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n°259-260 Diversité de la gestion

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Editorial : Le lancinant problème de la transmission des entreprises…
Des pistes innovantes pour maintenir l’emploi et l’activité économique : La transmission aux salariés…

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiComme le philosophe Michel Serres ne cesse de le rappeler, il convient de «créer de nouvelles structures» car les «sociétés d’aujourd’hui sont trop vieilles et tombent en lambeau».

L’étude de La Cession-transmission des PME, Observatoire de la BPCE1, parue le 13 décembre 2012 montre qu’entre 1 million 300 000 à 1 million 400 000 emplois sont concernés par les transmissions d’entreprises, par an. On y discerne également les constats suivants :

• les disparitions de PME, par «mort naturelle» (2 955 dont 1 022 de plus de 20 salaries) et par décision de justice (3 296 dont 1 049 de plus de 20 salaries) représentent le tiers des 19 648 cessions-transmissions-cessations, soit malgré tout 3 % des PME-ETI françaises, en 2010 comme en 2011…
• rien que pour les ETI de plus de 250 salaries, les cessations d’activité sont au nombre de 58 !
• 46 % des cessions, un peu moins d’une sur deux, interviennent après que le dirigeant a atteint 55 ans ou plus… avec des disparités régionales ou sectorielles. Il y a donc un problème de transmission…
• Enfin, «si la transmission au sein de la famille constitue une aspiration forte des dirigeants de PME, ce type de cession n’est pas favorise par un certain nombre de pratiques sociales françaises et doit s’accompagner d’alternatives solides pour faciliter le passage de relais en fin d’activité professionnelle».

La transmission intergénérationnelle, si elle augmente reste encore très faible (1,40 % des transmissions annuelles).
La «logique de pérennité et de développement du patrimoine économique» qui est le propre de la transmission familiale «la rend particulièrement précieuse actuellement». Cela amène naturellement à considérer qu’après ou avec la famille, le seul élément permanent de l’entreprise demeure ses salaries. Il y a donc bien une logique a envisager, parmi les formes les plus adaptées à la pérennité de l’activité économique et donc de l’emploi, une législation qui favorise la reprise par ceux qui lui sont le plus attachés. L’étude de BPCE, dont on peut regretter qu’elle n’envisage, o paradoxe !, aucunement la reprise sous forme coopérative, constate toutefois, «la faculté croissante des PME à adopter des formes économiques, juridiques et organisationnelles, de plus en plus complexes»… c’est une voie encourageante pour l’innovation organisationnelle…
Concilier maintien des emplois, opportunités innovantes de «création de nouvelles structures», selon les mots de l’Académicien français, professeur à la Sorbonne et à Stanford University, telles sont les pistes de réflexion de deux projets que nous appuyons et présentons in extenso. Le premier est un long et fructueux aboutissement d’une réflexion participative animée par Ap2e (que notre revue aime à citer)2 (pages 77-80).
Nous en sommes modestement partie prenante. Le deuxième émane de l’auteur d’un remarquable et remarqué rapport, adopté à l’unanimité, le 25 juillet 2012, du groupe de travail sur l’économie
sociale et solidaire (ESS) «Les coopératives économiques : un atout du redressement économique, un pilier de l’économie sociale et solidaire3», la sénatrice de Paris, Marie-Noelle Lienemann, ancienne Ministre du Logement des Présidents Mitterrand et Chirac (il sera présenté dans le numéro 261-262).

• Innover, pour sortir de la spirale du chômage et de la précarité,
• Innover pour ne pas retomber dans l’écueil du «traitement social» du chômage et ses impasses mortifères pour la jeunesse européenne,
• Innover pour apporter une solution supplémentaire au problème de la transmission des entreprises et de leur capital de production,
• Innover enfin, en développant des formes alternatives de propriété et de gouvernement des entreprises pour tenir compte des réalités culturelles de sociétés évoluées ou la démocratie va de pair avec l’élévation du niveau d’éducation…

C’est ce qu’en 1948, Charles de Gaulle, dans un discours au vélodrome d’hiver, dit en des termes qui, s’ils ont vieilli peut-être, n’en révèlent pas moins une innovation, toujours créatrice tant les solutions présentes et présentées comme modernes, sont celles du pire XIXe siècle : «Il faut que vous preniez part largement aux  responsabilités économiques françaises», déclarait alors le Général aux délégués des groupes d’entreprises du RPF, le 14 décembre 1948. «Cela implique que, dans la production, vous soyez, non plus des instruments, mais des associés avec le devoir de développer l’œuvre commune et le droit de profiter de ce que vous lui ferez gagner. Nous, peuple français rassemblé, nous voulons faire en sorte que les travailleurs valables deviennent des sociétaires, au lieu d’être des salariés. Sur ce grave sujet, je me garderai de déclamer des tirades démagogiques. Mais je vous dirai que nous voulons cela, non pas seulement par souci équitable d’améliorer la condition des ouvriers, mais aussi par conscience de ce qui est nécessaire au renouveau de la France et à l’avenir de la civilisation.
Oui ! Nous voulons l’Association du travail, du capital, de la direction. Mais dans quel cadre ? Je réponds : dans le cadre de l’entreprise. C’est en effet dans l’entreprise que les travailleurs, les capitalistes, les dirigeants, collaborent d’une manière pratique.
Quelle forme prendra l’Association ? Je réponds : celle de contrats de société, passés sur pied d’égalité entre les divers éléments, les engagements les uns vis-à-vis des autres, mais évidemment de types très divers, suivant la nature, la dimension des entreprises.»

Dans une lettre4 qu’il adresse au Président de la Fondation Charles de Gaulle, Jacques Godfrain (qui nous avait accordé un entretien en 2002, sur la participation5), Thibault Lanxade, alors candidat à la présidence du Medef6 et membre éminent de son conseil exécutif, écrivait : «La ou les salaries sont impliqués dans la marche de l’entreprise, la performance de celle-ci s’en trouve renforcée au bénéfice de tous».
Et le Pdg d’Aqoba, de poursuivre : «Des salariés-actionnaires, ce sont des salariés impliqués et engagés collectivement pour la réussite de l’entreprise». On ne peut trouver plus vibrante justification des deux projets que nous présentons ici. Certes Thibault Lanxade, dans la logique patronale qui est bien évidemment la sienne, ne souhaite pas le transfert de la gouvernance de toutes les entreprises aux salaries ni l’abolition de la propriété privée que d’aucuns agitent, mais
il balaie, les pseudo-arguments des «petits marquis» de Bercy et de Grenelle, quant à la compétence des salariés et à la faisabilité de reprises d’entreprises par des structures coopératives, à coté de, en complément de, en partenariat avec… des formes classiques d’entreprises.

«Association» gaullienne ou «participation», reprise avec modernité par le porteur du projet «entreprendre ensemble7», ou coopérative comme le prévoient les deux propositions de loi dans le cadre de la transmission des PME, dans l’esprit des engagements du Président de la République, alors candidat sous le nom de François Hollande8, tout concourt à la modernisation de l’activité économique, porteuse d’emplois car la diversité des formes complémentaires d’organisation crée la richesse…
En effet, comme le fait remarquer, Guy Leclerc, Président de la Fédération du commerce associe (FCA) : «Beaucoup confondent encore coopérative avec collectivisme. Avec la crise, et parce que les entreprises issues de ce modèle ont obtenu des niveaux de performances reconnus, le système coopératif est devenu un modèle.». Cela est particulièrement le cas dans l’hôtellerie, ou l’efficacité économique française est reconnue. Certes, l’union de petites structures hôtelières indépendantes en coopérative, n’est pas totalement semblable aux propositions de reprise de l’entreprise par les salariés présentées ici. Encore que ? Il est bien évident, que nombre de petits patrons familiaux hôteliers, bien formés à leur spécialité, le sont bien moins en gestion. Il y a donc une forme évidente de comparaison qui balaie les arguments de compétence, objectes d’ailleurs par des technocrates de ministère (finances et/ou travail) dont la compétence et l’expérience en matière de gestion d’entreprise laisse pantois ! En effet, si l’on en croit Jean Lavergne, Président du directoire de la Société européenne d’hôtellerie (SEH), «le régime coopératif demeure un système attractif pour l’hôtelier indépendant, car il lui garantit une plus grande liberté d’action tout en lui proposant toute la gamme de services d’une chaîne intégrée : commercialisation, marketing, programme de fidélité, image de marque, achats, formation, qualité, e-distribution…».
Le fait que désormais, dans ce secteur porteur de l’hôtellerie-restauration, sur le marche français, «il y ait six modèles différents, autant en termes de structure que d’organisation», ne remet évidemment pas en cause le «droit de propriété», mais est gage de plus grande efficacité, au sens weberien du terme, de meilleures performances et de pérennité ! Le patron de la fédération du commerce associé qui représente un secteur de 510 800 salaries, un chiffre d’affaires de 138,2 milliards d’euros avec une croissance de 3,6 % sur un an9, exprime avec la force que l’on accorde à celui qui sait de quoi il parle : «La première qualité de la structure coopérative est la réactivité… Cette forme de groupement est d’ailleurs particulièrement performante.
Depuis plus de dix ans, la Fédération du commerce associe publie des résultats qui font état d’une croissance supérieure à celle du commerce de détail français, tous secteurs confondus. Autre élément important, la pérennité. En ces temps de crise, le taux de survie dans une entreprise coopérative est deux fois supérieur à celui d’autres formes d’organisations commerciales.
Enfin, ces entreprises sont non délocalisables10.»
Dans cet ordre d’idées, et comme nous avons eu l’occasion de le travailler, les exemples de transmission d’entreprises en difficultés, sont aussi une occasion de chercher à maintenir emplois, compétences, développement territorial et activité économique. Les exemples récents sont éloquents. C’est Helio a Corbeil-Essonnes, soutenu même par Serge Dassault et Le Figaro, à la suite de la décision du tribunal de commerce de Meaux, le 6 févier 201211. C’est SeaFrance, pour lequel l’ancien chef de l’État avait déclaré lui-même aux salariés : «Le projet de Scop que vous portez est aujourd’hui le seul connu et en mesure de préserver l’essentiel des emplois actuels de SeaFrance, sans oublier les nombreux emplois indirects qui en dépendent dans le Calaisis»… «C’est pourquoi j’ai demandé que l’État se mobilise très rapidement pour créer les conditions nécessaires à la réussite du projet de reprise12» par une Scop.

