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n°293 – Le management : une question neuve !

Le management : une question neuve !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

«Tout comme M. Jourdain faisait de la prose, le mot d’origine anglaise, mais parfaitement inséré dans notre langue française, management, est suffisamment vaste pour qu’on puisse tous à un moment donné, le pratiquer sans le savoir. Le bien pratiquer est une autre affaire !

Qui n’a en mémoire, l’impressionnante idée d’« entreprise sans usine » du brillant polytechnicien Serge Tchuruk, qui permit à Alcatel de disparaître en tant que « leader mondial des télécoms »!

Car depuis l’américain Taylor, le français Fayol, ou l’autrichien Peter Drucker, « Pape du management », il est bien clair que le management est bien l’ensemble des processus combinant la compétence, la capacité d’innovation et une organisation du travail en fonction du facteur humain permettant de faire progresser une organisation.

POCCC : Prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler, symbole des fonctions du « manager », telles qu’Henry Fayol, reprises par L. Urwick, les a décrites, sont devenues classiques. On exhorte aujourd’hui les entreprises à faire preuve d’innovation en termes de management.

5, 6… 8 fonctions clés… ?

Si ces notions ont un sens et même sont pratiquées par certains grands groupes, grâce aux brillantes cohortes de diplômés de MBA qu’ils recrutent, avec les succès qu’on connait parfois, comme aime à le souligner Henry Mintzberg, qui a toujours notre adhésion, les fonctions mêmes du management sont généralement méconnues des TPE et des PME.

Le management : une question (toujours) neuve ?

Voilà pourquoi ce numéro essaie, à sa modeste place, après une remise en perspective que présente Baptiste Rappin, Brève Histoire cybernétique du management contemporain, de placer trois illustrations concrètes visant à faire comprendre la richesse du management. Grace Moussaid, publie un processus repreneurial original, celui de la veuve. Cet article passionnant est émouvant puisqu’il est aussi le dernier que notre ami, le professeur Robert Paturel, nous avait adressé avant sa tragique disparition. Deux jeunes auteurs prometteurs, formés sous le harnais de Jean-Marie Peretti, nous rappellent que le management concerne aussi les collectivités territoriales et que l’employabilité et la fidélisation des agents sont une question sensible ! Ce dossier se termine par les travaux de Joël Gouteron, en marketing, sur l’attachement ou de l’implication ?

Fidèle à notre ouverture à la recherche qui se fabrique, nous présentons dans ce numéro, un dossier sur la « gestion des réseaux » par trois contributions sélectionnées[1] lors de la 9e édition de l’International Finance Conference qui s’est tenue à l’ISC Business School[2].

Finalement le management a pour fonction de diriger : « faire avancer dans une direction précise », et gérer, c’est- à-dire direction et gestion…

Notes

  1. https://thema.u-cergy.fr/IMG/pdf/lfc9_official_program.pdf
  2. https://thema.u-cergy.fr/evenements/workshops-colloques-conferences/article/the-9th-edition-of-international-finance-conference-ifc9

n°291-292 – Au service des entrepreneurs !

Au service des entrepreneurs

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Quel est l’impact de la recherche sur les managers ? Telle était la question que cherchait à élucider l’enquête FNEGE [1] sur l’influence de la recherche en management réalisée par Michel Kalika [2], Sébastien Liarte [3], et Jean Moscarola [4], à partir de ces questions :

  • Quels sont les auteurs et les connaissances que les managers considèrent comme utiles pour leurs pratiques ?
  • Sont-ils informés sur la recherche en management ?
  • Comment et qu’en pensent-ils ?

L’étude des 1557 réponses obtenues [5], a permis d’appréhender la manière dont l’impact de la recherche est perçu par les managers.

La RSG se place en 4e position du TOP 10 des revues les plus reconnues par les entrepreneurs : pas mal pour la seule revue indépendante d’une fondation ou d’une association, et la seule gérée comme une entreprise ! L’étude ne mesure pas l’impact à l’étranger qui nous aurait renforcés encore.

Il y a plus de 10 ans, à l’occasion de la parution de la traduction française de l’ouvrage de deux professeurs de Stanford aux Presses de Harvard Business School, Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, nous regrettions avec le préfacier de « Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense » que les « pratiques managériales ne font qu’un usage très limité des connaissances accumulées par la recherche en management [6] » ?

Les choses auraient-elles donc changé et la recherche académique inspirerait-elle enfin, un peu… beaucoup ou guère, sinon pas du tout, les actions des entrepreneurs ?

L’enquête ne va pas jusqu’à apporter une réponse construite et étayée à cette question existentielle ? En effet, publier pour publier comme le souligne pour en dénoncer la pratique Sylvie Chevrier [7] qui est aussi membre de notre Conseil de rédaction, n’est ni de la recherche ni d’un quelconque apport pour la gestion des organisations… en fait, un enseignement qui « n’estoit que besterie, et leur sapience que moufles, abastardissant les bons esperitz et corrompant toute fleur de jeunesse » pour reprendre avec son style, la critique que Rabelais faisait déjà en son temps à ces connaissances hors-sol et inutiles !

Être scientifiquement promoteur et pouvoir influer le cours des activités des entreprises en inspirant les entrepreneurs, est une forme de quadrature du cercle qui nécessite sans cesse une interrogation sur le pourquoi de nos choix, sur la pérennité des articles et l’apport réel de ces contributions.

Le vrai principe n’est pas de se faire gloire d’éliminer un très fort pourcentage de propositions. C’est à la portée de tous et c’est être bien présomptueux sur son propre jugement. Partir du principe que plus que de modélisation, cette technique qui a tué la science économique, comme les sophismes dénoncés déjà par Rabelais, c’est l’approche humble du terrain qui permet, comme l’historien le fait, de fonder des connaissances et d’apporter un éclairage utile à tous, à commencer par les entrepreneurs.

Elie Cohen a déjà répondu à notre interrogation : « En fin de compte, l’affirmation de la gestion dans ses développements cognitifs, comme dans ses réalisations instrumentales est sans doute vouée à s’accomplir dans une tension permanente entre l’ambition généralisante et la recherche de relations causales stables d’une part, et le souci de prendre en compte, sinon en charge, les problèmes réels auxquels sont confrontées les entreprises et les organisations d’autre part [8]. »

Cette « tension permanente » est ce qui préside au choix de nos publications : « Avec l’apport des diverses disciplines scientifiques, et des techniques nouvelles qui en sont résultées, ces méthodes de gestion tendent à se multiplier en se spécialisant. Ce faisant, elles deviennent plus hermétiques et plus disparates.

Il est de plus en plus difficile de les relier entre elles, d’en délimiter les champs d’application, d’en apprécier les possibilités d’utilisation.

Or, tout Cadre de Direction (manager) doit être en mesure, de situer dans une perspective globale, non seulement les problèmes de l’entreprise, mais également, les méthodes permettant de les résoudre.

C’est pourquoi, il nous a paru nécessaire, à côté des revues spécialisées consacrées à ces différentes méthodes, d’offrir à l’ensemble des Cadres de Direction une publication qui en fasse une synthèse, utile également pour le spécialiste », c’était déjà le propos de notre revue lors de la parution de son 1er numéro en 1965.

Être la plus ancienne revue francophone, avoir reçu du grand universitaire et homme d’État, Raymond Barre, la qualification de « 1re revue francophone de management » oblige et fixe la ligne de crête pour « être au service des entrepreneurs ».

Voilà pourquoi exceptionnellement, à côté des recensions bibliographiques de nos collaborateurs attitrés (page 157), nous présentons brièvement en clin d’œil, un ouvrage sur le parcours de 20 entrepreneurs (page 101).

Trois dossiers thématiques entendent répondre également à cette préoccupation permanente par leur diversité et leur lien avec le terrain, d’étude, d’expertise, de synthèse.

  • « Géographie et entreprises »,ouvre ce numéro double du cœur de l’été, en privilégiant l’environnement territorial, régional voire immatériel.
  • « Collaborations et coopérations», ce dossier découle naturellement du fait des contraintes des évolutions des technologies notamment de l’information, et de la nécessaire utilité de trouver des fondements économiques et sociologiques aux défis de la mondialisation.
  • « Mesures et contrôles »,est le dernier dossier. Il aborde par des cas souvent très orignaux, une logique d’évaluation nécessaire à tout acte d’« administration » pour reprendre le vocabulaire du père du management qu’est Henri Fayol dont l’objectif était déjà de placer sa publication « au service des entrepreneurs » !

 

Notes

[1] FNEGE : Fondation nationale pour les études de gestion.

[2] Professeur à l’IAE Lyon, BSI.

[3] Professeur à l’Université de Lorraine.

[4] Professeur à l’Université de Savoie.

[5] Enquête FNEGE, menée en partenariat avec Sphinx Institute, http://www.lesphinx-developpement.fr/wp-content/uploads/2016/05/Communiqu%C3%A9_Enqu%C3%AAte_FNEGE-Sphinx-Institute_OK.pdf.

[6] Naszályi Philippe, « Faits et Foutaises dans le Management » ou « Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense », La Revue des Sciences de Gestion, 2007/6 (n°228), p. 5-6. DOI : 10.3917/rsg.228.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2007-6-page-5.htm.

[7] Chevrier Sylvie, « Publish… and perish ! », Annales des Mines – Gérer et comprendre, 2014/1 (N° 115), p. 18-21. DOI : 10.3917/geco.115.0018. URL : https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre1-2014-1-page-18.htm.

[8] Elie Cohen, (1997), Épistémologie de la gestion, article 59 dans Encyclopédie de la gestion, Simon, Yves et Joffre, Patrick (dir.) Paris, Economica. page 1059.

n°289-290 – « Objets inanimé, avez-vous donc une âme »

« Objets inanimé, avez-vous donc une âme », ou Psyché en sciences de gestion

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Faire cohabiter Lamartine avec John Venn est en quelque sorte le pari de ce numéro qui inaugure 2018. Il y a bien longtemps que les sciences de gestion utilisent le diagramme que ce mathématicien britannique mit au point et publia en 1881 [1]. Pour mémoire, et sans aucun rapport apparent, c’est cette même année que le Législateur français instituait enfin, la liberté de la presse.

Il y a malgré tout plus d’un lien entre les deux. D’abord, La RSG est, depuis sa création en 1965, ce qui en fait la plus ancienne revue académique francophone de gestion, un organe de presse. Cela en fait une rareté au milieu du paysage des autres publications.

Certains évaluateurs ont tendance à ne pas prendre en considération cette particularité lorsqu’ils s’avisent de classer les revues. C’est à coup sûr une grave méconnaissance des réalités ou plus grave, une volonté de les ignorer. Respecter depuis 52 ans les obligations qu’on exige, et de plus en plus, de la presse, est un facteur qui garantit déontologie et indépendance. Nous ne sommes pas l’excroissance plus ou moins cachée d’une quelconque institution, si honorable soit-elle. Si nous devons notre naissance en partie à l’Institut de contrôle de gestion (ICG), devenu Institut français de gestion (IFG), nous en sommes séparés depuis 1985 et sommes, fait encore plus rarissime, une société et non une association, une entreprise donc qui remplit là aussi les obligations de transparence que l’on exige d’elle.

Connaître la gestion de l’intérieur et répondre au cahier des charges de la Commission paritaire des publications et agence de presse (CPPAP) qui tous les 5 ans vérifie que La RSG est bien organe de presse, est bien notre caractère propre.

C’est cette indépendance qui amène nombre d’auteurs à nous soumettre par priorité leurs papiers pour que nos TROIS évaluateurs, dont l’un est hors de l’Hexagone, valident leur recherche. Qui d’autres ?

C’est cette volonté de qualité que nous avons imposée à toute contribution acceptée, d’être l’objet d’une double relecture pour que toutes les sources citées soient vérifiées. Qui d’autres ?

