passer de l’instrumentalisation aux actes », communiqué du 4 mai 2018 ; « La CJC soutient le mouvement de grève des doctorant-es de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne », communiqué du 22 mai 2019 ; « Depuis le 1er janvier 2019, les vacations d’enseignement du supérieur sont payées 17 centimes sous le SMIC », communiqué du 23 mai 2019.
[2] https://services.dgesip.fr/fichiers/Vademecum-FAQ-Administratives-MESRI-24avril.pdf pour la version du 24 avril.
[3] Décret n°2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche, art. 8, et circulaire du 29 novembre 2016, p. 6.
[4] « les assurés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile ainsi que ceux qui sont parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’enfant en situation de handicap faisant lui-même l’objet d’une telle mesure et qui se trouvent, pour l’un de ces motifs, dans l’impossibilité de continuer à travailler peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières prévues aux articles L. 321-1 [du code de la sécurité sociale]. », art. 1.
[5] Ouvert à signatures à https://www.change.org/p/le-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-la-recherche-scientifique-a-besoin-d-un-plan-d-urgence.
[6] Conventions industrielles de formation par la recherche, liant un employeur, un laboratoire académique, et l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) distribuant une subvention publique.
[7] Voir « Activité partielle – chômage partiel », FAQ du ministère du travail.
[8] Décret n°2020-73 du 31 janvier 2020. Voir aussi « Garde d’enfants et personnes vulnérables », FAQ du ministère du travail.
[9] Conditions générales d’octroi et d’éligibilité des Cifre, 2019, art. 3.9, p. 9-10.
[10] État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation n°12.
[11] Article 6 bis de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, parfois improprement appelé « loi Sauvadet ».
[13] Alinéas 1° à 6° de l’art. 2 du décret n°88-654.
[16] Voir le courrier de madame Vidal aux président-es d’université et chef-fes d’établissement du 30 mars 2020.
[17] « Contre l’augmentation de 150 euros des frais d’inscription sans bénéfices pour les doctorant-es », communiqué du 8 novembre 2017 ; « Contribution vie étudiante : premier recul du gouvernement mais toujours pas d’exonération ou de compensation financière pour les doctorant-es », communiqué du 13 décembre 2017 ; voir aussi notre FAQ « CVEC en doctorat ».