Le 14 décembre 2012, à la demande de la Garde des Sceaux, Christiane Taubira et en sa présence ainsi que de celle du ministre au Redressement productif Arnaud Montebourg, Benoît Hamon est intervenu devant les procureurs généraux et les procureurs de la République pour présenter les enjeux de la reprise d’entreprises par les salaries. Dans le cadre de la réforme de la justice commerciale portée par la Garde des Sceaux, une réunion de travail rassemblant l’ensemble des Parquets ainsi que les commissaires au redressement productif a été organisée au Ministère de la Justice. L’objet de l’intervention du Ministre délègue à l’Économie Sociale et Solidaire et à la Consommation était de compléter l’information des Parquets sur la possibilité pour les salariés de reprendre leur entreprise sous forme de SCOP.
En effet, poursuit le communiqué du Ministère, «chaque année de nombreuses entreprises en difficulté économique pourraient faire l’objet d’une reprise en SCOP (Société coopérative et participative) par leurs salariés devant les Tribunaux de commerce. Ce modèle entrepreneurial est encore méconnu des autorités judiciaires. L’intervention du ministre visait à présenter les éléments facilitant les solutions de reprise par les salaries.
La formation des Parquets est un des leviers identifiés par le ministre délégué en charge de l’Économie sociale13».

Il y a donc bien plusieurs approches. Les solutions, sauf pour les imbéciles, ne sont jamais uniques ou exclusives. C’est le thème que nous avons voulu donner à ce premier numéro double. Il présente quelques aspects de ce que sont : «les diversités de la gestion».
Parce que nous venons de développer des pistes pour leur reprise, leur survie ou leur nouvelle gouvernance, le premier dossier traite «des spécificités des PME/PMI», en Europe comme dans les riches expériences de l’Afrique maghrébine ou sub-saharienne.
Le financement, malgré la mondialisation est-il aussi globalise que l’on veut bien le faire accroire ? Rien n’est moins sur.
«Finances internationales et/ou régionales ?», six articles apportent leur éclairage.
Il s’ensuit un dossier ou cinq réponses internationales, sur  les «systèmes d’information et prises de décision» sont introduites par une approche structurelle du «système de production local et de l’entreprise»…

Par delà les choix politiques ou idéologiques des uns et des autres, c’est l’intelligence et le pragmatisme qui doivent l’emporter, pour l’intérêt bien compris de l’emploi et de l’économie.
Les conservatismes de tout poil, alliés aux idéologies passéistes et aux peurs irrationnelles ou perverses, bien plus encore que les charges financières, sont la cause du blocage économique et du
chômage.
L’innovation créative en matière d’organisation, d’autant qu’elle n’obère en rien les finances publiques, est la voie qu’une revue de recherche entend promouvoir et c’est ce que nous faisons ici, en attendant le projet gouvernemental en matière d’Économie sociale et solidaire (ÉSS).
«Que celui qui a des oreilles pour entendre entende ! » (Marc, 4,9)


1. http://www.bpce.fr/var/bpce/storage/original/application/8ea6973335379838bab304e2e6f5253c.pdf.
2. http://www.ap2e.info/salaries-proprietaires
3. http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-707-notice.html
4. Lettre du 6 mai 2013.
5. «Relancer la participation et les reformes, entretien avec Jacques Godfrain, ancien Ministre de la Coopération», in La Revue des Sciences de Gestion. N°196-197, 2002).
6. Mouvement des entreprises de France, Confédération d’organisations patronales.
7. http://www.thibaultlanxade.com/tl/la-lettre-de-candidature-et-notre-projetpour-entreprendre-ensemble-1.html
8. «6. Faciliter la transmission ou la reprise d’entreprises par les salariés, en instituant un droit de préférence de rachat, à
égalité d’offre, au bénéfice des salariés.»
, François Hollande, 2 mars 2012, http://www.parti-socialiste.fr/communiques/francois-hollande-sengage-pour-leconomie-sociale-et-solidaire-ess
9. http://www.commerce-associe.fr
10. Les citations sont reprises notre confrère L’Hôtellerie restauration, Le journal des Restaurants Hôtels Cafés : actualité, emploi, fonds de commerce, du 16 février 2012, «Le
système coopératif est devenu un modele»,,entretien croise de Stéphane Barrand, directeur général de la Société européenne d’hôtellerie, Jean Lavergne, président du directoire, Philippe Marguet,
directeur général de la SEH, Guy Leclerc, président de la Fédération du commerce associé, et d’Alexandra Bouthelier, déléguée générale du FCA. http://www.lhotellerie-restauration.fr/journal/hotellerie/2012-02/Le-systeme-cooperatif-est-devenu-un-modele.htm.
11. http://essonneinfo.fr/91-essonne-info/34038/helio-corbeil-une-scop-endevenir
12. Nicolas Sarkozy, 2 janvier 2012, http://www.20minutes.fr/societe/851247-seafrance-nicolas-sarkozy-demande-soutien-financier-sncf
13. http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/13797.pdf

n°258 – Finance moderne

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Editorial : L’argent tranquille !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiAu milieu des vicissitudes d’un monde financier dévoyé depuis plus de trente ans qui engendre extrême richesse et extrême pauvreté, les coopératives financières qui font l’objet du cahier franco-canadien de ce numéro consacré à la finance, sont un havre de paix si elles se montrent fidèles à leur valeur !

En effet, l’année 2012 achevée, a mis en exergue, sous l’égide de l’ONU, les coopératives et par elles, les principes de « lucrativité » limitée, de développement local et responsable, de souci du terme moyen ou long, de la démocratie…

Un des points saillants de cette aventure coopérative est, en effet, sans conteste la démocratie : un principe qui n’a aucun sens dans le domaine de l’économie banale dite néolibérale.

Jean-Louis Laville rappelle à juste titre que « les théories économiques privilégient certaines dimensions d’analyse au détriment d’autres… et, ce faisant, négligent leur dimension plus politique… mais aussi plus fondamentalement, la quête de démocratie au sein de la sphère économique(1) ».
L’étude de Sonia Novkovic, menée auprès de coopératives de l’Est du Canada, illustre bien cette thèse que, pour les coopérateurs eux-mêmes, la valeur la plus importante devant l’égalité, la responsabilité individuelle et même la solidarité, est celle de la démocratie(2).

Il y a donc autre chose que l’appât du gain et de l’intérêt individuel comme moteur de l’organisation de l’économie.

Et pourtant ce modèle peine à se développer. Il est vrai que pour avoir entendu une « présidente » de tribunal d’une ville de la banlieue sud de Paris, forte de son ignorance économique, usant (abusant) de son pouvoir arbitraire de magistrat, dire à une représentante des salariés d’une association en redressement judiciaire, que « la solution coopérative était une forme archaïque », on ne peut plus s’étonner de rien, en pleine année 2012. Inculture, méconnaissance, paresse de la réflexion devant une idéologie dominante qui fait accroire que l’efficacité est sienne et que tout le reste est billevesée.

Et bien non, l’efficacité n’est pas du côté de ceux qui la proclament si fort et depuis si (trop) longtemps. Si l’on objecte quelques rares malheurs coopératifs, il en est comme dans toute entreprise humaine, l’on ne fera pas croire que c’est aux coopératives, aux associations « mangeuses » de subventions, aux dépenses publiques mêmes, que l’on doit la formidable crise financière qui détruit l’économie de la planète. C’est « l’autopsie d’une faillite économique », selon le remarquable titre de l’ouvrage de Serge Raynal et Frédérique Vermersch(3)qui présente « …les éléments d’une mort avancée ».

Lehman Brothers, créée en 1850, était bien une banque d’investissement multinationale proposant des services financiers diversifiés dont le siège se trouvait à New-York. Elle a fait faillite en septembre 2008.

American International Group (AIG), fondé en 1919, l’un des fleurons mondiaux de l’assurance, a été renfloué par environ 85 milliards de dollars étasuniens venant de la Réserve fédérale des États-Unis en septembre 2008. L’État de ce pays détient désormais près 80 % de ce géant de la « libre-entreprise triomphante ».

Et l’on pourrait multiplier les noms de ces hérauts du système capitaliste financier, nous le distinguons bien de celui du modèle entrepreneurial, qui depuis que les vannes du désordre monétaire international ont été ouvertes par le « libéral » Richard Nixon, entendent et réussissent, même dans l’enceinte d’une modeste chambre de justice de la « grande couronne » parisienne, à faire croire que le système financier est celui du développement, la règle unique de la mesure de l’efficacité économique et finalement la seule forme d’organisation.

Ces tenants du marché et de la « concurrence libre et non faussée » sont en fait, les vrais zélateurs de la pensée unique et du monopole ! Paradoxal non ?

Or ce système se délite partout. Avec 19 millions de chômeurs, chiffre officiel qui masque bien des réalités plus cruelles, l’Union européenne a trahi ses objectifs et ses valeurs initiales. Les politiques qui visent à payer une dette qui n’existe pas et qui a été créée pour l’enrichissement de circuits financiers plus ou moins opaques, sont un échec cuisant. La Grèce a vu son chômage augmenter de 5 % pour atteindre 26,4 % de sa population active, à peine plus que l’Espagne (26,3 %) quelques points encore au-dessus du Portugal (17,3 %) qui voit le nombre des « sans-travail » s’accroître de 2,7 % !

Eurostat qui publie ces données, ne précise évidemment pas que la potion européenne, qu’on inflige désormais à la France, est d’abord et quasiment due à cette idéologie mortifère qui, érigeant le lucre en moteur universel, a entraîné les dispositions monétaristes du traité de Maastricht de 1992 et le veau d’or des 3 % dont aucun économiste ne peut apporter la justification.

Ce n’est pas l’euro qui est en cause, ni la monnaie unique, ni même une quelconque idée de politique économique commune !

C’est ce traité dont le choix idéologique initial est de favoriser la rente, utile à la vieillissante Allemagne. On y voit les effets sur le chômage et la croissance, abandonnés pour la lutte contre l’inflation, terreur des rentiers ! On y voit la méfiance contre la démocratie et l’État qu’elle incarne, par l’indépendance de la banque centrale, placée au service exclusif des intérêts financiers qui sont la cause des maux de l’Europe et des entreprises. En fait, un choix de vieillards qui obère
l’avenir !

L’alternative coopérative ne peut proposer la suppression de cette ineptie économique et historique qu’est la perte par le pouvoir politique, du pouvoir monétaire au nom de la plus grande efficacité qu’aurait la gestion privée. Elle peut en revanche, apporter à l’économie, la valeur et la pratique de la démocratie.

Nous savons ce qu’il faut penser de l’efficacité des experts ès finances qui, de Lehman Brothers à Dexia en passant par Natexis et bien d’autres, sont autant d’échecs de cette gestion qui se disait exemplaire. Cela veut dire, ô paradoxe, des fonds publics au secours du « si bon gestionnaire » qu’est « le Privé ».

Un faux endettement, payé par les citoyens à qui l’on a retiré tout pouvoir de décision avec la complicité de « gouvernants de rencontre ». Certains affichent même qu’ils ont fait leurs classes dans ce monde interlope des agences de notation ou des banques faillies ; d’autres d’en être les mercenaires, en adoptant leurs pratiques mafieuses ! Les pires encore, car les fautes contre l’Esprit sont les plus graves, sont ceux qui ont  capitulé, car ils sont sans courage et sans idéal. Décidément, Marcel Déat a bien des héritiers !