Publier à La RSG, est donc un long chemin, plus long que chez nombre de nos consœurs, et en tout cas plus difficile aussi que chez plusieurs revues anglo-américaines, dont le seul fait d’être publié en anglais, est considéré comme un critère qualifiant, alors qu’il n’est qu’un aveu de veulerie de ces classeurs. « La trahison des Clercs » n’est plus celle que J. Benda dénonçait en 1927, mais elle est toujours la tentation devant l’apparent plus puissant devant lequel s’agenouille toujours le colonisé en esprit.

C’est cette indépendance qu’en France ou hors de France, ceux qui entendent se tourner vers une recherche originale ou innovante, que demandent les institutions qui sollicitent notre partenariat pour organiser un colloque ou des journées d’études. Nous sommes parcimonieux et c’est gage de qualité pour nos lecteurs.

Nous sommes heureux et fiers, par exemple d’avoir compris avant bien d’autres, l’importance de la RSE et d’avoir été les seuls à ouvrir nos colonnes à l’ADERSE pour publier les actes de son premier congrès[2].

Indépendance et qualité sont donc congénitalement notre marque de fabrique. C’est pour cela que nous sommes toujours inquiets que l’on cherche à restreindre cette liberté de la presse déjà pas mal entamée depuis 30 ans sous des prétextes plus spécieux les uns que les autres !

Indépendance et qualité sont aussi un challenge qu’il faut relever à chacune de nos parutions et sont les épreuves qu’à l’instar de Psyché, mais sans l’aide d’Aphrodite, de l’aigle de Zeus ou de Perséphone, nous devons accomplir.

Cette parution qui ouvre 2018, placé sous le signe de Psyché, le « principe pensant » pour Aristote, confronte les sciences de gestion avec les horizons des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité. Ouvert par le travail sur le contrat psychologique, fondamental en RH, de François Renon et d’Anne Goujon-Belghit, chercheurs à la Chaire de Capital Humain et de Performance Globale de l’Université de Bordeaux, ce numéro présente deux dossiers thématiques : Psyché et la consommation et Psyché et la gouvernance.

Le poids des seniors grandissant en économie touristique qu’étudient Amélie Clauzel et Caroline Riché, les tensions identitaires et les stratégies de résolution des consommateurs responsables confrontés à leur comportement réel d’achat, analysées par Naouel Makaoui et Ludovic Taphanel, la mesure de l’insatisfaction des consommateurs des prestataires de formation que présente Bruno Samba, et la peur de mourir face aux médicaments contrefaits des populations à faible revenu, décrite, par Bertrand Sogbossi Bocco, sont les quatre chapitres de ce dossier constitué d’études de terrain.

La gouvernance est d’abord un terme qui nous vient de la finance. À partir d’un échantillon international de 730 banques entre 2008 et 2012, Renald Guiselin et Jérôme Maati, étudient l’influence des mécanismes de gouvernance d’entreprise confrontée aux normes de la transparence de l’information comptable. Cette compatibilité en juste valeur pourrait bien être court-termiste, c’est la question que posent Samira Demaria et Sandra Rigot. Janus, autre référence mythologique, est évoqué par Tawhid Chtioui et Stéphanie Thiéry Dubuisson, pour démontrer, à travers une revue exhaustive de la littérature, que maîtriser une organisation ne peut se limiter aux aspects formels du contrôle (hard controls). Mettre à mal la « théorie de l’agence », est le résultat d’une étude sur 300 entreprises familiales (Chypre, Égypte, Jordanie, Liban, Turquie), que présentent Catherine Mercier-Suissa, Laura Salloum et Charbel Salloum, Nous ne pouvons que nous en réjouir. Nejib Fattam et Gilles Paché à partir dans études de 47 entreprises, définissent 3 modèles d’affaires dans le cadre d’une étude des services 4PL, enfin, véritable intégration de parties prenantes logistiques. Très rare est l’analyse que fait Simon Wangani sur ces PME que sont les cabinets médicaux libéraux confrontés à la problématique de la mise en place d’un système de contrôle de gestion stratégique.

Rationalité selon J. Venn, notamment et variétés des cultures, ici symbolisés par les alphabets grecs, latins et cyrilliques, et si loin du main stream sclérosant, nous semblent résumer psyché et ses nombreuses déclinaisons en sciences de gestion.

Tout n’est-il pas symbole ?

Diagramme de Venn


[1] Venn, John (1881), Symbolic Logic, London, Macmillan and Company. ISBN 1-4212-6044-1.

[2] La Revue des Sciences de Gestion, n°205, janvier-février 2004, pages 59-142.

n°287-288 – « Une Macédoine »

« Une Macédoine »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovationsSe référer à Philippe et à son fils, le grand Alexandre, n’est évidemment pas pour nous déplaire ! Rappeler que sous une même langue, la diversité culturelle des peuples qui connurent la puissance des rois macédoniens, est restée riche et variée et non uniformément monochrome, est à l’évidence ce qui caractérise notre revue.Comment nos traducteurs en anglais et en espagnol[1], vont-ils traduire ce titre à la fois simple et énigmatique ?

Six articles clôturent ce numéro. Ils ont été intégrés comme des « Études de cas multiculturelles ». Ils constituent cette « macédoine » au sens littéraire[2] du terme comme Bachaumont en a utilisé le vocable, pour la première fois en 1786. Il traitait alors du Bayard de Monvel. « Sans peur et sans reproche » à l’instar du célèbre chevalier, vainqueur des Suisses à Marignan, est un clin d’œil qui n’échappera pas aux esprits les plus affûtés de nos lecteurs.

Ce ne sont pas seulement les deux rives de la Méditerranée qui se trouvent ainsi réunies comme le prime abord croirait le résumer, mais ce sont les fruits d’une variété d’organisations qui enseignent la gestion qui se trouvent ainsi dans ce « mélange » au sens le plus académique du terme et aux thématiques diverses :

– Finance, bien sûr avec la première étude de cas, présentée par Ikram Radhouane, Mehdi Nekhili, Haithem Nagati et Gilles Paché sur la « divulgation environnementale et (la) performance financière des grandes entreprises françaises » (page 89). L’université du Maine, y cotoie une école de commerce, l’ICD, et se fondent au même creuset qu’Aix-Marseille université !

– De l’autre côté de la Méditerranée, deux chercheuses tunisiennes, Safa Dargachi et Hajer Ben Lallouna Hafsia attestent à leur manière, d’une forme de « globalisation » des comportements déviants des usagers dans le « secteur hospitalier ». Ce dernier en effet, en France comme en Tunisie, souffre considérablement des réformes des comptables béotiens et aveugles, ces fameux malades atteints de la « gestionite[3] », qui sont la cause de la « mauvaise qualité de service » (page 99). Voilà qui pourrait être donné à méditer à ces faux-sages de la rue Cambon, notamment !

– L’étude de cas suivante due à Amir Louizi, enseignant-chercheur à l’IDRAC Business School (page 107) appliquée à l’analyse de la gouvernance d’entreprises françaises, me ravit par l’une de ses conclusions : « les entreprises performantes n’ont pas forcément une bonne gouvernance. […] les entreprises performantes ont tendance à avoir une structure diffuse. » Sans résumer par cet extrait, l’analyse de l’auteur, son étude, avec des perspectives d’approfondissement et de diversification des échantillons nécessaires, constitue malgré tout une bouffée d’ouverture face à ceux, souvent dans les enceintes académiques, qui pensent que modélisation homogénéisée est la voie unique. Cela évoque immédiatement quelqu’économiste récemment propulsé à la chancellerie des universités de Paris et dont la nomination augure très mal d’un « nouveau monde » proclamé, mais qui s’éclaire aux plus vieilles lucarnes de la pensée morte et mortelle !

– L’étude de marketing sensoriel qui suit, nous situe toujours dans la recherche de qualité culturelle que notre revue place au cœur de ses valeurs, lorsque Rabiaa Daghrir et Azza Frikha dans leur conclusion constatent que « le phénomène de la madeleine de Proust, longuement évoqué dans les recherches interdisciplinaires, est peu exploité dans les recherches marketing » (page 128). On peut comme ces enseignantes de l’ISC-Tunis, auteures de cette étude sur « les senteurs d’ambiance… », (page 119) le regretter !

– L’entrepreneuriat est le thème des deux dernières études de cas de ce dernier dossier :

  • Yassine Laib et Rédha Benredjem, chacun enseignant de part et d’autre de la Mare nostrum, l’un à Lyon, capitale des Gaules et l’autre venu de l’ancienne Cirta, devenue Constantine par la volonté d’un empereur romain, se penchent sur « la promotion de l’entrepreneuriat en Algérie ».
  • Tandis que l’étude finale réside en un compendium du « contexte institutionnel dans les économies émergentes ». On le doit à un auteur marocain Salah Koubaa et une chercheuse française, Mounia Benabdallah.

On pourra s’étonner que nous ayons commencé par la fin, c’est-à-dire le 3e dossier de ce numéro, avant que de souligner les apports des deux premiers.

C’est l’avantage de la macédoine, qu’elle soit de fruits ou de légumes, que de pouvoir être dégustée, et les plus grands cuisiniers s’y sont consacrés, sans qu’aucun ordre ne s’impose !

De plus, insister sur la richesse des enseignements que peuvent apporter par leurs études de cas les entreprises et les organisations, nous semble une excellente introduction au 1er dossier qui, proche des sciences de l’éducation, propose trois études originales qui caractérisent bien que rien de ce qui concerne la gestion ne nous est étranger, si j’ose paraphraser Terence[4].

L’apprentissage n’est pas encore bien entré dans l’esprit de tous les universitaires dont certains s’y opposent par une idéologie surannée et mortifère ou, pour les moins courageux, par prétérition. C’est notamment le cas de notre économiste entré, on ne sait toujours pas au nom de quoi dans la chancellerie des universités parisiennes ! Discours « pro business » et structure du pouvoir sont donc des choses bien différentes, toujours !

Il n’est pas sûr non plus, à force de mesures dispersées, contradictoires et archaïques durant le quinquennat précédent que toutes les organisations qui devraient massivement concourir à la formation diplômante des jeunes ne soient pas encore bien méfiantes.

En 1992, direction et gestion déjà, sous la plume de René Hugonnier[5], dressait un constat : « les plus hautes autorités de l’État s’inquiètent de notre déficit en qualification professionnelle et dénoncent l’inadaptation de nos moyens de formation professionnelle. Il s’agirait là d’une faiblesse grave, d’un handicap majeur dans la compétition économique de plus en plus vive à laquelle nous conduit l’abaissement et, dans certains cas, la disparition des frontières.

On nous a répété que nous sommes engagés dans une guerre économique. Celle-ci, moins douloureuse qu’une guerre véritable, est sans doute aussi inexorable, et peut-être plus grave dans ses conséquences à terme. On peut d’ailleurs penser que dans certains secteurs professionnels les déclarations officielles ne témoignent que partiellement d’une réalité plus sévère.

Si nous sommes en guerre, il faut s’en donner les moyens. Si l’apprentissage est un des facteurs-clés de la bataille il faut, dans les délais les plus brefs reconstruire des structures et des méthodes dignes d’un tel effort[6]. » C’était, il y a 35 ans et l’article que le jeune directeur de la revue que j’étais alors, avait choisi de publier, a gardé toute son acuité.

Jean d’Ormesson, qui vient de nous quitter, lui qui dirigea l’un des grands journaux français, constate que « ce qui sépare le journaliste de l’écrivain, c’est le mystère du temps. Le temps passe et il dure. Le temps du journaliste (j’ajouterais aussi du mauvais homme politique) est tout entier du côté du temps qui passe. L’écrivain est tout entier du côté du temps qui dure[7] ».

Sans nous hausser au rang d’écrivains, gageons que notre revue, véritable organe de presse en faisant émerger la recherche actuelle, entend ne retenir que des auteurs durables. C’est ambitieux, mais je constate à la lecture de tous ces noms qui ont confié, souvent à leurs débuts, une contribution à notre revue… que nous sommes bien dans notre ambition !

