Description
par Jean-Jacques Pluchart
L’objectif de cette recherche est d’analyser les différents types de sujets sensibles observables dans les démarches scientifiques, d’en identifier les causes, d’en explorer les effets et d’en proposer des méthodes de traitement.
La typologie la plus courante distingue les sujets portant sur des expériences personnelles douloureuses, sur des comportements déviants, sur des personnalités ou des entités dotées de pouvoir et sur des thèmes sacrés ou tabous. Une transposition de cette grille aux démarches de recherche conduit à distinguer les erreurs, les fraudes, les manipulations et les déconstructions scientifiques. Cette recherche exploratoire fait appel à la méthode des études de cas. Elle révèle que les sujets scientifiques sensibles sont de plus en plus détectés par des applications d’Intelligence Artificielle et rendus public par les réseaux sociaux. Ils ont des impacts de plus en plus larges et durables sur les carrières et les réputations des chercheurs impliqués.
Ces effets sont d’autant plus préjudiciables que ces derniers sont respectés par la communauté académique. Parmi les types de sujets observés, deux portent sur des infractions déontologiques (les fraudes et les manipulations) mais deux n’enfreignent pas a priori l’éthique scientifique (les erreurs et les déconstructions). Le critère déontologique ne suffit donc apparemment pas à caractériser un sujet sensible, contrairement à celui de ses effets négatifs sur les réputations et/ou les comportements des chercheurs, qui s’avère être universel. Les sujets sont perçus comme d’autant plus sensibles s’ils soulèvent des questionnements radicaux refoulés et expriment des doutes sur la validité de théories dominantes ou la conformité sociale de comportements.
Les sujets les plus sensibles remettent en question – ou déconstruisent – des concepts, des heuristiques, des théories ou des paradigmes validés par la communauté scientifique et ancrés dans une culture. Cette recherche contribue à enrichir la réflexion actuelle sur le relativisme scientifique qui se répand dans toutes les disciplines. Elle montre que la « désensibilisation » d’un sujet passe par un débat ouvert entre les parties concernées, par des analyses critiques des perceptions des sujets et par la recherche d’une plus grande « sensibilité théorique ».
Mots-clés : sujet, sensibilité, normalité, responsabilité, vérité