Il ne faut pas moraliser la finance, comme certains, dont on aura la pudeur de taire le nom, le prétendent, il faut simplement l’ordonner au service du « bien commun ». Recentrée sur l’entreprise et ses finalités, notre approche de la finance, puise aussi ses fondements autour des « déterminants de la maturité de la dette », adaptés au « cas français » comme l’analyse ici, Eric Séverin qui ouvre ce numéro consacré aux « approches de la finance ».

« À temps et à contretemps », (2 Tm 3, 14-4), comme nos auteurs, nous entendons démontrer que l’entreprise, cette noble activité de l’être humain, doit être dirigée comme « une institution, où s’élabore une finalité commune à l’ensemble de ses parties prenantes et non comme un objet de droit de propriété(4) ». Nous savons, comme Jean-Marc Robé notamment que le droit de propriété est, en matière économique, une évidente question à revoir et à redéfinir. De sorte que comme le dit Claude Béland, « la formule coopérative réussit » elle, « pour deux raisons principales : en premier lieu, parce que la coopérative est richesse, solidarité et responsabilité des uns à l’égard des autres, autant de valeurs incarnées par la pratique des règles démocratiques(5)».

Cela peut se faire notamment comme le suggèrent des groupes de diverses origines, réunis autour de la proposition de l’Ap2e de créer en France, un droit prioritaire des salariés à la reprise des entreprises sous une forme coopérative(6). Nous appuyons cette proposition d’avenir à laquelle nous avons participé. Elle peut concerner nombre de salariés dans les années à venir comme les travaux d’Aude d’Andria, notamment, le démontrent(7).

Il semble que le Ministre délégué à l’Économie sociale, Benoît Hamon qui s’était engagé à introduire ce dossier, ait repris dans la loi-cadre qu’il prépare les éléments innovants de cette initiative. Nous n’avons à ce jour qu’à l’espérer, car nous ne pouvions, par respect pour nos auteurs et nos lecteurs différer davantage, la parution de ce numéro en attendant le Ministre et son introduction…

Le cahier qu’Andrée De Serres, de l’université de Québec à Montréal et Michel Roux de l’Université Paris 13, ont dirigé sur les « banques coopératives et mutualistes », clôture cette année internationale onusienne. Les études connexes sur l’ISR de Christophe Revelli, tout comme l’interrogation sur les « actions gratuites, les dividendes et les microstructures du marché » de deux auteurs tunisiens complètent, dans son approche multiculturelle notre présentation de la finance.

Ainsi, cette idée de la participation des salariés, déjà prévue, pour les fruits de l’entreprise, par le Général de Gaulle, doit-elles’étendre au-delà de la présence symbolique de représentants au sein des conseils d’Administration, à la prise de décision effective à la gestion et par-delà à la propriété. « Cette avancée démocratique devrait également se traduire dans la gestion de l’épargne collective, de manière à réduire l’instabilité macro-financière.

C’est à cette double condition qu’il est possible de remettre le capitalisme contemporain dans la voie du progrès social(8) »… C’est ce que nous avons appelé « l’argent tranquille », cette finance qui produit des biens utiles et durables…

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1. Jean-Louis Laville, in La gouvernance des associations, sous la direction de C. Hoarau et J.-L. Laville. ERES, Paris, 2008, 297 pp., p.
50.
2. Sonia Novkovic, Cooperative business : What is the role of cooperatives principles and values ? Papier présenté à la conférence de recherche de l’Alliance coopérative internationale à Cork, Irlande 2005, 22 pp.
3. Serge Raynal et Frédérique Vermeersch, « L’autopsie d’une faillite économique », Elzévir, Paris 2012, p. 42.
4. Michel Aglietta et Antoine Rébérioux, Dérives du capitalisme financier. Albin Michel, Paris 2004, 396 pp.
5. « L’Universalité du mutualisme et du coopératisme
» par C. Béland, ancien président du mouvement des Caisses Desjardins du Québec : Notes pour une intervention au Congrès national de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du Crédit agricole, Poitiers, 15-16 mai 2003. Cité par Philippe Naszályi : « La nouvelle mutualité utopie ou refondation ? Essai d’analyse de la gouvernance de la FNIM (Fédération nationale
interprofessionnelle des mutuelles) », Éditions Universitaires Européennes, 2011, page 426. ISBN : 613156891X
6. http://www.ap2e.info
7. Aude d’Andria, « La transmission des PME, Entreprendre autrement ? », communication à TPE-PME, regards croisés – Journée PRIMAL, 19 octobre 2012, Paris Ouest – Nanterre.
8. Michel Aglietta et Antoine Rébérioux, op. cit.

 

n°257 Responsabilité et/ou culpabilité ?

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Editorial : Responsabilité et/ou culpabilité ?
Innovation et/ou prudence ?
ou agir « de manière créative et responsable[1] »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe Naszalyi

Il y a vingt ans en prononçant, à la télévision, un ministre (on ne disait pas alors une ministre) cette reconnaissance sous cette forme elliptique : « responsable, mais pas coupable » posait avant bien d’autres, les cruels dilemmes de la responsabilité ou de la culpabilité, qui sont aussi devenus avec le « principe constitutionnel de précaution », ceux de l’innovation ou de la prudence. « Agir avec prudence », disait Benoit XVI, pour la journée mondiale de la paix « ne signifie pas ne pas prendre en main ses responsabilités et renvoyer à plus tard les décisions; cela veut plutôt dire s’engager à prendre ensemble ces décisions, non sans avoir au préalable examiné, de manière responsable, la voie à emprunter, dans le but de renforcer l’alliance entre l’être humain et l’environnement». Sans doute à méditer ! Car cela concerne désormais tout autant les « politiques » que les fonctionnaires ou les hommes et femmes d’entreprise. La laïcisation de l’Europe, et de la France en particulier, en faisant quasiment disparaître la notion de péché a, sous l’influence des pratiques judiciaires de l’empire dominant, créé des fautes à l’égard de la société et de collectifs plus ou moins répertoriés et représentants des communautés plus que la Nation. Si la faute pénale qui, en France était jusque -là toute proche du « péché mortel » catholique a évolué, elle est devenue « un objet juridique non identifié » que les Tribunaux essaient tant bien que mal, de définir en navigant entre la jurisprudence européenne souvent inspirée des pratiques totalement opposées de la « Common law » et le commode lynchage médiatique de la société de l’émotion.

La Responsabilité sociale ou sociétale de l’entreprise est une notion qui nécessite en permanence une réflexion et souvent une analyse critique. On est étonné de constater que sans vergogne, ceux qui s’y réfèrent ou la prônent, sont souvent ceux qui la bafouent. Ainsi semble en être l’analyse initiale d’Alain Finet et Romina Giuliano auteurs du cahier qui ouvre ce numéro : La RSE, l’amiante et Eternit. Ils constatent qu’Eternit, au passé trouble en matière d’amiante, veut apparaître, au milieu des années 1990, « comme le précurseur du mouvement managérial mettant en évidence la notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises ».

RSE : réalité ou pharisaïsme ?

Sans aller jusqu’en Belgique, on ne peut que s’amuser, certains s’en attrister, qu’on trouve aussi ces comportement chez ceux-là même, qui se sont fixés pour but le « Développement de l’Enseignement et de la Recherche sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ». La forme d’association « académique » du moins en ce qui concerne la tête, ne protège pas des dérives en tartufferie. Et pourtant, nous avions salué cette création et soutenu, à leur demande, l’effort des initiateurs en officialisant leurs premières publications. Le Professeur Yvon Pesqueux indiquait en introduction du numéro 205 de notre revue, les enjeux et les perspectives de la RSE en France, en publiant les textes qui avaient servi de base aux travaux de ce « 1er congrès de l’ADERSE », tenu le 14 juin 2003.Une fois de plus, notre revue était au service de cette recherche nouvelle, puisque c’est sa marque de fabrique et son « credo » éditorial. Les initiateurs avaient ainsi permis que Michel Capron, Jean-Paul Gond, Astrid Mullenbach-Servayre, Marie Nigon ou François Beaujolin, qui font autorité, soient retenus pour ce dossier spécial du numéro 205. Le présent de la « gouvernance » de cette association si prometteuse en 2003, -et ce qui étonnamment ne semble gêner personne dans les instances de la Gestion en France !-, rend très actuelle la problématique de nos deux auteurs s’interrogeant sur Eternit : « Au-delà, nous nous posons la question de savoir si la Responsabilité Sociétale des Entreprises constitue réellement une avancée dans la manière de concevoir l’entreprise en permettant de satisfaire aux attentes des diverses parties prenantes ou alors s’il ne s’agit que d’un simple avatar managérial correspondant à des attentes sociologiques plus larges. »

En laissant à nos lecteurs le soin de trouver la réponse pour Eternit dans les trois articles du cahier spécial, nous avons, quant à nous, la réponse à notre propre questionnement sur la situation présente de ce qui a été une belle initiative de François Lépineux, d’Arnaud Pelissier-Tanon (voir page 48) et bien sûr d’Yvon Pesqueux. C’était il y a dix ans déjà et tout a changé. En revanche, ce qui est resté dans sa brutalité très actuelle, c’est la triste réalité présente qu’une une formule vieille de 2 000 ans caractérise toujours, avec son acuité : « au dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité » (Mt 23:28). Il serait bon que ceux qui le doivent, en prissent conscience avant qu’il ne soit trop tard. Il est vrai qu’après une condamnation par la justice, l’appellation forte, de « sépulcres blanchis » (Mt 23:27) rend bien compte de ce qui est ! A bon entendeur, Salut !

Responsabilité d’un système ?

Le problème environnemental toutefois, ne résume pas à lui seul, loin de là, la RSE. Il n’est pas seulement prégnant, outre Quiévrain ! Plusieurs dizaines de hauts fonctionnaires français, les responsables publics des secteurs de la santé ou du travail des années 1970 à 1990, ont été convoqués depuis 2009, par la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy. La convocation et la mise en examen, en octobre 2012, de Martine Aubry a remis sous la lumière des projecteurs le « drame de l’amiante ».L’Europe plus prompte à se préoccuper de concurrence et de transparence des marchés que de protéger les vies et la santé des travailleurs, n’a en effet, interdit l’amiante qu’en 1999 La période transitoire de 5 ans ne s’est achevée que le 1er janvier 2005 ! La France pourtant a interdit l’amiante au 1er janvier 1997 comme la Belgique alors que la Grande-Bretagne avait légiféré dès 1931 ! C’était pourtant bien trop tard ! Dès le 1er juin 2000, le tribunal administratif de Marseille avait estimé que l’Etat est
responsable des conséquences de la mort de quatre personnes contaminées sur leur lieu de travail. La juridiction phocéenne, dans sa décision rejetait également le motif d’ignorance des risques « au moins pendant la période de septembre 1983 au 27 mars 1987 » ! De quoi enlever prétexte aux « responsables non coupables ».