Les auteurs du dossier « Enseignement et entreprise » poursuivent donc notre volonté de travailler sur les questions originales et de fond en sciences de gestion : Dominique Siegel aborde « le recours à des apprentis du supérieur » (page 13), Alexandra Couston et Isabelle Pignatel s’interrogent sur « l’adéquation de la formation doctorale en France aux besoins de l’entreprise » (page 23) et Aurélien Rouquet et Jean-Baptiste Suquet, à l’instar d’Alfred Carrard[8], modèle s’il en est de la formation des formateurs, s’inquiètent de la pauvreté de la réponse académique sur l’immersion dans une organisation de l’enseignant-chercheur de gestion (page 31).

Enfin, le deuxième dossier de ce numéro : « Innovations et finance ». Dans ce domaine à la fois si classique et si décrié qu’est, du fait de sa place devenue omniprésente, la finance, il nous a semblé utile de souligner quelques avancées ou étapes novatrices. « Les IAS/IFRS apportent-elles une amélioration ? » est la question que posent Gaëlle Lenormand et Lionel Touchais (page 43) tandis que Marion Goffin dresse un très utile état des lieux du marché des obligations callables des firmes américaines durant les 40 années qui viennent de s’écouler (page 51). Loredana Cultrera, Mélanie Croquet et Jérémy Jospin apportent un appareil d’analyse pour « la prédiction des faillites » grâce à leur étude des PME belges (page 63).

Situé de fait, au cœur de ce numéro, le dernier article de ce dossier de finance traite d’un sujet à la fois d’une ardente actualité « le microcrédit personnel » destiné à des publics fragilisés et d’une interrogation de fond sur la pauvreté qui ne cesse de s’accroître du fait de l’innommable inégalité d’un système économique injuste et donc inefficace ! Valérie Billaudeau, Elizabeth Poutier, Pascal Glémain et Emmanuel Bioteau, (page 79) venus d’horizons différents, présentent cette réponse innovante de « Ma tante[9] » et du Crédit Municipal de Nantes, institution datant de 1813 qui « proposent des produits et services résolument différents des autres banques… » !

Les chroniques bibliographiques sont ouvertes à l’un de nos partenaires traditionnel, le Cercle Turgot, aux sympathies libérales connues et qui doit tant à son président Jean-Louis Chambon. Nous les ouvrons une deuxième fois, en souhaitant que cela ne soit pas une seconde, à Jean-Michel Servet, Professeur honoraire à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève pour présenter son analyse de l’ouvrage de Pierre Dockès : « Comment une histoire des crises peut/doit (re)constituer un enseignement pour notre temps »

« Diversité c’est ma devise » est le vers de La Fontaine[10], que Pigault-Lebrun place en exergue de son ouvrage « Une Macédoine », publié en 1811… Qu’écrire de plus ?

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[1]. Nos lecteurs auront remarqué que l’indigne comportement, qui rappelle ceux d’avant 1975, du Gouvernement actuel de l’Espagne, nous a fait retirer le drapeau de la couverture de ce numéro, mais bien entendu en conserver la langue qui est celle de nombreux peuples amis.

[2]. Louis Petit de Bachaumont, (1788), « Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république des lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours : ou, Journal d’un observateur », chez J. Adamson, page 251.

[3]. Philippe Naszályi, (1996), « La Gestionite », direction et gestion des entreprises, n° 155-156, pp. 6-7.

[4]. Homo sum, nihil humani a me alienum puto.

[5]. Né en 1921, apprenti à 16 ans, ouvrier ajusteur, licencié en psychologie et diplômé de la Business School de Cornell (États-Unis), il est devenu président du Groupe Convergence et conseil d’entreprises en 1958. Auteur de divers ouvrages, dont Former des chefs, promouvoir les hommes (Dunod, 1964), il a également enseigné à l’Institut de contrôle de gestion (ICG) le cours de direction des entreprises et été conférencier à l’École supérieure de Guerre.

[6]. René Hugonnier, (1992), « Quand nous savions mieux que les Allemands, former les apprentis… », Direction et gestion des entreprises, n° 134, pp. 9-14.

[7]. Jean d’Ormesson, « Je dirai malgré tout que cette vie fut belle », Nrf, Galllimard, 2015, 485 p., page 341.

[8]. Alfred Carrard, Ingénieur suisse (Montreux 1889-Lausanne 1948), fondateur de l’Institut de psychologie appliquée de Lausanne, il a largement contribué à développer les méthodes et les techniques de formation professionnelle et de perfectionnement des adultes. On pourra lire avec intérêt : Alfred Carrard (1940), « Méthode de formation professionnelle : pour la spécialisation rapide de manœuvres à former pour des travaux définis d’ajustage, de fraisage et de tournage », Institut de psychologie appliquée de Lausanne, 64 pages.

[9]. On doit ce surnom du « Mont-de-piété », créé en 1637, et devenu depuis 1918, le Crédit municipal de Paris au Prince de Joinville qui, refusant d’avouer à sa mère, la reine Marie-Amélie qu’il avait « mis au clou » sa montre » pour payer ses dettes de jeu, préféra indiquer qu’il l’avait oubliée chez « sa tante » !

[10]. Jean de La Fontaine, Contes et nouvelles en vers (1665-1674), Pâté d’anguille.

n°285-286 – « Un trait d’Union ! »

« Un trait d’Union ! »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Au moment où de nombreux signes laissent à penser qu’enfin, notre plus fidèle ennemi, songe à prendre le large en bénéficiant de son insularité, la plus ancienne des revues francophones académiques de gestion, décide de tenter un « trait d’union » en publiant, pour la 1re fois un cahier en langue anglaise, consacré justement à « cultures and management ».
Il faut bien reconnaître que l’utilisation par l’anglais de ces deux mots d’origine latine ne peut qu’inciter à se laisser convaincre.

Le numéro précédent (284) était une porte ouverte sur la « philosophie et le management », ce numéro (285-286) ouvre une deuxième et certainement pas une seconde, porte culturelle.

J’ai tenu à ce qu’elle prenne tout son sens en enserrant ce cahier anglais, de deux dossiers où les Hommes (sans « écriture inclusive ») sont au centre des réflexions comme cela devrait l’être dans toute action humaine : « Hommes et entreprises » et « les commerces et les hommes », petit clin d’œil au magazine des anciens élèves d’HEC.

Ce cahier en langue anglaise, je l’ai confié à une femme, Mounia Benabdallah comme rédactrice en chef invitée car elle a su proposer un trait d’union entre les deux rives de la Manche ou de l’Atlantique, par la langue, mais aussi, entre les rivages lumineux de la Méditerranée. Les six articles proposés le sont au bout de la sélection assez impitoyable et longue de La RSG. C’est la cause de nos retards à publier, fréquents.

L’évaluation des papiers, avec une triple sélection constitue notre originalité. Elle est le gage que nous respectons les canons de la recherche, la vraie, pas la publiométrie.

Cette dernière est appelée à court terme à faire « flop », comme toutes les bulles malsaines. Ne dit-on pas en langage boursier : « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ! Il y a 10 ans tout juste dans un éditorial sur la crise financière que nous pensions, mieux que les Attali, Minc et autres, devoir advenir , « la banqueroute est au coin de la rue », nous évoquions déjà cette vérité cousue au coin du bons sens[1] .

La faute par excellence, depuis l’ὕϐρις (hybris) des tragiques grecs, la démesure,  toujours et sans cesse recommencée, amène les idiots utiles de toutes les collaborations, de tous les colonialismes, de tous les renoncements à chercher à inventer des tabourets pour essayer d’être enfin, un peu, quelque chose, puisqu’être quelqu’un leur est définitivement fermé.

Les classements, les rankings, les awards sur tous les sujets, les records, mêmes les plus stupides qui ravalent parfois l’homme à la bête, sont ces choses inutiles et dangereuses qui servent de tabourets pour ceux qui s’adjugent un pouvoir de classer les autres !

Tant que comme l’enfant, nous n’ouvrirons pas les yeux pour dire tout simplement « le roi est nu », nous continuerons, comme des sots à faire la cour ou à révérer ces monstres de vacuité que sont ces différentes « agences ou officines de notation » dont quelqu’un enfin posera t’il la question de leur légitimité.

On enseignait jadis dans les écoles publics de la République, cette célèbre réplique du vigoureux comte Adalbert de Périgord à son nouveau roi Hugues Capet « qui t’a fait roi ? »

Il manque à ce temps pas mal de vigueur et de courage !

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[1] « La banqueroute est au coin de la rue ou les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ! » du n° 224-225, mars-juin 2007, pages 5 à 8,

n°284 – « Que personne, parce qu’il est jeune, ne tarde à philosopher… »

« Que personne, parce qu’il est jeune, ne tarde à philosopher, ni, parce qu’il est vieux, ne se lasse de philosopher  »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

« L’animal homo sapiens aurait cessé d’exister, s’il n’avait pas créé en même temps, à travers je ne sais quel processus, probablement une sorte de processus de sélection néo-darwinienne, quelque chose de radicalement nouveau dans tout le domaine naturel et biologique, à savoir la société et les institutions. Et l’institution impose à la psyché la reconnaissance d’une réalité commune à tous, régulée, n’obéissant pas simplement aux désirs de la psyché[1].

Comme toutes les sciences qui s’intéressent aux communautés humaines, la gestion (ou le management) n’est pas exempte de s’interroger sur son propre construit social et ses valeurs. Tout comme « l’homo economicus », cher aux néo-libéraux est un mythe, hélas toujours révéré par quelques idiots utiles parfois encore proches du pouvoir, il existe bien une mythologie ou des postulats en management comme James G. March [2] l’a fort bien démontré dans son excellente métaphore avec le Don Quichotte.

Dans ses enseignements, il démontre bien que le manageur ne peut pas, et loin de là, se contenter d’apprendre les techniques de gestion. Il doit se confronter aux questions fondamentales de l’existence, et celles-ci sont mieux abordées dans les grandes œuvres de la littérature que dans les manuels de gestion. Ainsi, la lecture de Guerre et Paix et de Don Quichotte permet-elle de développer une capacité d’appréciation critique qui complète les techniques.

Comme dans toute organisation politique, les cadres dirigeants rencontrent des dilemmes moraux liés au pouvoir, des questions d’équilibre entre la vie privée et les devoirs publics, entre l’habileté et l’innocence, entre la diversité et l’intégration, entre l’ambiguïté et la cohérence, entre l’expression de la sexualité et son contrôle. Ils doivent considérer les moyens d’encourager l’exploration d’idées déviantes souvent mauvaises et presque toujours inefficaces à court terme, mais qui permettent à l’organisation de s’adapter à un environnement changeant et de surmonter les crises.

Face à l’hostilité du monde et à l’insignifiance de leurs actions, les manageurs que nous montre James G. March ne sont pas mus par l’espoir de conséquences favorables et de récompenses mais par les plaisirs quotidiens de l’action qui leur permet de découvrir, d’affirmer et de faire partager une identité et une interprétation du monde enthousiasmantes [3].

C’est aussi la pensée d’un philosophe contemporain François Jullien lorsqu’il constate que « l’efficacité est d’autant plus grande qu’elle est discrète. Le sage transforme le monde parce qu’il laisse émaner de sa personnalité, de jour en jour, de proche en proche, sans avoir à se faire valoir ni à se poser en exemple [4] ».

Les 10 et 11 mai 2016 se tenait à Metz, le 4e Congrès Philosophie(s) du Management à l’ESM-IAE sur le thème « Management et philosophies de l’Antiquité ».

Parce que notre revue est curieuse de tout ce qui concerne les sciences de gestion et cela depuis plus de 52 ans, nous avons tout naturellement répondu très favorablement aux organisateurs et accepté de publier dans nos colonnes les meilleures communications.