Si l’on pense comme Marcel Goldberg que « l’indépendance de l’expertise est une donnée fondamentale, mais (qu’) il s’agit d’une utopie »,
il reste donc le facteur économique. La connivence, pour ne pas parler de la complicité passive et active, le mélange entre experts et laboratoires, dirigeants d’entreprise, issus des mêmes écoles et formations que les politiciens, le pantouflage ou les allers-retours incestueux, la lâcheté intellectuelle ou la conversion contre-nature, on appelait cela jadis « Collaboration » et plus tôt « trahison des clercs » sont parmi les raisons qui expliquent, dans le domaine de l’amiante, comme dans d’autres cet enchaînement mortifère qu’on découvre toujours trop tard. Les premières prévisions de mortalités ont été établies en 1995, par un épidémiologiste anglais, d’origine hongroise, Julian Peto. On parle désormais de 100 000
morts d’ici 2030…

C’est donc bien l’idéologie économique dominante qui est la cause première. Cela n’absout pas les hommes et les femmes qui sont coupables et responsables, mais il faut rejeter cette commodité du sacrifice des victimes expiatoires, aux dieux médiatiques aux larmes de crocodile. En effet, « à l’échelle mondiale, deux logiques économiques s’affrontent : la logique du profit et celle de la distribution équitable des biens, ….» poursuit, en appelant à une « conversion économique », Benoît XVI dont nous avons trouvé que la pensée, donnait un sens et une direction originale à cette réflexion à propos de la responsabilité sociétale.

Responsabilité et Innovation ?

Il y a donc tout lieu comme on vient de le voir de :

  • « Repenser le socle théorique » comme deux chercheurs parisiens Valérie Paone et Damien Forterre s’y essaient ;
  • poser « l’hypothèse des régulations syndicales »… « entre logiques marchandes et non marchandes publiques » selon les concepts posés par Marc Morin, spécialiste tout à la fois des organisations et de l’économie ;
  • considérer, comme on l’a fait au long de cet éditorial, « les croyances sur la diversité et leurs rôles dans le management, avec Martine Brasseur, dont nous sommes heureux d’encourager les efforts de recherche et de publication, naguère avec notre consoeur « Humanisme et entreprise » et maintenant à l’ARIMHE, qui vient de réaliser une belle manifestation à l’Université Paris V ;
  • considérer, comme on l’a fait au long de cet éditorial, « les croyances sur la diversité et leurs rôles dans le management, avec Martine Brasseur, dont nous sommes toujours heureux de saluer et d’encourager par ailleurs, les efforts de recherche et de publication à l’ARIMHE, association qui vient de réaliser une belle manifestation à l’Université Paris V ;
  • mettre en perspective cette responsabilité dans le cadre de « l’Innovation dans les services » : en comparant comme le fait, Thierry Burger-Helmchen, « les entreprises de mécanique françaises et allemandes » ;
  • s’attarder, pour en comprendre ce lien : Le management : responsabilité et innovation :

– « les singularités managériales », sur l’entrepreneuriat en réseau de franchise, dans le cadre extensif de « gérer autrement » avec Délila Allam ;
– la « nouvelle nécessité » pour les PME et groupements, avec Martine Boutary, Marie-Christine Monnoyer et Raphaëlle Faure, chercheuses à Toulouse ;
– « la théorie de la SDL (Service-DominantLogic) appliquée à la distribution », comme l’étudie Annie Munos, d’Euromed.

Par delà les responsables, les coupables, l’innovation ou la prudence, c’est bien la terre qui nous est donnée à tous « pour que nous habitions de manière créative et responsable » !

_________________________________________________

Benoît XVI, ibid,

La Revue des Sciences de Gestion, n°205, janvier-février 2004, pp. 63-142

Marcel Goldberg, « Le hasard et la nécessité : le cas de l’amiante », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 16 | 2007, mis en ligne le 26 mars 2009, consulté le 19 décembre 2012. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/1568

Peto J., Hodgson J. T., Matthews F. E., Jones J. R. Continuing increase in mesothelioma mortality in Britain. Lancet, 1995, 345(8949): 535-9.

Angelus du 23 septembre 2007, http://www.zenit.org/

n°255-256

consultersommaire

Editorial : « Ein Mann bezwingt die Not »* ou « Car j’ai eu faim… »**

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiC’est par le titre allemand de la biographie du père du mutualisme que fut Frédéric-Guillaume Raiffeisen « Un homme triomphe de la misère », traduit par ces premiers mots de l’Évangile de saint Matthieu, dans l’édition française du récit de sa vie : « Car j’ai eu faim… » que l’on peut prendre conscience que les mêmes causes amènent les mêmes conséquences. Les chercheurs comme les praticiens, les plus innovants, devant cette crise systémique, proposent une fois encore, une alternative ou des alternatives à un système totalitaire qui se meurt devant nous, pour les mêmes raisons, que mourut, il y a plus de 20 ans le communisme : injustice et finalement inefficacité réelle.

En effet, le système économico-politique dominant, comme le communisme naguère, est un système « totalitaire ». Ses thuriféraires se situent à gauche comme à droite, de Pascal Lamy à Michel Camdessus en passant par Jacques Delors et l’Ecole de Vienne, pour ne pas citer les lilliputiens hexagonaux à la mode sur les plateaux de télévision ou chroniqueurs à ce grand magazine que fut, jadis, l’Express. Bien entendu, ce n’est pas par la similitude de l’organisation avec le bloc soviétique, que ce système quasi religieux de la Mondialisation est totalitaire. C’est notamment parce qu’il se croit un phénomène indépassable ou inéluctable et, selon l’excellent mot (une fois n’est pas coutume !) de Bernard-Henri Lévy, parce que « la vérité y est enchaînée » !

Le processus depuis la fin des années 1970, n’a qu’un but, celui de nier d’autres formes d’organisation que ce qui découle de l’esprit du « Compromis de Washington » de 19921. Largement inspirée d’Ayn Rand, cette conception libérale, voire « libertarianiste », se fonde sur un rationalisme du mérite individuel, bâti sur « l’égoïsme rationnel ». Cette idéologie conduit a faire de la possession du capital un droit absolu qui l’emporte même comme on le verra par la suite, sur la démocratie. Le gouvernement des entreprises, ne devenant que « le simple usage du droit de propriété » dans cette « idéologie actionnariale »2. On n’est pas loin du suffrage censitaire. Sieyès, son père dans la constitution de 1791, estimait que seuls les citoyens riches qui contribuent à la bonne marche de l’économie nationale, ont le droit de voter. Tout le libéralisme économique est né à cette époque et en a bien conservé les stigmates.

En est-on si loin, lorsque l’on constate l’absentéisme populaire aux élections au Parlement européen ou plus récemment, aux élections législatives françaises ?

En est-on si loin, lorsque l’on considère que cette idéologie entend définir le gouvernement des Etats, et la primauté de l’économique sur le politique ? « Cela a l’avantage de la simplicité et des dehors d’évidence.

Mais c’est faux ! », le dit encore Jean-Philippe Robé, comme le sont tous les sophismes ou les mythes fondateurs.

Ce choix n’est donc bien qu’adhésion à une théorie économique parmi d’autres et rien de plus, car il y en a d’autres.

Cela est notablement imposé, tant par les « régulateurs » internationaux que par les organismes européens. Parmi ceux-là, le comité de Bâle en particulier, dans la droite ligne du G20 de Pittsburgh, ignore les spécificités de ce qui n’est pas une société de capital.

refonder une alternative à ce système qui n’en peut plus, est désormais cohérent. Selon Alan Greenspan lui-même, « la crise actuelle est sans doute la plus grave depuis un siècle.

Cette gravité de la situation a conduit certains (dont nous sommes) à penser que nous pourrions bien assister à un changement radical de système économique3 ». C’est de ce bouillonnement des idées et de la confrontation avec les réalités de la misère que sont les premières
expériences alternatives en finance. Les questions se posent toujours, particulièrement dans la conception contemporaine de la finance islamique, du microcrédit, de la refondation nécessaire, du moins en France, des banques coopératives et mutualistes ou des monnaies alternatives dont les « Banques du temps » sont notamment l’exemple. Une plongée dans l’Histoire est toujours instructive, car seuls les imbéciles ou les ignares pensent que le monde commence avec eux. Dès 1846, Proudhon, créateur de l’éphémère, mais si instructive Banque du Peuple prônait la nationalisation de la Banque de France qui devait être « déclarée d’utilité publique4» . Ne devrait-on pas y réfléchir pour la BCE ?

Au même moment, en Prusse, Frédéric Guillaume Raiffeisen institue la notion d’association mutuelle et se rend compte très vite, que le crédit est la source de la plupart des appauvrissements et de la misère. « Tous les membres s’engagent égalitairement mais solidairement sur leur fortune à l’égard des obligations et garanties assumées par l’Association ». Le principe de la mutualisation des risques naît immédiatement, il précède une deuxième phase qui propose la rémunération sur les dépôts et « l’intérêt du capital… modéré et honnête » suivant les principes de Calvin.

Bel enseignement à retenir et plus que les principes de Bâle III, il assure une véritable sécurité. La solidarité entraîne automatiquement l’égalité de décision : « un homme : une voix », le principe démocratique est consubstantiel à la naissance des établissements mutualistes.

Or c’est justement cette démocratie qui génère seule la responsabilité que les tenants de la mondialisation financière ont bafoué et bafouent depuis plus de 30 ans, ne serait-ce que par l’organisation de l’Europe telle qu’elle est. Le « néoconstitutionalisme5 », idéologie internationale dont Jürgen Habermas est l’une des figures de proue, s’incarne dans la Commission ou la Cour de Justice européennes notamment. Ces organes, mais pas eux seulement, soumettent la volonté des peuples,
exprimée par les lois à des principes qui lui seraient supérieurs, les règles constitutionnelles. Dans la lignée de Benjamin Constant ou de Guizot, cette conception s’inscrit bien dans le principe de la constitution libérale bourgeoise qui est d’ignorer le souverain, même devenu peuple, au nom de la liberté de chaque individu. Le Conseil constitutionnel français, depuis la réforme de sa saisine, imposée par Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait faire de la France une « société libérale avancée » et fut le principal auteur de la « constitution européenne », obéit à cette logique et consacre que la loi (donc votée par les représentants du peuple) « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution6 ». Le traité de Lisbonne n’est qu’une illustration de la mise en pratique grossière de cette conception qui nie au fond, la souveraineté populaire.

Pourquoi les « Libéraux » de tous côtés de l’échiquier politique, ont-ils si peur du peuple ? Parce qu’ils y ont intérêt semble répondre notre collègue, Aquilino Morelle, dans un remarquable papier. Il y confirme bien aussi l’« oubli » qu’ils font de la démocratie : « Financière, la mondialisation, au gré des accords successifs de libre-échange imposés aux peuples à leur insu par cette élite agissante de la gauche libérale, est devenue aussi la mise en concurrence des économies, des salaires, des fiscalités, des protections sociales, des peuples, des hommes, de leurs vies.7»

Dans le Financial Times du 9 juillet 2012, on lit avec plaisir que le commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, devrait proposer des modifications à la directive et au règlement sur les abus de marché dans les semaines à venir.

Au même moment, on entend Andreas Dombret, un membre du directoire de la Bundesbank, déclarer qu’il n’a « jamais cru à l’autoréglementation pour un bien public ! »8. Verrait-on un retour à la sagesse ?

Assister ou aider à l’émergence ?

Dans la pure tradition aristotélicienne et thomiste, nous pensons que sans retour à la conception fondamentale que l’argent demeure stérile et ne peut être « frugifère ! », il n’est pas de solution à ce système. Le point de rencontre indéniable de cette « utopie nécessaire », selon le mot de Benoît XVI, réside dans cette conviction profonde que l’homme doit s’affranchir de l’avoir, pour exercer son destin, et que cela s’exprime en un seul mot : « démocratie ». Il faut innover pour « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun en s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant » est l’ambitieux programme, l’utopique programme que le Contrat social assigne .

Les 3 dossiers de ce numéro double de l’été 2012 obéissent à cette logique complexe qui, venue du refus de la croyance en une voix économique unique, offre un aperçu des expériences et des pratiques dans le monde entier.

• « L’entrepreneuriat social » a été confié à la responsabilité d’une équipe conduite depuis l’ESG de Paris
;

• La question « Financer autrement ? » a été posée par Fedj Jawadi, aux auteurs d’une journée internationale de Recherche à l’Université d’Evry-Val-d’Esssonne dont il coordonne la publication des travaux en finance ;

• Les « concepts et pratiques alternatives » enfin, s’interrogent non seulement sur la finance, comme le précédent dossier, mais allient aussi la réflexion en marketing des associations et s’achèvent sur l’influence de la religion qui traverse soit directement soit implicitement presque chacune des contributions, renvoyées à une morale en pensée ou en action.

Comme toujours, La RSG est internationale et ouverte sur les différences culturelles. Souhaitons, pour conclure, qu’à l’instar du Groupe des XX, dont Oscar Mauss fut le secrétaire et inspirateur de ces artistes d’avant-garde, les 20 articles de ce numéro démontrent que la Recherche, est ici, création permanente !

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* Franz Braumann : « Ein Mann bezwingt die Not » (un homme triomphe de la misère) : Lebensroman Friedrich Wilhelm Raiffeisens, (la vie de F.-G. Raiffeisen), 3e édition, Ed. Neuwied am Rhein : Verlag der Raiffeisendruckerei, 1961, 254 pages.
** Titre de la traduction française par Charles Lehmann de l’ouvrage de Franz. Brauman sur F.-G. Raiffeisen, reprenant l’Évangile selon Mt 25 – 35, Ed. COPRUR, Strasbourg 1966, 234 pages.

1. Texte signé le 20 novembre 1992 entre les États-Unis et la CEE, dans le cadre des accords du GATT et souvent appelé « traid not aid
».
2. Jean-Philippe Robé, « À qui appartiennent les entreprises ? », Le débat, mai-août 2009, n° 155, page 33.
3. Cité par Moulaye Abdelkader Ould Moulaye Ismail et Joël Jallais, « L’éthique du client face à l’offre bancaire islamique en France », », La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250, mai-août 2011, page 65.
4. Pierre-Joseph Proudhon, Proposition relative à un
emprunt national et à la réunion de la Banque de France au Domaine public, 22 août 1846, art. II.
5. Pierre Brunet “ Remarques critiques sur le constitutionalisme contemporain” in Droit et Economie. Interférences et interactions, Mélanges en l’honneur de Michel Bazex, Lexis-Nexis, 2009, p. 51-64.
6. Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985.
7. Aquilino Morelle, “La démondisalisation inquiète les partisans d’un libéralisme aux abois”, Le Monde.fr 07.09.2011.
8. Euractiv.com, 9 juillet 2012.

n°254

Editorial : Crise ? Vous avez dit : « Crise » ?

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiCrise et environnement institutionnel, crise et anticipations organisationnelles et crise et comportements des consommateurs, sont autant de scansion de ce mot « crise », mot qui, depuis plus de quatre ans, pour les moins perspicaces et depuis plus de trente ans, pour ceux qui scrutent avec attention les mouvements profonds, est le mot approprié à ce stade de développement du système économique contemporain.

Mais « de quelles crises parlons-nous ? » s’interroge fort à propos l’économiste Michel Roux1, en rappelant que « crise » signifie « tamis » ou « crible » en grec ancien et que c’est donc un instrument de mesure ou de sélection.

Crise des valeurs, crise de société, crise des institutions, crise de la famille, crise financière ou économique…
Tout est désormais mis en avant pour éviter de se poser la seule bonne question qui vaille, celle de l’Homme, car il y a bien longtemps pourtant que nous savons que « le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat »2.

Il en est de même des systèmes économiques. C’est au fruit que l’on reconnaît l’arbre et que « tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu »3. Il y a plus de vingt ans, les Européens de l’Est, ont jeté au feu, un système dont il est certain qu’il ne menait pas à la prospérité et bafouait la Liberté. Il semble que l’avatar qui lui a succédé mérite de subir le même sort. « Il n’y a pas deux politiques possibles » disaient et disent toujours, ces « imposteurs de l’économie » que vient de dénoncer avec verve, mais sans doute insuffisamment, Laurent Mauduit4. Cette théorie d’enfants de chœur, plutôt thuriféraires stipendiés s’inscrit notamment dans la lignée de l’inénarrable prêt à penser souvent plagiaire, d’Alain Minc et de ses semblables. Ce même « prêt à penser » totalitaire qui vouait déjà aux gémonies, ceux qui dès 1992, avaient saisi que dans le traité de Maastricht, il y avait à la fois, l’excellente idée d’une monnaie européenne, dans la lignée du rapport Barre, et en même temps, les germes mortifères du monétarisme, hérité de l’Entre-Deux-Guerres, cher à la chancelière allemande, et onéreux, l’autre acception de « cher », pour les peuples européens. Ce n’est pas Bismarck qui ressurgit, (il faut être bien inculte pour la confondre avec ce grand chancelier), mais un composé assez approchant de la sottise impériale de Guillaume II et de la dangereuse impéritie de von Papen. En résumé, ce qui amène désastre et ruine pour l’Europe de 1914, de 1933 ou…

Ces sectateurs de la pensée unique ne comprennent pas, souvent, ou ne veulent pas comprendre, parfois, que cette « rigueur », étendue à l’Europe, est un pur sophisme économique qui ne vise qu’à favoriser le rentier, le financier plutôt que l’entrepreneur et le travailleur. Pour faire accroire à leurs fadaises, ils utilisent le procédé classique de la culpabilisation et de la morale.

« Vivre au dessus de ses moyens » est leur expression.

Cette vulgarité de termes pour désigner la conduite d’une politique, tente de masquer cette œuvre de mystification qui se donne des airs de bon sens populaire, pour mieux abuser le commun. En effet, comparer gestion du ménage et conduite d’un État n’a de sens que dans cette vulgate libérale qu’ils veulent imposer. Cela aboutit à dénier ce qui de tout temps doit être, l’assujettissement des intérêts privés à l’intérêt général qui, en démocratie, est incarné par l’État. Faire du citoyen, avant tout un consommateur, permet de nier le rôle du souverain exprimé par le suffrage. La représentation élue se trouve ainsi mesurée à l’aune du panel représentatif du sondeur ou du « mercateur » pour être ainsi délégitimée. Les quotas sont pour la démocratie, la négation même de son essence populaire. Les meilleures intentions peuvent être invoquées – et la parité en est une-, elles ne trompent que ceux qui sont prêts à tous les compromis, à toutes les compromissions pour obtenir l’agrément des puissants qui entendent profiter sans contrôle pour liquider l’État et ses
obligations. Il est étonnant depuis ces années de voir combien est hétérogène d’apparence, la cohorte de ceux qui sous diverses étiquettes politiques, servent la soupe de moins en moins équitablement partagée. L’attitude des « puissants » de cette zone euro face à l’idée, jugée démente, d’un premier ministre grec de soumettre à référendum, un plan européen, en dit long sur le
divorce entre ce système et les peuples. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que le meilleur élève est la Chine dont on reconnaîtra bien volontiers qu’elle a, avec la démocratie, une
relation lointaine !

Ni le chômage en Espagne, ni la dépression en Grèce pour ne citer que ces malheureux pays soumis au plan « Laval » de l’Europe, ne parviennent à remettre en cause les certitudes de ceux qui croient encore que quelques cataplasmes et une bonne cure de rétrécissement de l’État et des aides sociales amèneront, sinon la croissance du moins le sacro-saint équilibre qui en toute bonne théorie libérale apporte la plénitude. Comme Herbert Hoover, de qui l’Histoire n’a pratiquement retenu que son insondable « laissez-faire » qui s’exprime par un optimisme idéologique en 1932, « La prospérité est au coin de la rue ! », les échecs des politiques classiques dans les années 1930, lors de la grande crise précédente, ne les ont que partiellement instruits. L’État certes, est intervenu, mais c’était pour sauver le système bancaire. C’est une règle que George Bush (père) a appliqué en 1990 à la suite de la faillite des caisses d’épargne américaines qui témoignaient déjà, de la faiblesse du système financier laissé à ses propres règles. C’était il y 22 ans ! Le journaliste Jacques Decornoy tirait, en juillet 1990 dans Le Monde diplomatique, ce constat qui n’a pas vieilli : « Tout, estimait-on pourtant, avait été dit sur la funeste décennie passée : la fuite en avant dans les dépenses d’armement, les fantastiques endettements intérieur et extérieur, la cupidité forcenée des prédateurs conduisant à la corruption généralisée de Wall Street et à la chute symbolique de la firme Drexel Burnham, l’incapacité du pouvoir à réduire le déficit budgétaire »5 . Lehman Brothers, en septembre 2008 et cette cupidité des subprimes, les 2 milliards de dollars, voire plus, de perte de J.-P. Morgan, cette année, « l’une des banques les mieux dirigées qui soient » si l’on en croit le Président Obama qui poursuit en qualifiant : « James Dimon, son dirigeant » d’être « l’un des banquiers les plus intelligents que nous ayons »6, ont pris la relève. Faut-il rattacher à cette « corruption généralisée », la démission du directeur-général de
Yahoo7 à la suite de la découverte de « fraudes » dans son curriculum vitae ! Péché véniel si l’on en croit Naomi Oreskes et Erik M. Conway dont l’ouvrage vient d’être traduit en français8 par ce physicien émérite qu’est le Professeur Jacques Treiner. Les deux chercheurs américains y décrivent l’action des « lobbyistes » industriels qui, à coup de milliards de dollars, favorisent une stratégie destinée à éviter
toute réglementation de santé publique ou environnementale qui nuirait à leurs intérêts en semant le doute sur les études scientifiques. Car le relativisme que Platon reprochait à Protagoras, le premier « sophiste » et le premier à avoir vendu son enseignement, triomphe avec le système communautariste ou individualiste qui découle de cette présentation toujours clivante d’une société et de sa population. Cette « dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs »9. Tout est égal à tout, car l’État en système libéral est avili, « Si l’impôt, payé sous la contrainte, est impossible à distinguer du vol, il s’ensuit que l’État, qui subsiste par l’impôt, est une vaste organisation criminelle, bien plus considérable et efficace que n’importe quelle mafia « privée » ne le fut jamais. », est le credo libéral exprimé par l’économiste américain de l’École de Vienne, Murray Rothbard. Il faut dire que les hommes qui incarnent ces états, les gouvernants sont devenus souvent davantage des oligarques ou des ploutocrates tenant de lobbies, eux aussi que des hommes d’État. Le gouvernement américain sous George W. Bush (fils) et son Vice-président Dick Chenney, en est une illustration.