Le Comité scientifique du colloque et nos évaluateurs, rappelons que seule de toutes les revues, nous procédons à 3 évaluations dont au moins une par un spécialiste qui n’est pas hexagonal, ont retenu 7 des 75 communications qui ont été présentées…

Qui dira plus sélectif dans ce monde du classement où la légitimité des institutions qui s’autorisent à classer les autres est plus qu’à démontrer… et il n’y a pas que Shanghai !

Pour introduire ce numéro spécial enchâssé dans La RSG, et en partenariat avec notre consœur la RIPCO [5], nous avons confié à Baptiste Rappin le soin de l’orchestrer.

Pour commencer, nous avons souhaité intégrer trois articles initiaux à cette thématique :

  • une réflexion très actuelle sur « reconnaissance de la propriété intellectuelle des enseignants-chercheurs » se complète
  • d’une étude de « l’impact de l’acculturation sur le changement de matérialisme » et s’achève
  • par une analyse éthique sur les déterminants de la communication responsable sur internet… pour les entreprises françaises.

Défendre une autre idée de la publication en management et son excellence, la vraie, pas celle de la bibliométrie et quelqu’autre re-construction du gigantisme de l’Armée rouge au nom de l’insertion dans des classements bidons, est bien notre « génome » !

Empruntons encore au philosophe et sinologue qu’est François Jullien, la morale de ce numéro lorsqu’il répondait à une question de journaliste : « « D’autre part, « défendre », je l’ai dit, s’entend de façon active. Y compris sur des points qui paraîtront minimes : le subjonctif, la classe de philosophie et le latin. On a abandonné le latin et le grec par paresse et complaisance idéologique. Pourtant, il y a là une ressource essentielle, qu’on a expérimentée aussi en banlieue. L’épreuve de philosophie au bac me paraît aussi ressource. Non au nom d’une singularité française mais parce qu’apprendre à disserter, en envisageant le pour et le contre, forme à la citoyenneté. Une ressource n’a pas besoin d’être vantée, elle se mesure au profit que l’on peut en tirer. »

Décidément, avec Aristote, nous pouvons conclure « s’il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher [6] ».

______________________

* Épicure, Lettre à Ménécée (122) : Μήτε νέος τις ὢν μελλέτω φιλοσοφεῖν͵ μήτε γέρων ὑπάρχων κοπιάτω φιλοσοφῶν. ; Ἐπίκουρος ; ΕΠΙΣΤΟΛΗ ΠΡΟΣ ΜΕΝΟΙΚΕΑ.

[1] Cornélius Catosriadis (1986), Les carrefours du labyrinthe II, Le Seuil, 1986, p 40

[2] James G. March. (1999), Les mythes du management », Gérer et comprendre, n°57, p. 4-12.

[3] Thierry Weil (2004), Le leadership dans les organisations : Un cours de James March, préface de JC Thoenig, Les presses de l’Ecole des Mines de Paris

[4] François Jullien, (1992), La Propension des Choses, Paris, Le Seuil, 320 pages

[5] Revue Internationale de Psychosociologie et de Gestion des Comportements Organisationnels

[6] [pour démontrer qu’il ne faut pas philosopher]. Protreptique, Frag. 2 Ross

n°283 – « Gouverner, c’est prévoir ! »

« Gouverner, c’est prévoir ! »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Tout le monde connaît ou presque cette maxime ! Peu sans doute savent qui en est l’auteur. Il mérite pourtant notre reconnaissance en cette période où s’affrontent en France presqu’une demi-grosse de candidats dans une imprévisibilité de destin que même les nombreuses manipulations des officines sondagières n’arrivent pas à clarifier.

Il ne sera pas indifférent à nos lecteurs de savoir que l’auteur, surnommé le « Napoléon de la presse » par son idée géniale de créer « La Presse » en 1836, avait commencé par un titre, ô combien évocateur en ces temps de campagne : « Le Voleur » !

Ce journal fondé sur « l’emprunt des articles » à d’autres, aurait convenu à nombre de nos contemporains supposés « penseurs », qui, comme Attali, Minc et consorts sortent volontiers à l’occasion de la campagne présidentielle française, comme de nouveaux Hippias, cet « homme pour qui la vérité ne compte pas[1] ». Leur fonds de commerce qui les rend si « bankables » pour nombre de chaînes d’« Info », mais aussi d’antennes, jadis sérieuses, toutes emportées qu’elles sont par la recherche de ce nouvel animateur de plateau qu’est « l’expert », leur permet de distiller la vacuité intéressée de leurs propos, ceux en tout cas qu’ils n’ont pas plagiés.

« La Presse » donc, domine alors ses concurrents car proposée à demi-tarif, déjà le low cost, elle est financée par la publicité introduite alors et, pour fidéliser les lecteurs, des romans-feuilletons écrits par (excusez du peu !) : Balzac, Dumas, Lamartine, Théophile Gautier ou George Sand.

Cet entrepreneur de presse est aussi un homme d’honneur, – ce qui n’a plus guère cours. Attaqué de toutes parts et notamment sur ses origines, par la gauche d’alors, « les républicains », il se bat en duel contre le directeur du « National » dont le nom n’est passé à la postérité que du fait d’avoir été blessé mortellement à cette occasion et que nous ne retiendrons donc pas !

Parmi les calomnies qui s’étaient répandues sur lui, une, entre autres, mérite notre attention. En effet, son élection de député avait été contestée à cause de sa naissance illégitime qui n’en faisait pas aux dires de ses détracteurs républicains, un « français » à part entière ! Moderne interrogation qui surgit toujours dans nos débats pour les rabaisser et nous confirme que l’instrumentalisation de la justice et les attaques ad hominem, ne sont évidemment pas propres à notre époque et ne signifient donc pas une dépravation plus grande de nos mœurs actuelles.

Seuls, les tenants de la videocrazia qui n’est hélas pas le propre de l’Italie berlusconienne, peuvent sentencieusement parler d’éthique, le grec fait souvent plus savant que le latin, pour masquer leur parfaite ignorance du passé et de ses faits. Tous ces fameux imbéciles qui pensent que le monde commence avec eux puisqu’ils en ignorent l’histoire.

Né comme Victor Hugo, « ce siècle avait deux ans », Émile de Girardin, puisque c’est de lui dont nous parlons, peu politisé au fond, épouse par la suite, la cause républicaine. Créateur notamment du « Petit Journal », titre toujours évocateur, il s’éteint le 27 avril 1881, quelques mois avant que cette grande loi du 29 juillet n’instaure, même si elle a subi depuis de graves atteintes, la liberté de la presse en France !

La Revue des Sciences de Gestion s’inscrit dans cette organisation de la presse à laquelle elle appartient de plein droit puisqu’elle en respecte les règles. Certes, elle n’est pas un organe de presse politique au sens, le plus basique, celui que de petits comptables ministériels serviles veulent imposer. Ils aiment tant tout catégoriser pour introduire de fait, une nouvelle censure rampante, qui est le classement de la presse à partir du fond des articles.

N’ont-ils pas poussé leur vergogne ignare jusqu’à refuser de reconnaître qu’à côté de la presse d’information politique générale (IPG) sous perfusion permanente de fonds publics de la part des politiques dont elle nous abreuve des moindres faits et gestes, il y a bien une autre presse une presse soucieuse non pas de l’éphémère, mais de durable.

En effet, le 15 juin 2016, « après six mois de tergiversations stériles, le ministère de la Culture (nom bien usurpé en ces temps) et de la Communication s’apprête, en violation des engagements pris, annoncés et solennellement entérinés en Conseil des Ministres, à ne pas reconnaître la presse « de la Connaissance et du Savoir[2] ».

La connaissance et le savoir, ces deux grandes valeurs jetées aux orties « pour cette mascarade qui bafoue l’autorité publique en dilapidant l’argent du contribuable versé aux propriétaires mécènes de titres qui s’adressent au très cher citoyen électeur[3] ». Voilà bien un manquement à ses engagements qui en préfigure d’autres du Premier ministre d’alors !

Il est vraisemblable aussi qu’à l’ENA, comme dans bien des endroits du pouvoir, on a oublié si jamais on l’a su, qui peut bien être « la mère des arts, des armes et des lois » et que du Bellay en fut son chantre !

Le fait que LaRSG se rattache à cette presse-là et que par là, elle se distingue ainsi des innombrables revues liées à des associations, fondations ou autres officines, n’a pas d’importance non plus pour d’autres trissotins plus ou moins officiels, ceux de « la piste aux étoiles[4] ». C’est pourtant là encore, une grossière erreur, née de leur ignorance du monde des entreprises. Ces béotiens qui s’intitulent « gestionnaires », mais surtout se targuent d’être les évaluateurs reconnus de la qualité de la publication en gestion, ne comprennent pas qu’être juge (c’est-à-dire une structure publiant une revue…) et partie (c’est-à-dire une des revues qu’on évalue) pose un sérieux problème éthique et de crédibilité pour toute la recherche française ! La qualité d’entreprise de presse nous confère cette indépendance qu’ils ne peuvent avoir, outre le fait qu’elle nous apporte de plus, un peu d’expérience en gestion d’entreprise ! Pour en parler c’est souvent mieux !

Voilà pourquoi, Émile de Girardin, par sa vie et son œuvre d’entrepreneur de presse, au service des idées, nous paraissait mériter qu’on en parlât en ce premier numéro de 2017. En cette année électorale, c’est la temporalité de fournir des informations aux lecteurs pour les mettre au même niveau de connaissance. C’est, dans ce numéro le questionnement sur le gouvernement des entreprises et les méthodes de recherche de partenaires et de coopérations qui sont nos dossiers de fond et sont notre référence durable. Information et formation, les deux axes de la « connaissance et du savoir » qui induisent la démocratie

Ajouter :

  • que Girardin fut un adversaire de Guizot, celui du fameux « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne », incarnation de cet orléanisme louis-philippard, qui sans cesse tente de revenir « vêtu de lin blanc et de probité candide[5]  »,
  • que ce « conservateur » fut également le seul, en février 1848 à proposer que la femme puisse être chef de famille (ce qui avait pour effet de supprimer la bâtardise) et à réclamer l’égalité civile des femmes et leur droit de vote, ce que Radicaux et Républicains (leurs héritiers actuels oublient bien de le rappeler) refusèrent constamment !
  • que cet homme d’entreprise était favorable à l’impôt sur le capital, comme une « prime d’assurance proportionnelle à la valeur du capital détenu », plaidait aussi pour l’instauration des congés de maladie, la retraite des travailleurs et la journée de travail de huit heures !
  • enfin que bien avant beaucoup, « Émile », du nom de son premier « best-seller » a prôné l’abolition de la peine de mort, des travaux forcés, de la déportation et de la prison…, n’est pas sans nous déplaire !

En 1995, autre année qui nous paraissait importante en ce qui concerne la fin d’un cycle politique puisque François Mitterrand quittait l’Élysée après deux septennats, nous avions rencontré alors chacun des candidats putatifs à l’élection présidentielle et avions recueilli leurs réponses à nos questions[6].

L’entrée dans la temporalité électorale se fait indirectement cette année qui nous paraît aussi celle d’un changement de cycle politique. Poursuivant donc notre cheminement pré-électoral, comme dans le dernier numéro de 2016, nous avons ouvert nos colonnes à des questions posées aux candidats par des acteurs originaux. Elles nous semblaient en effet suffisamment solides pour intéresser nos lecteurs. Ce sont celles qu’oublient les médias de cette presse IPG[7], si chère aux politiciens de tout poil comme on la vu plus haut, qui évitent au maximum de traiter du fond tant ils pensent leurs lecteurs/auditeurs/téléspectateurs incapables d’en comprendre le sens !

« La place de l’Union européenne dans le monde », réflexion de fond que nous propose avec sa grande connaissance du continent de l’Atlantique à l’Oural, Claude Martin ouvre ce numéro composé de deux dossiers : « Gouvernement d’entreprise » et « partenaires et coopérations ». Ils s’inscrivent bien dans cette logique sans épouser jamais l’évanescence de l’actualité.

Les systèmes nationaux de gouvernance, la gouvernance de l’entreprise et le « contrôle inter-organisationnel », l’évolution du rôle du conseil d’administration dans les mutations du capitalisme et une analyse de débats bien actuels sur la diversité de genre mesurée dans les organes de direction des grandes entreprises belges constituent ce premier dossier.

Le deuxième réunit plusieurs approches partenariales autour d’exemples : les négociations collectives, les coopérations dans les réseaux de santé gérontologiques avant de traiter de ce secteur de l’ESS que sont les coopératives avec leur rôle dans le processus d’appropriation de la RSE dans le secteur végétal que précède une analyse de la stratégie entrepreneuriale d’une petite cave coopérative vinicole !

Nous n’imaginons pas que les candidats, pris par leur campagne liront le moindre de ces articles, mais l’espérance qui nous anime nous fait penser que malgré l’extrême médiocrité de la réflexion politique (à quelque exception près, notamment chez quelques (petits) candidats) quelques-uns de leur entourage pourront enfin y puiser quelque enseignement à mettre en œuvre pour sortir notre société de la fange où on l’a menée.

Un brillant et très éminent membre de l’Académie des Sciences morales et politiques qui fut mon professeur en Sorbonne, m’a écrit que « nos dirigeants auraient intérêt à lire (notre) revue » tant il « craint une catastrophe en 2017 ! »

Puisse ce grand homme de science et de culture être entendu !

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[1]. Henri-Irénée Marrou (1954), De la connaissance historique, Éditions du Seuil, Paris, p. 221).

[2]. Newsletter FNPS du 20 juin 2016 / Catégorie de la presse du savoir et de la connaissance.

[3]. Christian Bruneau, Président de la FNPS, 17 juin 2016.

[4]. Gérard Charreaux et Michel Gervais, (2007), Editorial : La « piste aux étoiles » – un commentaire sur le dernier classement des revues élaboré par la section 37 du CNRS. https://www.researchgate.net/publication/4874819_EditorialLa_piste_aux_etoiles_-_un_commentaire_sur_le_dernier_classement_des_revues_elabore_par_la_section_37_du_CNRS.

[5]. Victor Hugo, Booz endormi.

[6].  Philippe Naszályi (1995), entretiens avec : Jacques Chirac, Édouard Balladur, Lionel Jospin, Robert Hue, PCF, Jean-François Hory, Radical, Arlette Laguiller, Lutte Ouvrière, Jean-Marie Le Pen, Front National, Philippe de Villiers, Mouvement pour la France, Antoine Waechter, écologiste ; direction et gestion des entreprises n°150-151, (novembre 1994-février 1995) pp. 7-52.

[7]. http://www.humanite.fr/medias/la-presse-ipg-vient-de-creer-son-association-496722.

n°281-282 – Innovation(s)

Innovation(s)

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

L’innovation est au cœur de la vie des entreprises comme des sociétés. Elle n’en demeure pas moins fort difficile à définir comme le souligne notamment Claude Rochet (2013) en présentant les derniers développements en théorie de l’innovation à partir du programme canadien de recherche Management of Innovation in the New Economy (MINE) dirigé par le professeur Roger Miller[1].

Ce numéro situe les exemples d’innovation présentés dans un écosystème où la puissance publique est loin d’être absente. En cette période où la France, entre dans une période électorale de première importance, il nous a paru logique de nous faire l’écho des questionnements légitimes qu’entrepreneurs, chercheurs, enseignants posent au monde politique. Ainsi, et en premier lieu, j’ai limité cet éditorial introductif pour laisser place (page 2) et ainsi montrer ma solidarité à l’appel que fait l’AFEP (Association Française d’Économie Politique) pour qu’(enfin) en France, on reconnaisse le pluralisme en économie !

Notre revue depuis son origine et plus encore sous mon impulsion, a toujours pensé que les doxa quelles qu’elles soient, ne sont que des vérités temporelles car en recherche et surtout en science humaine, il n’y a pas de vérité intangible ! Il ne peut non plus y avoir de progrès et donc d’innovation sans une remise en cause permanente des concepts admis. Cela a été vrai du modèle communiste, cela est vrai aussi du modèle « néo-libéral » dominant. Voir un certain nobélisé (avec les limites qu’on connaît à ce pseudo prix Nobel) s’ériger en « Grand Inquisiteur », et qui pis est, être écouté des Gouvernants actuels, pour pourfendre les doctrines économiques hétérodoxes, montre à tous que le péril est grand et l’obscurantisme toujours devant nous. Rappelons que la science n’est pas affaire de majorité, sinon Galilée comme Pasteur auraient eu tort !

Toujours cohérents avec ce pluralisme que nous revendiquons, nous offrons (pages 73-74) au Président-fondateur du cercle Turgot, une tribune libre pour le président attendu… Enfin, et particulièrement liés à notre sujet dominant, nous relayons (page 22) l’appel à candidature du RRI (réseau de recherche en Innovation) et (pages 75-76) les « 7 questions fondamentales sur l’Innovation aux candidats à l’élection présidentielle » posées par le très nouveau et considérable « Collectif innovation 2017 ». Laissons au Général de Gaulle, « un homme qui n’appartient à personne et qui appartient à tout le monde[2] », le soin de conclure sur les enjeux de notre époque : « Culture, science, progrès.

Voilà ce qui, à notre époque au lieu des rêves de conquête et de domination d’antan, appelle et justifie les ambitions nationales. Voilà sur quoi doivent se rencontrer les peuples d’où procède la civilisation moderne ». C’était en 1966, à l’Université de Moscou[3], et cela, est toujours d’actualité !

______________________

[1] Claude Rochet (2013), L’innovation dans l’innovation : De Schumpeter 1.0 à Schumpeter 3.0, Conférence à IONIS Business School, 16 avril 2013.

[2] Conférence de presse du 19 mai 1958, Palais d’Orsay.

[3] Discours à l’Université de Moscou, 22 juin 1966.

 

Le droit de la presse menacé par le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté

Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, tel qu’issu de la commission spéciale du Sénat, comporte plusieurs dispositions qui mettent en danger la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Les organisations professionnelles de la presse alertent sur la nécessité de préserver la cohérence de cette loi, qui organise l’équilibre entre les garanties individuelles et la protection des libertés fondamentales en démocratie, toujours pertinente à l’ère des médias numériques.

Comme l’ensemble des syndicats d’éditeurs de presse l’ont encore souligné l’année dernière, la loi de 1881 est régulièrement menacée, dans une inspiration qui traduit une certaine méfiance à l’égard de l’information en ligne. Ses dispositions en matière de défense de la liberté d’expression comme d’engagement de la responsabilité des médias sont pourtant essentielles à notre vie démocratique. Son équilibre complexe, validé par une abondante jurisprudence, doit être pleinement préservé, comme le Conseil Constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme le rappellent régulièrement.

Une perte d’autonomie du droit de la presse en élargissant la compétence du juge civil

Le texte en discussion prévoit de permettre au juge civil de requalifier un délit de presse. Le Sénat y ajoute la possibilité d’une réparation des préjudices nés des abus de la liberté d’expression sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun (article 1382 du Code civil), alignant de ce fait les délais de prescription.

Ainsi  pourraient être attaqués tous les propos ou articles estimés négatifs ou péjoratifs qui ne constitueraient pas une infraction à la loi sur la presse.

La nature pénale et la philosophie de la loi de 1881, basée sur une énumération d’infractions très précises, seraient ainsi entamées. Elles sont pourtant fondamentales à la protection de la liberté de la presse, par les garanties que les procédures offrent à la défense.

Une modification dangereuse du délai de prescription pour la presse en ligne

Aujourd’hui, le délai de prescription en matière de délit de presse (papier ou numérique) court à compter du premier jour suivant la mise à disposition des utilisateurs du message.

Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté issu de la commission spéciale repousse, pour la presse numérique uniquement, le point de départ du délai de prescription au jour où cesse la mise à disposition du public du contenu mis en cause.

Cette disposition est doublement dangereuse :

  • Elle crée une discrimination injustifiée entre presse imprimée et numérique.
  • Dans les faits, elle supprime la prescription, puisqu’une publication en ligne a vocation à rester accessible sans limite de temps. Ce faisant, elle porte gravement  atteinte  aux équilibres du droit de la presse, sans atteindre le cœur du problème : les abus sous couvert d’anonymat.

Cette modification est en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré une disposition identique dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Si les abus constatés sur les réseaux sociaux appellent une réponse adaptée, cet objectif poursuivi par les sénateurs ne saurait être mis en œuvre au détriment de l’exercice de la liberté de la presse qui, elle, s’exerce en toute transparence.

Toute évolution de la loi de 1881 ne saurait en outre être élaborée sans concertation avec ses parties prenantes.

Les organisations professionnelles de la presse demandent donc au Parlement et au Gouvernement de ne pas porter atteinte à ces équilibres essentiels à la liberté d’information au détour d’une loi adoptée en procédure accélérée dont l’objet est éloigné du droit de la presse.

droit-de-la-presse

Communiqué commun du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR), du Syndicat de la presse quotidienne départementale (SPQD), du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), de la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS), de la Fédération de la presse périodique régionale (FPPR), du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) et du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (GESTE)

n°280 – Sécurité

Sécurité

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

La sécurité est l’une des six fonctions qu’Henri Fayol dans son ouvrage fondateur et toujours fondamental du management[1] tient à définir.

Revenir aux principes et à leur origine est toujours une opération profitable en toute science, car cela secoue la poussière des études accumulées. « Le levier le plus maladroit pour nous aider à soulever des faits aujourd’hui accumulés vaut mieux que rien, car il nous rend maître de ces faits et non leur esclave »[2]

En effet, si nous sommes bien ces « nains juchés sur les épaules de géants », regarder sur quoi s’appuient ces fameux géants, peut éviter de s’effondrer en ayant pris un géant pour un de ces nombreux colosses au pied d’argile  du prêt-à-penser médiatico-économique…

Ainsi pour réaffirmer cette lutte constante contre ce qu’il faut bien appeler la « médiocratie » selon l’excellent ouvrage du philosophe Alain Deneault[3] et laisser à d’autres, l’office de thuriféraire, que nous présentons une analyse à trois voix, d’un livre à la mode, celui de Jean Tirole (page 101). Cela précède nos habituelles chroniques bibliographiques.

Sécurité : La sécurité « des biens et des personnes »,  s’exprime parfaitement dans ce numéro où finance et organisation recouvrent les réalités actuelles de cette fonction qu’H. Fayol fait remonter en quatrième position dans l’ordre des fonctions de la version définitive de son ouvrage de  1916.

L’expérience nous montre que la sécurité, en ces périodes troublées et dans cet environnement turbulent ; si l’on ne parle que du monde des affaires, doit être une priorité pour les chefs d’entreprise, notamment dans le domaine en plein développement de la cybercriminalité.

Les cinq articles qui constituent le 1er dossier : Sécurité en finance : information et développement entendent rappeler que la sécurité n’est plus seulement affaire de police ou d’armée, mais est un facteur fondamental du développement (OCDE, 2001)[4].