C’est portant loin d’en être le seul exemple, même dans de vieilles démocraties, tant sont imbriqués façonneurs d’opinions que sont journalistes, propriétaires de médias et intérêts économiques et financiers. Le conflit d’intérêts qui s’illustre notamment dans l’affaire Woerth-Bettencourt en France, semble une préoccupation éthique10, mais concerne de nombreuses affaires dont celle du Médiator, en cours d’instruction et ne trouve pas de solution légale, tant sont fortes les résistances de ces mondes étroitement imbriqués !

A qui faire confiance en effet, quand les experts médicaux émargent aux fonds des laboratoires qui produisent les substances évaluées et mises sur le marché par ces mêmes sommités scientifiques ou lorsque quelques députés ou anciens ministres font des allers-retours dans des cabinets d’avocats plus proches de cellules d’influence politico-économique que de défense de la veuve et de l’orphelin ?

Tout cela est le fruit d’un système, d’une idéologie qui l’habite et dont la moindre habileté a été même de tenter de se présenter comme indépassable, « par la fin de l’histoire » ! Or, comme Max Weber, il nous semble que les connaissances d’aujourd’hui sont toujours destinées à être dépassées, surtout en sciences humaines, puisque la société se transforme constamment. Il n’y a donc aucun modèle économique qui ne doive être discuté pour être amélioré voire remplacé. Se plonger dans la pensée de Sismondi, aujourd’hui à tort bien oublié ou étudier Karl Polanyi sont autant d’apports à une réflexion contemporaine qui ne peut opposer en permanence Keynes, résumé souvent au déficit des politiques publiques et les « Chicago Boys » dont l’action auprès d’Augusto Pinochet est bien symbolique de ce « néo-libéralisme » des conservateurs américains qui s’étend encore sur le monde, malgré les crises qu’il a engendrées.

« Au XIXet au XXsiècles, on se tuait au boulot ou on mourait de sa dureté, au XXIe siècle naissant, c’est une nouvelle organisation scientifique du travail qui tue » écrit en introduction à un fort revigorant numéro11, François Chobeaux qui s’interroge pour savoir « si l’homme pensant est encore de saison ? ».

Crise ? Vous avez dit : « Crise » ? Une question, un constat, mais aussi à la manière d’« hommes pensants », des pistes et des solutions que gestionnaires au sens le plus large du terme, « ceux qui s’occupent des autres et de leurs entreprises », apportent par les treize articles, ordonnés en trois dossiers thématiques de ce numéro de printemps qui ouvre une nouvelle perspective de réflexion et d’action car « il est temps de remettre la production avant la spéculation, l’investissement d’avenir avant la satisfaction du présent, l’emploi durable avant le profit immédiat »12.


1. Michel Roux : « Sortie de crise ou crise de sortie ? Impacts de ce contexte sur les modèles d’affaires de la sphère financière », VSE n° 189, décembre 2011, pp. 62-74.
2. Marc 2,27.
3. Matthieu 7,19.
4. Laurent Mauduit : « Les imposteurs de l’économie », Jean-Claude Gawsewitch, 294 pp. Paris, mars 2012.
5. Jacques Decornoy, « L’exemplaire faillite des caisses d’épargne américaines », Le Monde diplomatique, juillet 1990.
6. « Pour Obama, l’affaire JP Morgan illustre la nécessité de réformer Wall Street », Le Monde.fr, 15 mai 2012,
7. http://larsg.over-blog.com/article-suite-a-la-demission-du-directeur-general-de-yahoo-scott-thompson-105184095.html
8.
Naomi Oreskes et Erik M. Conway : « Les Marchands de doute Ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique », éditions Le Pommier, 524 pages, Paris, mars 2012.
9. Homélie du cardinal Josef Radzinger, Missa pro eligendo Romano Pontifice, Rome, 18 avril 2005.
10. Martin Hirsch, Pour en finir avec les conflits d’intérêts, Stock, 162 pages, Paris septembre 2010.
11. V.S.T. revue du champ social et de la santé mentale : « L’homme pensant est-il encore de saison ? », n°, 104, 4e trimestre 2009.
12. François Hollande, Discours d’investiture, Palais de l’Élysée, 15 mai 2012.

n°253

Editorial : « Gérer autrement, une autre exigence d’efficacité et de responsabilité ! »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiNous l’annoncions dans le dernier numéro de 2011, il n’y a plus d’ambiguïté, sauf pour ceux que la confusion, la connivence et le copinage arrangent. Dans les revues de recherche en gestion, désormais seule la nôtre est à juste titre la seule revue des sciences de gestion.

C’est une décision définitive de la Cour d’Appel de Lyon, saisie, non par nous, mais, par chacun des appelants, c’est-à-dire ceux qui nous contestaient notre titre et notre revue, à savoir « M. Henri SAVALL ès qualité de directeur de publication de la revue intitulée « Revue Sciences de Gestion », la Société civile Ingénierie du management socio-économique dite INDUMASE, chez Madame ZARDET et l’Association pour la promotion de l’analyse socio-économique des entreprises et des organisations (APASEOR). »

La Cour d’Appel a effet considéré que : « Ce préjudice a été généré par l’usage et l’utilisation, par chacun des appelants qui voulait en bénéficier, faits sciemment de manière fautive, déloyale et de concert, en publiant sous ce vocable des revues et autres documents en toute connaissance de cause de l’antériorité, dans un même secteur d’activité et de recherche, pouvant ainsi créer sciemment un risque de confusion chez les lecteurs, mêmes avertis »…

Et puisqu’il y avait eu appel, c’est qu’une décision de justice avait déjà été rendue :

En effet, « La Cour confirme le jugement du 26 novembre 2009 en toutes ses dispositions sauf celles qui font référence à l’article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle qui doit être retranché ; à savoir : …
– « Dit que la S.a.r.l DIRECTION ET GESTION bénéficie d’une antériorité d’usage sur le titre La Revue des Sciences de Gestion…
– Prononce la nullité de la marque semi-figurative Revue Sciences de Gestion déposée par la société INDUMASE le 30 août 2004 auprès de l’I.N.P.I. sous le numéro 3310289 ;
– Dit la présente décision sera transcrite auprès de l’I.N.P.I à l’initiative de la partie la plus diligente ;
– Fait interdiction à la Société INDUMASE et à l’Association A.P.A.S.E.O.R, sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée… de faire usage de la marque Revue SCIENCES de GESTION
;
– Condamne in solidum la Société INDUMASE, l’Association A.P.A.S.E.O.R et Monsieur SAVALL à payer à la S.a.r.1 DIRECTION ET GESTION la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à ses droits sur le titre LA REVUE DES SCIENCES DE GESTION ;
– Condamne in solidum la Société INDUMASE, l’association A.P.A.S.E.O.R à payer, à la S.a.r.1 DIRECTION ET GESTION la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure
civile ;
– Condamne in solidum. la Société INDUMASE, l’Association A.P.A.S.E.O.R et Monsieur SAVALL aux entiers dépens ; … »1

pour nous, c’était affaire de droit et de principes, pas affaire de marchands. Nous sommes heureux que la Justice par deux fois, et de manière définitive, ait mis fin à une situation qui n’était en rien favorable à la reconnaissance de la recherche en management française et qui lui a causé un tort considérable.

Espérons que tous appliqueront désormais ce qui est un jugement en droit !

Notre revue dont un numéro sur deux est lu hors de l’Hexagone et dont un auteur sur deux n’est pas de nationalité française, mais bien
francophone, est fière d’avoir pu faire condamner le plagiat et obtenir de la Justice que la qualité que les organismes étrangers lui reconnaissent, soit enfin établie en France ! Notre philosophie n’est toutefois pas celle du Vae victis ! (Malheur aux vaincus !).

Nous pensons depuis toujours, que la Recherche s’enrichit d’avantage de complémentarité que de concurrence débridée ou de compétition exclusive de l’autre. Depuis l’origine, nos collaborations multiples avec d’autres revues et notre ouverture aux disciplines connexes, en sont la preuve éloquente.

« Bien faire et laisser braire » est le pendant populaire à la phrase scripturaire bien adaptée « Laissez les morts enterrer les morts »2 ce qui nous permet en douze articles, sinon « d’annoncer le Royaume de Dieu », plus modestement, de proposer une réflexion managériale innovante !

C’est ce à quoi ce premier numéro de 2012 entend répondre !

Nous avons maintes fois attesté que la recherche et sa publication doivent prendre une dimension collective, puisque notre revue n’a pas un « Rédacteur en chef » au sens commun du terme, mais un collectif qui décide : « le Conseil Restreint de Rédaction ». Il charge chacun d’entre ses membres ou parmi des « Rédacteurs en chef invités », de diriger un numéro, un dossier ou un cahier spécialisé qu’il introduit.

Nous avons déjà, depuis plusieurs années, lancé cette innovation de rédaction collective, elle s’incarne plus complètement encore dans ce numéro où :

– Sylvie Chevrier, membre de notre « Conseil Restreint de Rédaction », a pris la responsabilité de présenter le dossier : « Gérer autrement » (page 13) qui reprend après de nombreux « allers et retours » avec les auteurs, les six meilleurs papiers d’un colloque aux très nombreuses contributions, organisé le 24 juin 2011, à l’Université d’Evry et que nous avions parrainé. L’une des idées fortes de notre publication et la philosophie de notre revue est bien cette « ardente obligation », pour reprendre non sans un clin d’œil, les termes de Jacques Rueff, de chercher toutes les voies novatrices en matière de management, tant l’échec du système actuel est patent, malgré ses thuriféraires dévots
ou intéressés, mais aussi, ne nous le cachons pas, béotiens ! (La Grèce pour son infortune, est à la mode !)
– C’est donc aussi tout naturellement ouverts, le plus largement possible à cette jeune recherche qui tâtonne parfois, mais se veut inventive et pragmatique, ce qui devrait être un leitmotiv en
gestion (l’allemand est à la mode aussi !), que nous avons confié à Serge Guérin3 et Yoann Bazin de l’« ESG Management school », en partenariat avec l’Université de Bretagne-Sud, de diriger
et de présenter (page 67), un cahier consacré à la Responsabilité sociale (sociétale ?) des entreprises(RSE) que nous concevons dans une acception beaucoup plus large que le « développement vert ». Dans les six contributions présentées, praticiens et académiques apportent leurs analyses, leurs conclusions voire leurs interrogations grâce à une ouverture aux mondes les plus variés voire les plus lointains.