  • « Les déterminants du recours à la divulgation volontaire d’informations dans les états financiers au format XBRL » par Pierre Teller, Dominique Dufour, Philippe Luu et Éric Séverin ouvrent une voie conceptuelle originale, fondée sur un échantillon de 2 924 entreprises.
  • François-Éric Racicot, Raymond Théoret et Christian Calmès s’interrogent « sur les mesures qui doivent donc être mises en œuvre par les autorités des marchés financiers aux Etats-Unis et au Canada pour revigorer la titrisation afin de diminuer la procyclicité de la croissance du crédit ».
  • L’article de Jonathan Bauweraerts et Julien Vandernoot pose une question bien actuelle qui est celle de la fiscalité des entreprises. Un colloque sur la sécurité fiscale organisé par Fondafip (Fondation internationale de finances publiques) s’est d’ailleurs tenu au ministère des finances et des comptes publics à Bercy, le 13 avril 2015 sous le haut patronage du ministre des finances et des comptes publics. Il y a été constaté que  le monde comptable n’a pas la parole dans les contrôles fiscaux alors que la comptabilité se complexifie et s’internationalise. L’étude qu’ils ont  faite entre 2002 et 2010, de 215 entreprises belges, « non cotées mettent en évidence une relation positive entre le caractère familial et le niveau d’agressivité fiscale ». Elle apporte en outre une appréhension de la stratégie des entreprises familiales qui manquait à leur compréhension fine.
  • Le « Cadastre de la présence des investisseurs institutionnels en Belgique : le cas des petites et moyennes capitalisations » que font Maxim Allart, Carole Monaco et Alain Finet est exemplaire de la sécurité ou de l’insécurité de la propriété capitalistique des PME belges du fait  notamment de l’arrivée massive de fonds de pension.
  • Cécile Bredelet et Améziane Ferguène achèvent ce dossier en nous amenant sur le continent africain, mais à une faible encablure de l’Europe. « Trois projets menés au Maroc de 2006 à 2011, et fondés en partie sur le microcrédit, offrent l’opportunité d’étudier la pertinence de cet outil». Insécurité de l’extrême pauvreté et développement du territoire sont les enjeux de cette étude nuancée.

Dans le 2e dossier : Sécurité en organisation : image et psychologie,  nous avons voulu marier les ressources humaines et le maniement des hommes par et pour le marketing. Ce n’est évidement pas notre conception, mais c’est à coup sûr un élément à prendre en compte et à étudier.

Dans un article fort original qui ouvre ce dossier, Christian Everaere s’interroge pour savoir «pourquoi le groupement d’employeurs, cette forme d’emploi atypique sécurisante est-elle si marginale? » en France.

  • « Les antécédents psychologiques de l’attitude à l’égard de la promotion des marques de luxe » étudiés par Mouna Damak Turki,
  • « L’influence de l’image du magasin et des types de marque de distributeur sur le capital marque : » pour les produits alimentaires en France durant la période de crise que décrivent Joseph Kaswengi et Andry Ramaroson
  • et l’« impact de l’ambivalence du style nostalgique sur l’efficacité publicitaire » que Wiem Berrabah et Samira Zine-Danguir sont allées chercher à partir d’une enquête faite sur Facebook, apportent ensuite trois visions de la psychologie des hommes et femmes. Ils constituent une étude anthropologique dans la logique de la méthode comparative « qui ne consiste pas à collationner sans règle le plus grand nombre possible d’observations, mais à vérifier des hypothèses précises à l’aide d’observations choisies selon un protocole rigoureux »[5] car ces échantillons visent à installer une représentation de la diversité culturelle anthropomorphique.

Doit-on y voir aussi une illustration d’un propos du recteur de l’Université de Montréal, qui a affirmé sur le ton de l’évidence à l’automne 2011 que « les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises. » [6]? Patrick Lelay, patron de la première chaîne de télévision française voulait déjà en 2000, formater les cerveaux humains pour consommer du Coca-Cola. [7]

L’université rejoignant l’idéologie manipulatrice mercantile, voilà qui peut donner lieu à de nombreux débats et être une «  bien sinistre preuve qu’une pensée innovatrice et un zèle total pour l’étude ne sont pas toujours essentiels pour nos universités »[8]. Intéressant débat mais qui n’est pas le sujet de ce numéro.

Toutefois, l’on ne peut oublier que le principe de tous ces classements universitaires, dont l’un des plus nuisibles, parce qu’il est inutile et inadapté, celui de Shanghai, n’est pas pour rien dans cette dérive morale de ces « médiocrates – intellectuels, journalistes et communicants[9] » et maintenant universitaires que nous réprouvons.

« Il semble que le principe de la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général ne devrait pas être rappelé. Il y a cependant une lutte continuelle à soutenir pour le faire respecter », décidément l’Henri Fayol  de 1916 est bien toujours d’actualité !

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[1] Henri Fayol, (1916), Administration industrielle et générale- Prévoyance, Organisation, Commandement, Coordination, Contrôle. Rééd. : Administration industrielle et générale, édition présentée par P. Morin, Paris, Dunod, 1979, 156 pages.

[2] Arthur-Maurice Hocart (1935),  Le progrès de l’Homme, éditions Payot, page 10.

[3] Alain Deneault (2015), La Médiocratie, édition Lux, 224 pages

[4] « 1. La sécurité en tant que facteur de développement », Revue de l’OCDE sur le développement 3/2001 (no 2), p. 137-152 -URL : www.cairn.info/revue-de-l-ocde-sur-le-developpement-2001-3-page-137.htm.

[5] Lucien Scubla (2005) « Préface » à  A.M.Hocart, Au commencement était le rite, De l’origine des sociétés humaines, La Découverte, MAUSS, page 30.

[6] Cité par Alain Deneault, http://www.telerama.fr/idees/en-politique-comme-dans-les-entreprises-les-mediocres-ont-pris-le-pouvoir,135205.php

[7] Patrick Lelay, PDg de TF1, The digital Deluge, « The Harold Innis lecture », Innis College, Université de Toronto, 16 novembre 2000, cité par Mario Cardinal : Il ne faut pas toujours croire les journalistes, Bayard Canada, Montréal 2005, page 49.

[8] Rodney Needman (1978), « Introduction », in A.M. Hocart,  Rois et courtisans , Paris, Editions du Seuil, page 76.

[9] Eric Delbecque (2006), L’Europe puissance ou rêve français ; chronique de la guerre des mondes, Editions des Syrtes, Paris, 286 pages, page 101-102

n°278-279 – Et si l’on faisait (enfin) appel à un gestionnaire!?

Et si l’on faisait (enfin) appel à un gestionnaire !?

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Nos lecteurs non hexagonaux pourront s’étonner de ce titre en forme d’interpellation ou d’interrogation, mais il témoigne d’un vide qui devient abyssal, devant l’absence de solution en matière de croissance et de développement de la France comme de ses partenaires européens.
Qu’on ne se méprenne pas, je n’adhère pas à cette idéologie mortifère qui fait une fin en soi, de l’équilibre des comptes à un moment donné (parfaitement arbitraire d’ailleurs, comme tout ce qui est temporel !) ou de la soumission à un pourcentage (devenu le dieu des imbéciles[1]) de je ne sais quel PIB, dont tous les experts savent, depuis belle lurette, que cet agrégat qui a succédé à bien d’autres, est approximatif et inexact.
Pas plus que je n’estime efficiente, cette dérive de la gestion publique qui institue le modèle privé comme source de validation. La finalité d’un hôpital n’est pas l’équilibre de ses comptes ; calculé d’ailleurs selon quelles bases ? La finalité d’un hôpital est d’abord de soigner efficacement les patients de son territoire. C’est évident, mais pas pour les tenants du New Public Management (NPM), cette « nouvelle forme de gestion publique basée entre autres sur une culture du résultat et l’emprunt de pratiques et d’outils issus du privé »[2].
Fondée sur des postulats faux, tordant le cou à des auteurs anciens, appelés à la rescousse pour masquer le vide théorique, évitant les faits pour ne retenir que des calculs fondés sur des bases imposées pour obtenir le résultat escompté, cette théorie, ce sophisme plutôt, détruit progressivement nos services publics, désertifie nos territoires et instaure un management suicidaire au vrai sens du terme !

C’est ce qu’il y a 20 ans déjà, j’appelais la « gestionite » avec cette formule lapidaire : « La gestionite est à la gestion ce que la démagogie est à la démocratie ! »[3]
J’aurais dû en 1996, orthographier« gestionite » avec 2 « n » pour mieux faire connaître cette maladie épidémique dont on ne se relève que très diminué…lorsque l’on s’en relève.
Des auteurs plus éminents que moi, comme Vincent de Gauléjac, en 2005, ont popularisé cette idée que la Société est malade de la gestion[4].
Ils ont aussi contribué, avec les dérives de la finance dans les organisations, à démonétiser la gestion et les gestionnaires dans une grande frange de la population, y compris savante ou prétendue telle lorsque l’on pense à la plupart des médias.
Pendant ce temps, et il n’est que d’allumer un poste de radio ou de télévision, ou de lire les journaux réputés économiques ou sérieux, les deux étant très rares les mêmes, pour se rendre compte que si les gestionnaires ne sont pas présents, ils sont largement remplacés par toutes sortes d’experts qui serinent la vulgate néo-libérale, assurés qu’ils ne seront pas contredits par les journalistes puisque ni les uns ni les autres ne savent de quoi ils parlent.

J’avais commis, 10 ans après le « gestionite », en 2006 donc, un éditorial qui se voulait un peu sarcastique en paraphrasant un homme que j’apprécie peu pourtant, « L’entreprise est une chose trop sérieuse pour être confiée à des économistes ? »[5]. Il ne s’agissait pas d’une attaque de la section 06 (gestion) contre la section 05 (économie) du Conseil National des Universités (CNU), puisque nous collaborons (sous la férule autoritaire des économistes « mainstream » cependant) dans la célèbre section 37 du CNRS.

Un vrai galimatias pour nos lecteurs étrangers !

En effet, même si comme Thierry Burger-Helmchen, nous pensons que « l’opposition entre les sciences économiques et la gestion est stupide et non productive »[6], même s’il est des domaines communs dans les deux ou trois premières années de Licence, il est aussi des spécialisations qui sont propres à chacun. Le vaste champ des organisations est celui du gestionnaire, pas celui des autres qui ignorent les règles, les pratiques, les théories qui portent cette science nouvelle qui est celle des sciences de gestion.
Si neuve même, qu’un ancien ministre du Budget, trésorier d’un grand mouvement politique et formé par une école pourtant prestigieuse et qui se targue de faire la loi en gestion dans une université en création, s’étonnait à la question que je lui posais justement sur le management public, qu’il pût y avoir des sciences de gestion !

Et pourtant, elles existent bien ! Notre revue en est la preuve depuis plus de 50 ans !

C’est pour cela que j’enrage presque quotidiennement, pour tous ces gestionnaires que je lis, que notre revue publie, de ne pas les voir traités comme des experts des organisations et des entreprises qu’ils sont, dans les médias et auprès du grand public, mais aussi de la petitesse des guerres que se livrent les différentes écoles de la gestion. Picrochole n’est jamais loin !

Je ne vois aucune émission de France-Culture voire de Canal-Académie, de France 24 ou des chaînes parlementaires confiée à un gestionnaire. Si certaines chaînes invitent un patron, un inventeur, un cadre d’entreprise, c’est pour témoigner, débattre parfois avec des syndicalistes voire des politiques, mais jamais aucun gestionnaire n’est là pour poser enfin, les bonnes questions, tirer les enseignements ou faire une synthèse.

Tout est donc toujours approximatif, inexact voire totalement erroné dans le domaine précis des organisations et de leur fonctionnement. Inviter un gestionnaire pour expliquer la loi travail vue de la part des vraies entreprises aurait gagné du temps et de l’efficacité, mais à croire que ce n’est pas ce qu’on cherche !

Prenons un seul exemple : dans un article de 2012, Thierry Burger-Helmchen, cité plus haut, publiait une fort intéressante comparaison fondée sur un échantillon d’entreprises françaises et allemandes du secteur de la mécanique industrielle de précision « pour déterminer l’impact de la consommation de services externes pour développer la capacité à innover, la qualité des produits et la performance des entreprises ». Une étude réelle de terrain qui seule permet de savoir de quoi l’on parle. Si le titre n’est pas accrocheur pour un journaliste moyen, voire moyen supérieur, la conclusion, elle, pouvait intéresser un journaliste et mêmes plusieurs, les organisations patronales si elles avaient une veille de recherche efficace, je ne parle même pas des partis politiques ou des cellules de réflexion des ministères « pondeurs » de tant de réformes sur l’entreprise…Je cite juste le début de cette conclusion pour ne pas déflorer la lecture complète ! Elle ouvre un vaste champ de réflexions sur l’organisation et sur l’acculturation différente selon les pays (on est loin du modèle unique tant prôné à Bruxelles). « Cette étude nous permet de montrer que les entreprises françaises et allemandes bénéficient toutes deux de l’utilisation de services innovants. Elles améliorent la qualité de leurs produits, leur efficacité productive et leur capacité à innover. Néanmoins les entreprises françaises profitent plus de ces services pour améliorer leurs capacités d’exploration que d’exploitation (à l’inverse des entreprises allemandes)… »[7]

Ce travail où la réalité des choses constatées est l’apport essentiel, rapproche le gestionnaire de la méthodologie de l’historien plus que de la modélisation économique. « Dans un champ où les préoccupations opératoires revêtent une importance primordiale, elle (la gestion) conduit à explorer le rapport entre la validité théorique des connaissances et l’efficacité pratique que leur application permet d’atteindre » écrivait déjà il y a près de vingt ans Elie Cohen en s’interrogeant sur l’épistémologie de la gestion[8].

Avant la théorisation et l’exposition publique, il y a le travail modeste du chercheur, pas celui qui publie à tout va pour je ne sais quelle comptabilité boutiquière bibliométrique anglophone, qui témoigne certes de publications, mais n’équivaut certainement pas à de la recherche et annonce encore moins une découverte. Il y a des experts pour cela, il suffit de siéger dans un nombre de « conseils académiques restreints » pour s’en rendre compte et constater que la médiocrité, de ce fait, préside aux carrières et ne signifie nullement une véritable recherche.

À court terme, c’est comme au XVIIIe siècle, l’effondrement intellectuel des universités françaises. C’est aussi pour tous ces politiques « pressés de faire vite », la certitude que l’intelligence déserte leurs constructions babyloniennes, mais comment pourrait-ils s’en rendre compte, puisque ne sachant pas, ils n’interrogent pas non plus ceux qui pourraient introduire le doute, le fameux doute cartésien, méthodologique, dans leurs certitudes d’ignorants !

Ce numéro apporte donc son pesant de connaissances qui pourraient être utiles à ceux qui décident. Les deux dossiers que j’ai intitulés : « satisfaire le client » et « mesures de la performance », apportent des conclusions certaines, fondées sur les réalités vécues dans les organisations.

La pluralité de leurs sujets est elle-même le signe que chacun, suivant ses appétences, peut y picorer. Encore faut-il avoir l’envie de savoir et de comprendre. « On ne saurait faire boire un âne s’il n’a pas soif » dit-on communément !

Un cahier de recherche, rattaché à un numéro de 2015 que faute de place nous n’avions pas pu publier alors, illustre notre propos et complète les deux dossiers. « Le changement de Business model : quelles conséquences organisationnelles ? » est une problématique dont les apports que constituent les différentes contributions permettent, d’apporter une réponse. Réponse modeste toujours que celle du véritable chercheur. Libéré des modèles, il ou elle sait que sa réponse est imparfaite et temporelle, c’est-à-dire temporaire ! Le chercheur interroge les faits, il n’assène pas de vérités dogmatiques et de fausses certitudes !

Oui, il y a bien raison d’interroger les gestionnaires, car ils apportent la fraîcheur sans cesse renouvelée de la véritable connaissance, celle des réalités !


[1] Olivier Geradon de Vera, ancien vice-président d’IRI-Secodip, ne disait-il pas d’ailleurs que « la moyenne est la forme la plus évoluée du mensonge ».

[2] Chappoz, Yves, Pupion, Pierre-Charles, « Le New Public Management », Gestion et management public 2/2012 (Volume 1/n°2), p. 1-3. URL : www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2012-2-page-1.htm. DOI : 10.3917/gmp.002.0001.

[3] Naszályi Philippe, « La gestionite », Direction et gestion des entreprises, n°155-156, 1995, pp 6-7.

[4] Gaulejac, Vincent de, « La société malade de la gestion, Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social », Seuil, Collection : Économie Humaine, Paris Parution 2005, 275 p.

[5] Naszályi Philippe, « L’entreprise est une chose trop sérieuse pour être confiée à des économistes ?», La Revue des Sciences de Gestion 3/2006 (n°219), p. 5-6 URL : www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2006-3-page-5.htm. DOI : 10.3917/rsg.219.0005.

[6] Le Blog d’Olivier Rollot, 7 novembre 2014.

[7] Burger-Helmchen, Thierry, « Innovation dans les services : Différences technologiques et similarités organisationnelles dans les entreprises de mécanique françaises et allemandes », La Revue des Sciences de Gestion, 2012/5 (N° 257), pp.81-89, https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RSG_257_0081

[8] Cohen, Elie (1997), Épistémologie de la gestion, article 59 dans Encyclopédie de la gestion, Y. Simon et P. Joffre, Paris, Economica, page 1065.

n°277 1965-2015 – 50 ans : l’intelligence du bébé

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1965-2015 – 50 ans : l’intelligence du bébé

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Nous avons conçu ce numéro autour d’une science humaine : la gestion.

Science, parce son origine est scio-ire, savoir ou savoirs ? La science c’est aussi l’arbre de la connaissance qui chez certains, leur fait croire qu’ils peuvent tout maitriser.

C’est l’histoire même de la Tour de Babel, commune aux 3 grandes religions, le péché par excellence de celui qui veut se croire Dieu. Si l’on se veut hors du champ religieux, c’est l’ὕϐρις, l’hubris des Grecs, la faute impardonnable, la démesure faustienne qu’on rencontre dans tous les siècles et toutes les civilisations…

Nous pensons que la science en toute discipline, n’est ni le produit d’une compromission, ni le vote d’une majorité, mais une démarche honnête fondée sur le doute méthodique, celui du Discours de la Méthode, et du pragmatisme qu’en gestion, le terrain doit apporter.

Humaine, c’est-à-dire que sa rigueur ne vient pas de postulats imposes, de modèles construits pour justifier l’injustifiable, de dogmes bâtis par ceux qui, voulant conserver leurs prébendes, stipendient des hommes sans foi ni loi qui se disent experts…

Non, il n’y a pas qu’une voie,
Non, il n’y a pas de vérités inconstatables,
Non, il n’y a aucune forme d’organisation qui soit la loi générale !

Ni scepticisme, ni positivisme… mais la modestie fondée sur la conviction que « l’intelligence la plus profonde et la plus fondamentale n’est pas l’intelligence de l’expert mais l’intelligence du bébé[1] ! »

Plus qu’un long ouvrage, c’est donc une ballade historique que nous proposons au lecteur présent et futur, comme le trace d’une piste où se sont rencontres des femmes et hommes et des circonstances, ce qui a fait notre revue depuis 50 ans et la fera encore longtemps, si Dieu le veut !

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  1. Francisco Varela (1989), Autonomie et connaissance : Essai sur le vivant, Paris, Seuil, 247 pages, page 56.

n°275-276 Stratégies et innovations

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Stratégies et innovations

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

C’est un titre à la fois simple et programmatique qui clôture l’année du cinquantenaire de la revue. Il est à la fois le titre du cahier central tout entier consacré à la « relation client » et l’annonce du numéro qui ouvrira 2016 pour publier les travaux du colloque que nous avons organisé le 26 mars 2015, pour célébrer le cinquantenaire de notre revue.

N’anticipons pas sur cette publication, mais rappelons-nous que l’innovation dans tous les domaines qui intéressent La RSG, est bien l’objet d’une stratégie réfléchie, voulue et mise en pratique.

Ce numéro n’épuise donc pas tous les programmes que nous avons mis en chantier, supportes (au sens de leur apporter notre soutien), diriges ou encourages.

Je l’ai dit, au cours des parutions de 2015, notre petite équipe de « permanents », s’était assignée une tâche que nos procédures de qualité et de contrôle, que nos exigences de forme et de fond, que l’engagement volontaire de tous, rendaient difficiles à réaliser dans les 365 jours de 2015 !

Tant pis pour ceux qui ronchonnent, véritables victimes, parfois involontaires, de ce système fou qui oblige en permanence à remplir toujours très vite, des dossiers qu’une administration plus bureaucratique et tatillonne que jamais, regardera, si elle les regarde, dans des délais toujours plus longs.

Festina lente, ai-je appris jadis, avant qu’une marque suisse ne s’inspire de cet adage. Se hâter lentement, non pas, par indélicatesse ou paresse, non pas par égoïsme ou mépris, mais bien, parce que, sans nous élever au rang de l’Art poétique, nous pensons comme Nicolas Boileau que le travail de publication ne peut se faire qu’avec la réflexion et la vérification qu’il sied à une revue internationale comme la nôtre, de maintenir pour le bien de ses lecteurs et donc de ses auteurs :

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
Polissez-le sans cesse et le repolissez[1].

Nous avons tous appris ces vers, et propulsés que nous sommes, dans une société de l’immédiateté, nous devons en permanence lutter pour nous ressouvenir de mettre en application cette vérité que, dit-on, l’empereur Auguste lui-même, avait fait sienne : σπεῦδε βραδέως et qui est la devise de l’université de Salamanque !

Ces références antiques ne sont peut-être plus du goût de nos modernes « Trissotins » !

En cette année de la Miséricorde, vertu fondamentale du vivre ensemble, et de ce fait si martyrisée, vilipendée et méprisée, à l’heure de la compétition effrénée et en ces temps ou des populations les plus diverses, comme les Érinyes, crient vengeance a tout propos, au nom d’un psychanalytique deuil à faire !, nous prônons avec humour, qu’on leur pardonne leur ignorance !

Elles demeurent en effet, pour nous, gage d’excellence, puisque ce mot au moins, a l’heur de leur plaire.

Nous n’entrerons pas ici, dans une réflexion sur ce qu’il faut entendre par ce concept, mis à toutes les sauces dans les différents challenges que les politiques (français) qui, parce qu’ils n’y ont pratiquement jamais étudié, ont asservi les universités dont ils se méfient tant.

Pour disqualifier toute recherche féconde, infantiliser les chercheurs en les plaçant en permanence dans une compétition stérile et favoriser cette caste de pseudo gestionnaires, déjà développée dans les hôpitaux et l’enseignement secondaire, ils ont inventé cette nouvelle « excellence » !

A l’école primaire, lors des Trente glorieuses, elle était simplement un prix que l’on me remettait sous forme d’un livre, chaque année !

Le goût de la revanche sur ceux qui enseignent ou cherchent, a conduit cette caste administrative qui a jeté aux orties même les apparences des missions  fondamentales du service public, a en inventer une nouvelle. Cette « nouvelle » excellence-la, se place résolument sous les fourches caudines des calculs les plus minimalistes et les moins ambitieux pour s’inféoder en « collaboration » avec le système économique dont le seul souvenir du mot résume la finalité. C’est un mélange de la réalité d’ « Au bon beurre[2] » dans laquelle Marcel Déat et dans une moindre mesure, Jacques Doriot, auraient introduit leurs lumineuses idéologies pour inspirer leurs (pas si) lointains successeurs.

« Propos amers » diront certains, « excessifs » pour d’autres, voire « injustes », peut-être, sans doute aussi, mais qui par leur outrance même, rappellent que la caricature est toujours empreinte d’une vérité profonde qui, à défaut de faire agir, pourrait au moins faire sortir de leur torpeur, tous ceux, trop nombreux, qui sont gagnés par le découragement devant cette machine bureaucratique que même Weber n’aurait pas envisagée si totalitaire !

L’on s’éloigne, mais si peu en fait, de ce qu’une revue de gestion, académique au sens français du terme, doit présenter. L’iconoclasme dans le domaine de la pensée n’est pas une finalité, mais il nous semble un passage obligé, pour rendre fertile toute contribution élaborée : « Se situant selon les cas, sur des thématiques émergentes pour lesquelles les champs institutionnels n’étaient pas encore constitués, à la frontière de plusieurs disciplines, ou faisant entendre des voies dissidentes par rapport aux théories bien établies, La RSG a su accueillir des recherches par essence novatrice, et par la même occasion, des (jeunes) chercheurs qui y ont, pour la plupart, poursuivi une trajectoire de recherche féconde. » Ces mots empruntés à Aude d’Andria, par anticipation, – privilège de celui qui lit tout par avance -, a son remarquable éditorial à venir, du numéro du cinquantenaire[3], illustrent notre constance.