Notre tâche d’éditeur de La Revue des Sciences de Gestion est de continuer à faire normalement notre métier de facilitateur de Recherche innovante et de simple faire-valoir à nos auteurs, venus de tous les horizons et ouverts à l’expérimentation multiculturelle, hors des chapelles et de la recherche stipendiée, plagiaire, serve ou mercantile comme cela est reconnu, notamment outre-Atlantique4 !

Gérer autrement est bien une autre exigence d’efficacité et de responsabilité » !

C’est celle que La Revue des Sciences de Gestion, seule à avoir droit à ce titre, entend développer…


1. L’intégralité de la décision de la Cour d’Appel de Lyon figure dans le numéro 252 (novembre-décembre 2011), mais plusieurs lecteurs nous pressaient de publier les termes mêmes des décisions du TGI de Lyon du 26 novembre 2009, approuvées par l’Arrêt ainsi rendu, et devenues définitives. Nous nous acquittons bien volontiers de cette mission complète d’information.
2. Luc 9, 60 : 60. « Dixitque ei Iesus sine ut mortui sepeliant mortuos suos tu autem vade adnuntia regnum Dei »
3. Serge Guérin, Professeur à l’ESG MS, président d’Imagine 2012 et Virginie Votier, Trésorière de Générations Engagées, ont animé un débat : « Nucléaire : et maintenant ? Economie et/ou écologie : quels choix possibles ? », dans la perspective de l’élection présidentielle française, le 21 février dernier, avec la participation de Corinne Lepage, ancien Ministre de l’Ecologie, Jean-Luc Bennahmias, Eurodéputé, vice-président du Mouvement Démocrate (MoDem), Marie-Hélène Aubert, chargée du pôle Energie-Environnement-Développement durable de la campagne de François Hollande, candidat du Parti socialiste, Denis Baupin, Adjoint au Maire de Paris en charge du développement durable, de l’environnement et du plan climat, Jean-Paul Deléage, Docteur en histoire de l’écologie et fondateur de la revue « Ecologie et Politique » et Ben Cramer, Membre du conseil d’administration du Bureau international de la paix, vice-président de l’Association des journalistes de l’environnement – AJE. http://www.generationsengagees.fr/?p=4718
4. http://www.erudit.org/revue/remest/2010/v5/n1/039357ar.pdf

n°252

Editorial : « Une revue, une Entreprise et le Marketing »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiCela pourrait être le titre d’une fable !
Ce dernier numéro de 2011 est tout entier dédié à différentes approches du « Marketing », cette discipline de la gestion, que nous devrions appeler « mercatique » depuis 1987. Toutefois, parler de mercatique, ne nous semble pas n’être que l’utilisation d’un terme francophone. Il sous-tend une réalité idéologique.

Nous pensons que la francisation du mot ne serait pas neutre, mais bien une allégeance à un système d’organisation économique, qui par son imprégnation libérale, reste si proche du système économique dominant anglo-saxon. Cette « idéologie marketing » que décrit fort bien Gilles Marion, aux « pratiques et (…) schématisations, pour
l’essentiel inspirées d’outre-Atlantique », mais dont « la diffusion (…) en France est décalée par rapport au modèle américain du capitalisme » 1, plus connu sous l’appellation de « marketing management », au service du profit seul. En effet, comme P.-F. Drucker, nous estimons que le gain financier, « ce mal nécessaire », ne devait pas primer sur la création de valeur2.

Tel est le « credo » de notre revue de recherche en gestion qui, rare parmi ses consoeurs, est une véritable entreprise, fonctionnant, non de subventions, d’adossements divers et variés, mais bien de son lectorat, de ses abonnements, puisque la publicité n’est pas tournée vers la presse spécialisée dans le domaine de la Recherche.

Une entreprise… de Presse

Mes prédécesseurs, aujourd’hui décédés, et que je salue pour leur intuition, pensaient que l’on ne parle bien de gestion et de management que lorsque l’on n’en est pas éloigné. Ils ont donc fait, après un adossement initial, sur un organisme de formation, l’Institut français de gestion (IFG), de « direction et gestion », éditeur
de La Revue des Sciences de Gestion, une « SARL de presse », soumise comme toute entreprise aux règles qui sont celles de l’économie et du marche.
Quand nous rejetons, la « gestion » hors-sol, de certains, ou l’inféodation d’autres à des influences prégnantes de structures, idéologiquement ou financièrement marquées, nous savons le prix de
l’indépendance et de l’ostracisme qui vise celui qui entend ne pas passer sous les fourches caudines de la recherche serve et sclérosée, des amateurs de copinage ou des sectateurs du conformisme…

Tout comme pour parler de gestion, nous pensons qu’être une entreprise réelle avec les obligations qui sont siennes, est un plus. De même, nous pensons que pour être une revue, c’est-à-dire, appartenir à la « presse », il faut en respecter les critères et les obligations et se soumettre au contrôle régulier des organes prévus par la loi,
et adhérer aux organismes représentatifs de la presse française, dans la spécialité professionnelle qui est nôtre. C’est ce que fait notre revue depuis sa création. Une étude réalisée, en décembre 2011, par l’IFOP pour la FNPS, vient nous confirmer dans le bon choix que nous avons fait de sérieux et de crédibilite3.

C’est ce sérieux, cette indépendance, cette reconnaissance internationale, puisque l’American Economic Association (ECONLIT), notamment nous a fait le plaisir de nous agréger à ses publications reconnues, alors que nous prônons, à juste titre, et la francophonie, et l’internationalisation de la connaissance et de la diffusion qui nous font obligation de publier, « in extenso », et en fac-similé, la décision ou « Arrêt de la Cour d’Appel » de Lyon du 26 mai 20114, devenue « définitive », au sens juridique du terme, par le certificat de « non pourvoi » de la Cour de Cassation en date du 25 août 2011.

La seule Revue des Sciences de Gestion

Depuis 2005, en effet, une revue lyonnaise nous contestait, le droit d’être La Revue des Sciences de Gestion, direction et gestion des entreprises, et nous demandait une forte indemnité. Nous n’avons eu alors qu’une solution possible, celle de défendre notre bonne foi. Par deux fois, la Justice nous a donne raison.

L’indépendance que nous revendiquons, était aussi au prix de ce combat qui pouvait heurter certains caciques peu habitues à ce que l’honneur, le bon droit ou la simple justesse des faits soient défendus.

Nous ne concevons pas la publication, par une rigoureuse sélection, de la recherche, comme autre chose qu’une complémentarité de travail. Mais si certains entendent disputer, notre titre, nous ne sommes pas prêts à nous laisser égorger, sans rien dire, comme des moutons. Le renoncement ou les combines ne sont jamais, à nos yeux, autre chose qu’une « collaboration », avec la connotation que ce mot a pris, depuis 1940, à cette paix corporatiste. Cela ne veut évidemment pas dire non plus que nous vouons aux gémonies ceux qui ont
répondu, de bonne foi, à certaines sirènes.

Pour nous, la chose est jugée, et sauf demandes particulières, nous entendons ne pas y revenir, afin de préserver la juste sérénité qui sied a la Recherche.

Une Rédaction collégiale

Nos lecteurs depuis le dernier numéro, ont compris que la Rédaction, dont nous préparions, in pectore, depuis plusieurs années, la mue, est
désormais publiquement collégiale.

Un Conseil Restreint de Rédaction dont la coordinatrice est Aude d’Andria qui a déjà été la Rédactrice en chef de plusieurs cahiers ou numéros, est désormais public. Il vient appuyer la démarche sans cesse innovante que nous voulons pour cette revue. Si le directeur de la publication demeure, comme la loi sur la presse l’exige, nous
avons pensé, en le rodant depuis quelques années, que le Rédacteur en chef, pouvait ne pas être un individu permanent, mais un collectif de chercheurs de haut niveau. Cela bouscule un peu les habitudes et obligera les organismes attachés à des certitudes traditionnelles et conformistes, à revoir leurs analyses et leurs définitions. Et c’est tant mieux, tant nous étouffons sous la chape de plomb de cet académisme qui n’est en rien comparable avec la recherche académique que nous entendons, elle, comme par le passé, défendre et promouvoir.

Eric Séverin (Professeur des Universités, Université de Lille 1, Laboratoire LEM (UMR CNRS 8179) et Damien Bazin (Maître de Conférences HDR Université de Nice Sophia Antipolis), aux cotes d’Aude d’Andria, officiaient depuis plusieurs années, in peto. Qu’ils trouvent ici, « avec la lumière », l’expression de notre gratitude renouvelée et amicale.

Je remercie vivement, les éminents chercheurs qui ont accepté d’êtres parties prenantes de la rédaction de cette revue à nos côtes :

– Sylvie Chevrier, Professeur des Universités, Université Paris Est Marne la Vallée,
– Ulrike Mayrofer, Professeur des Universités, Université Jean Moulin, Lyon 3, Directrice de la Recherche de l’IAE de Lyon Centre Magellan,
– Katia Richomme-Huet, Maître de Conférences HDR, Professeur Associe à EUROMED Management, Chercheur au Laboratoire CELL – GRIDS,
– Patrice Laroche, Professeur des Universités a l’ISAM-IAE Nancy, Directeur du CEREFIGE,
– Frédéric Le Roy, Professeur des Universités, Université Montpellier I-ISEM (Institut des Sciences de l’Entreprise et du Management) et Groupe Sup de Co Montpellier, directeur de MRM-ERFI
(Equipe de recherche sur la firme et l’industrie)
– Jean-Philippe Lhernould, Professeur de droit privé à l’Université de Poitiers, expert auprès de la Commission européenne
– Karim Messeghem, Professeur des Universités, Université Montpellier 1 – MRM, (Montpellier recherche management), Directeur du Labex Entreprendre.

Dès les prochains numéros, nous systématiserons la visibilité de cette pratique collective et individuelle que nous entendons promouvoir.

Un numéro consacré au marketing

Et, puisque ce numéro est le fruit de la réflexion et de la pratique du Professeur Alexandre Baetche qui dirige depuis des années notre « Comité des Sages », le Comité Scientifique de Lecture, que nous ne remercierons jamais assez pour son implication permanente, est essentiellement un numéro de « marketing », empruntons, encore une fois à Gilles Marion, non sans un clin d’oeil paradoxal, notre conclusion : « La doctrine traditionnelle du marketing management reconnaît l’orientation client comme le noyau dur du marketing
puisqu’elle conduit à un double résultat positif : la satisfaction du client et la performance de l’entreprise ». Notre revue qui est une entreprise, a bien cette ambition de satisfaire ses
clients que sont ses lecteurs !