Entrepreneuriat et gouvernance, premier dossier de ce numéro 275-276, s’ouvre sur l’un des points saillants, développé par les représentants des entreprises en France, notamment et très récemment le Président de la CGPME, François Ainselin, sur le nécessaire apprentissage entrepreneurial des étudiants » (page 13).

Deux économistes rappellent ensuite fort justement, l’un des paradigmes en débat : celui du passage de la société salariale à la société entrepreneuriale où la création d’entreprises au secours de l’emploi » (page 23). Vaste programme qui ne devrait pas faire l’économie de la vérification que c’est peut-être le système même qui est en cause, et non quelque remuement à effectuer sur quelque code plus ou moins abscons.

L’article qui suit s’inscrit ainsi fort à propos, dans la logique de l’analyse des systèmes nationaux de gouvernance (page 33), qui induit une réflexion forcement globale.

Enfin suivant le vieil adage, et toujours si actuel de Bodin qu’il n’est de richesse que d’homme, deux contributions abordent le thème très actuel des ressources humaines :

  1. le capital humain (page 41) – rappelons que nous soutenons un colloque sur ce thème, à Bordeaux en juin 20164- et,
  2. la diffusion de la logique compétence au sein des structures d’insertion (page 49) qui prolonge le très innovant dossier du numéro 273-274 sur la Déconstruction créatrice du travail[5].

– Le cahier qui suit, prolonge un colloque scientifique : Relation Client : stratégies et innovations, organise par l’ICD Business School, les 8 et 9 juin 2015. Il ne s’agit pas ici de la publication des actes du colloque, mais d’une sélection des meilleures communications comme le rappelle son rédacteur en chef invite, le Professeur Tawhid Chtioui (page 65).

Nous l’avons composé de huit articles « dans des approches disciplinaires et méthodologiques diverses comme : la co-innovation entreprise/client, l’estime de soi pour mieux penser la relation client, l’évaluation des performances des téléopérateurs, la relation client comme facteur de développement, de la résilience des PME, l’expérience de consommation d’un espace urbain de consommation festive et enfin le contrôle dans les réseaux de franchise… »

– Enfin, il nous a paru cohérent de faire suivre cette réflexion, d’un dossier constitue d’éclairages mettant en parallèle ou en discussion « Valeurs et comportements », toujours dans le champ du marketing en y incluant l’innovation comme la problématique de la captation et de (la) conservation des publics au sein des industries créatives numérisées, (page 153), de la « création de valeur pour le client dans la distribution des produits pharmaceutiques, (page 173) ou des stratégies permettant de gérer la sensation de foule (page 183) sans en oublier d’y insérer, la stratégie que l’article consacre aux alliances asymétriques (page 165) illustre en son cœur.

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  1. Art poetique, I, 171-173.
  2. Jean Dutourd (1952), « Au Bon Beurre ou Dix ans de la vie d’un crémier », Éditions Gallimard, 277 pages, Prix Interallie 1952. Le livre qui est situé, à Paris 17e arrondissement, sous l’occupation allemande, rapporte la vie des propriétaires de la crèmerie « Au bon beurre » qui s’enrichissent grâce à la misère des autres et sans aucune morale et pensent ainsi devenir riches et respectable, a été repris par le téléfilm du même nom, d’Édouard Molinaro (1981) avec l’interprétation par Roger Hanin et Andrea Ferréol du couple d’épicier, les Poissonard. «  Or, à mesure que, ces jours-ci j’avançais dans le livre, j’éprouvais un sentiment de délivrance : Enfin me disais-je, tout de même, cela aura été dit. Ce couple a qui, plus ou moins, nous aurons eu tous affaire, pendant quatre ans, le voilà dénoncé, expose sur un pilori qui désormais dominera l’histoire de ces noires années. Que l’auteur de ce beau livre soit un homme courageux, il faudrait pour le nier ne rien connaitre de la lâcheté qui, aujourd’hui, incite tant de paupières à se baisser opportunément, scelle tant de lèvres. ≫ François Mauriac.
  3. Aude d’Andria, (2016), « La RSG : 50 ans de publications », La Revue des Sciences de Gestion, n°277, pp. 1-3.
    « De la théorie a la pratique, quels enjeux aujourd’hui pour le management et le reporting du capital humain ? », IAE de Bordeaux, 23 et 24 juin 2016. Voir page 60. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/capital-humainquels-enjeux-pour-le-management-et-le-reporting.
  4. Jean-Luc Moriceau, Géraldine Guerillot, Isabela Paes, Julien Billion, (2015), « La déconstruction créatrice du travail : Innovations, opportunités et pièges ≫, La revue des Sciences de Gestion, n° 273-274, pp.107-156 ; http://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion.htm.

n°273-274 « Tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne »

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« Tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe Naszalyi LaRSG

Ce numéro double du cœur de l’année du cinquantenaire et qui paraît avec retard, est symbolique de ce que notre revue depuis sa création en 1965, a toujours essayé de faire : Produire une recherche et non pas des publications.

C’est une lourde de tâche que de « tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne quoiqu’on ne voit pas toujours par où l’enchaînement se continue » pour reprendre la formule célèbre de Bossuet[1].

Telle est la tâche de la rédaction, et notamment de sa rédactrice en chef qui, après trois ans pleins de travail bénévole, est appelée à nous quitter, pour de nouvelles fonctions au sein de son université[2]. Remercions Aude d’Andria qui a bâti les numéros de cette année 2015 qui s’égrène devant nous.

Mais que sont donc ces « deux bouts de la chaîne » ?

La réponse est simple et masque le travail à accomplir. En cette année du cinquantenaire, la revue a souhaité démontrer qu’elle est toujours, la première revue francophone de management.

De par la date de sa création, elle l’est par l’âge. Mais ce n’est pas seulement par l’ancienneté qu’elle entend le rester.

Lorsque « le meilleur économiste de France », Raymond Barre, alors Premier ministre, lui a décerné ce titre, c’était parce qu’elle se distinguait de ces consœurs, par une originalité, une liberté de ton et un choix de faire de la gestion une matière vivante en phase avec les évolutions des entreprises – rappelons qu’elle s’appelait alors : direction et gestion des entreprises.

Depuis 1989, je veille à tenir ces « deux bouts de la chaîne » qui en font parfois crisser certains, mais nous maintiennent dans le peloton de tête des revues à l’étranger.

Cette année particulière, la Rédaction a entendu que chacun des numéros qui paraissent à partir du cœur de l’année, celui-ci est donc le premier, comporte à la fois les articles sélectionnés par trois évaluateurs, dont un étranger, et un cahier, issu d’un colloque.

Il ne s’agit pas ici de la publication de colloques comme certains le font, par manque de matières, mais bien d’une volonté de s’inscrire dans la meilleure part de la production vive que donne un lieu où s’expose et se débat la recherche en action, mais avec les filtres que nous imposons à tout article avant sa publication.

Nous avons un peu, présumé de nos forces, car ce long travail d’évaluation, ne permet pas le respect des dates précises de publication. Nous présentons pour cela nos excuses aux auteurs et à vous, lecteurs !

Nous sommes toutefois rassérénés de faire en conscience, un travail qui ne se fait nulle part ailleurs.

En effet, pour assurer la qualité de la production, aux trois évaluateurs, nous ajoutons deux réviseurs. Ils vérifient et contrôlent chacune des références bibliographiques de chaque article.

Nos auteurs publiés le savent bien, lorsqu’ils reçoivent un courriel assez impératif de ma part, pour valider et vérifier les remarques des réviseurs !

La qualité que nous vous devons, ne l’est pas au nom de normes ou de procédés d’évaluation externes, mais bien au nom du respect que l’on doit à celui qui nous fait confiance, qu’il soit auteur ou lecteur.

Nous ne sommes toutefois pas à l’abri de quelques mystifications ou indélicatesses ! Grâce à des lecteurs attentifs, venus de Tunisie, nous venons de faire supprimer de la base de Cairn, deux articles qui avaient considéré des masters d’étudiants, comme pouvant être empruntés partiellement, mais sans citation des auteurs réels.

C’est une chose particulièrement lâche et écœurante que de s’approprier le travail d’autrui, surtout lorsqu’il est en position de dépendance comme l’est un étudiant face à un enseignant. Nous laissons ainsi à de « grands penseurs », Alain M… ou Jacques A….., « conseillers des princes » qui nous gouvernent, le redoutable écueil moral du plagiat !

Ce numéro 273-274 présente donc en troisième partie, un cahier de recherche, fruit d’un colloque. Nous le devons à une collaboration entre un laboratoire universitaire jeune, le Litem, ici sa branche Tem, conduite par Jean-Luc Moriceau et Isabela Paes et un laboratoire privé, Umalis sous la conduite de Julien Billion et de Géraldine Guérillot. Il traite de La déconstruction créatrice du travail : Innovations, opportunités et pièges. Les six articles sélectionnés, émanent de jeunes chercheurs, et sont à bien des égards, décoiffants. Ils apportent une réflexion pluridisciplinaire que nous ne cessons d’appeler de nos vœux pour sortir de la « scolastique » éculée, néo-libérale ou néo-marxiste.

L’on peut même ajouter qu’on y trouve dans ce cahier et chez un jeune auteur, ce qui ne peut que ravir « un amateur de cabinet de curiosités » cette suprême délectation de l’académicien, ou ce plaisir indicible de sentir un fumet raffiné. En un mot, ce goût du travail bien fait qui sait interroger « la racine noble : ἔργον », avec son accentuation grecque, et qui ne réduit sûrement pas à la moderne « ergonomie », ou qui se plonge dans la « racine sombre : tripalium » qui ne peut se résumer à des délices recherchés par les sectateurs du divin marquis !

En un mot, un travail profond et éclairant, encore possible, mais pour si peu de temps, puisque nous n’avons pas encore été complètement inféodés à l’inculture que les programmes qui vont être imposés aux collégiens, nous promettent. En privant, les jeunes « têtes blondes », de ce qui fut l’honneur de l’école de République, on coupe un enracinement classique, réellement démocratisé puisqu’il était offert à toutes et à tous !

Quand on invoque tant ces valeurs, il vaut mieux ne pas en détruire les assises, si l’on veut rester crédible !

Clin d’œil également, car ces articles innovants, se placent à la fin d’un numéro dont le premier dossier, est justement consacré aux normes et mesures. Aucune contradiction dans ce choix, mais l’application des « deux bouts de la chaîne ». Cinq forts articles charpentent cette réflexion où « normes et mesures » valident ou non, la performance dans le cadre multipolaire des économies régionales du monde.

Le lien entre les « deux bouts de la chaîne », que sont le dossier initial et le cahier final, est naturellement constitué par une transition sur l’entreprise. Entreprendre et environnement turbulent est un petit bijou enchâssé. Les trois articles que l’on doit à des auteurs éprouvés, traitent successivement de l’entrepreneuriat dans son concept, de problèmes de finance notamment dans ce qui constitue la base de l’entrepreneuriat que sont les TPE, et « finis coronat opus », assure la transition avec le cahier final, par une remarquable analyse de discours…pour les plans dits de sauvegarde de l’emploi. L’initiative créatrice, les moyens et les hommes pour la mettre en action, c’est bien l’entreprise !

Deux autres cahiers de recherche suivront. Mais d’ores et déjà, nous vous confions ces « deux bouts de la chaîne » !

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[1] Jacques Bénigne Bossuet, « du Libre arbitre », chapitre IV, Paris 1677.

[2] Aude d’Andria a été nommée « chargée de mission entrepreneuriat » à l’Université d’Evry-val d’Essonne et notamment dans le cadre de l’entrée de cette université dans l’Université Paris-Saclay.