1. Gilles Marion, « Ideologie et dynamique marketing : Quelles responsabilités ?, Décisions Marketing, n° 31 juillet-septembre 2003, page 50.
2. P.-F. Drucker “The Post-Capitalist Society”, Harper & Collins, 1993, « Au-delà du capitalisme, La métamorphose de cette fin de siècle », Collection : Stratégies et Management, Dunod 1993 –
240 pages.
3. Voir page 79.
4. Voir page 123.

n°251

Editorial : « Une des erreurs que peut commettre un chef d’entreprise, c’est de se croire le seigneur de l’affaire qu’il dirige.* »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiIntroduire un numéro consacré aux « pouvoirs », ne pouvait être placé sous une meilleure référence que celle de cet « enfant terrible du patronat français », cet helléniste polytechnicien, ce philosophe, éditeur de revue doublé d’un musicien émérite que fut Auguste Detoeuf, auteur toujours actuel de la « fin du libéralisme », celui qu’il caractérisait de « manchestérien », pour bien en définir sa dérive. Devenu « monétariste », depuis 30 ans, ce système est bien aussi en train de mourir devant nous des mêmes dérives, dénoncées déjà en 1936.

Un succédané du Plan Laval de 1935 s’étend sur l’Europe et sans encore sa suite tragique, préfiguration de la capitulation et de la «
collaboration ». Rien ne semble nous être épargné par « des gouvernants de rencontre » qui « cédant à la panique, oubliant l’honneur…1 » sont prêts à tout abandonner pour mendier les bonnes appréciations des « pitres » stipendiés des agences de notation et de leurs thuriféraires financiers.

Celles-là même, dont l’impéritie vaniteuse et tant de fois prouvée, ne cessent de les hanter alors qu’ils devraient en être les maîtres.
Thermomètres, au nom de quoi, de quelle légitimité ? Au nom de quelles compétences miraculeuses ? Les agences de notation ne mesurent que la faiblesse de ceux qui sont élus et pas les peuples et
leurs économies. Elles estiment à leur valeur, cette renonciation de ceux qui sont investis de la souveraineté qui découle de la démocratie. Mais quand les maîtres ont une âme de valet !

Si les philosophes des Lumières en appelaient au « despotisme éclairé », c’est aux « économistes vaudous2 » que se vouent ces ochlocrates qui préfèrent l’incantation moralisatrice à la volonté populaire. Tout cela pourrait n’être qu’une mauvaise pièce de Ionesco dans un univers kafkaïen, si tant d’organisations, tant de structures, tant d’entreprises et de ce fait tant d’hommes ne dépendaient pas de ces gens-là.

Dans une étude récente d’un magazine sérieux, et qui ne passe pas pour prôner l’altermondialisme ou des idées révolutionnaires, deux
journalistes dressent ainsi le bilan de du passage de l’URSS à la Russie de Boris Eltsine qualifié de « paravent, notamment, du Fonds monétaire international (FMI) », celui de Michel Camdessus, «
servant à couvrir la mise en oeuvre, en Russie, d’une « thérapie de choc » ultralibérale » pour « convertir brutalement le pays à l’économie de marché, censée apporter la prospérité ». Et les deux auteurs de conclure qu’à la sortie « au lieu de la prospérité promise, la Russie va être ruinée, affamée, pillée, humiliée, le tout assorti d’une explosion sans précédent de la corruption – même si celle-ci était déjà développée du temps de l’URSS – et du crime organisé.3 » On ne peut alors que comprendre que la restauration de l’État est l’oeuvre des successeurs de B. Eltsine et qu’elle a, quoi qu’en pensent nos «
intellectuels salonnards », le soutien du peuple russe qui, pas plus que les autres, n’aime être humilié et dépossédé de son honneur.

Lorsque l’on considère également que le nombre des personnes qui fréquentent ce Mont de Piété qu’est le Crédit Municipal de Paris, a augmenté de 30 % depuis deux à trois ans et que le public concerné désormais est celui de la classe moyenne, voire moyenne supérieure, on ne peut se dire que le retour au XIXe siècle et à ses affres, n’est pas vraiment le signe de la réussite de ce système !

Pas plus que l’action de ceux qui ne savent « que compter des dollars et négliger totalement des hommes » pour reprendre la célèbre formule de William E. Deming ne nous intéresse évidemment pas ici. Pas plus notre propos ne se veut un débat de sciences politiques.

A notre modeste mesure, ce numéro consacré aux « pouvoirs et aux organisations » entend ne considérer que la réflexion vivante et fondée sur la pratique du management selon la même conviction méthodologique que celle de Peter F. Drucker4.

Il est apparu toutefois que ce thème si riche et que cet important numéro que dix-neuf articles d’horizons divers n’épuisent pas, ne pouvait s’ouvrir sans un double clin d’oeil sur la coupe du monde de rugby (celle de 2007) moins glorieuse pour la France que celle de 2011 qui vient de s’achever, qui replace bien toute cette problématique du pouvoir. Quelle est la légitimité de ces « institutions internationales, souveraines absolues dans le sport mondial »5, autre que celle de représenter unebanale oligarchie devant laquelle les « chefs » plus ou moins démocratiquement élus des peuples souverains viennent déposer des oboles et attendre des décisions comme l’on attendait les oracles de la Pythie à Delphes ? C’est à peu de chose près, ce que les gouvernements, États-Unis exceptés, attendent des agences de notation, prêts à tout moment à sacrifier Iphigénie, c’est-à-dire la chair de leur chair, pour que les dieux leur soient favorables. Ceux-là mêmes, qui, par idéologie, faiblesse ou conviction, dans un grand élan panurgique, se sont privés du pouvoir d’emprunter à leur banque centrale pour se livrer pieds et poings liés à des marchés réputés infaillibles.

À propos d’infaillibilité, même si cette question n’entre pas dans le champ doctrinal de son application, il n’est pas vain de rappeler ici, que le pape lui-même ose enfin, remettre en mémoire après ses prédécesseurs, que le libéralisme tel qu’il est vécu, n’a de commun avec la liberté que la racine.

« Mais qu’est-ce qui a donc poussé le monde dans une direction aussi problématique, y compris pour la paix ? », interroge pour Benoît XVI, le Conseil pontifical Justice et Paix, avant de répondre sans ambages : « Avant tout, un libéralisme économique sans règles ni contrôles. » et de souligner pour les hommes de pouvoir que « dans un tel processus, il est nécessaire de retrouver le primat du spirituel et de l’éthique et, en même temps, de la politique – responsable du bien commun – sur l’économie et la finance. »6

Ces questions ne laissent pas indifférents nos auteurs du premier dossier consacré justement aux « réflexions sur le pouvoir » sur ceux qui l’exercent, sur leurs mobiles (Denis Cristol), et leurs manières de rendre concrètes leurs actions (Michèle de St-Pierre et Jacques Bernard Gauthier pour le secteur de la santé et Jean-Michel Sahut pour les actionnaires institutionnels). Cela amène évidemment à s’interroger sur les fondements des enjeux de l’organisation comme le fait Benoît Pigé ou sur l’importance des valeurs du « remodelage d’une gouvernance par le haut », que n’aurait pas renié l’esprit jésuite, et que Serge Alain Godong décrit pour les « valeurs » américaines dans l’entreprise africaine.

Ce dossier ne serait pas complet sans une remise en cause de ce « coût de l’excellence » pour reprendre le très bel ouvrage de Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac7, qu’est notamment le « stress professionnel » admirablement étudié par Dominique Steiler et Elisabetth Rosnet. Il est peu vraisemblable en ce dernier domaine que la « Charte de la bienveillance au travail », signée par plus de 200
entreprises françaises à l’occasion du « World Kindness Day 8» (journée internationale de la gentillesse) qui pour les entreprises signataires tombe opportunément un dimanche (le 13 novembre) ait un grand effet sur ce sujet douloureux. Il sera plus facile, aux
signataires au rang desquels on trouve France-Telecom-Orange, excusez du peu, ou Pôle Emploi en grève pour surcroît de travail, de répondre à l’appel à plus de bienveillance au travail pour
refuser notamment « les pratiques managériales néfastes ». Par-delà la triste ironie immédiate qui surgit à l’énoncé de quelques signataires, on peut aussi rêver à une prise de conscience, enfin,
des méfaits de la performance devenue norme individuelle, isolatrice et dévastatrice de cohésion sociale, alors que la véritable compétitivité « …c’est la coopération vers le but de l’organisation » comme le définit W. Edwards Deming9 et qu’ « on ne peut
pas se permettre l’effet destructeur de la compétition ». Comprenne qui pourra !

Cette incursion dans la gestion des ressources humaines amène tout naturellement à poser la question de la « formation et de la culture du
pouvoir en entreprise ». Le professionnalisme est la clé du succès. Mais comment peut-on appréhender un métier qui par nature ne s’apprend pas, en en tout cas et pas par les MBA, comme le dénonce
avec justesse Henry Mintzberg. Thierry Levy-Tadjine qui effectue ses recherches entre le Liban et la Bretagne s’essaie au moins à « modéliser la relation d’accompagnement entrepreneurial ».
Souhaitons à ce chercheur comme à bien d’autres, de pouvoir continuer à faire rayonner et la recherche et la culture francophones, compte tenu des restrictions, prises à l’encontre des étudiants et diplômés francophones. On s’interroge sur les raisons qui ont poussé un tel béotien à s’en prendre au rayonnement des universités françaises qui commençaient tout juste à se reconstruire. Avec
les réminiscences du plan Laval, il est vrai que tout devient possible dans l’incommensurable abjection dont on peut se rendre coupable10. Maurice Papon, mais bien d’autres aussi, nous ont montré ce dont est capable une administration appliquant sans conscience une instruction immorale et destructrice.

Le Professeur Alain Fayolle, fort de ses trente années de recherche, présente avec deux chercheuses tunisiennes (Amina Omrane et Olfa
Zerbi-Benslimane) le fruit d’une étude sur les compétences requises pour « le processus entrepreneurial », que complètent « les figures de la professionnalisation en GRH » de Denis Monneuse et Patrick Gilbert. Enfin ce dossier s’achève par deux travaux de la riche recherche tunisienne. Une des grandes questions se posant à la jeune démocratie d’Outre-Méditerranée à savoir : « suréducation et dévalorisation de l’enseignement supérieur » peut aussi se rencontrer de ce côté-ci de la Méditerranée. Quant au problème concernant l’aménagement du territoire tunisien et sa stabilité à venir qu’est le développement des zones intérieures, redécouvertes par les gouvernants, il est aussi crucial. De sorte que « relève et renouvellement des générations » dans un artisanat qui n’est pas seulement urbain, peut aussi s’examiner dans le considérable mouvement générationnel qui se prépare en France pour les TPE et PME.

Chrys Argyris avait posé le principe du « savoir pour agir »11 et avec Donald Schön l’apprentissage en double boucle pour éviter la routine12. Telle est bien la suite logique du dossier précédent que ce dernier qui s’intitule « organisation et pouvoir ».

Les deux concepts se confrontent, se coordonnent et  l’interpénètrent.

Une première tentative de « typologie des styles de gouvernance », due à deux chercheuses de l’université d’Orléans (Céline Chatelin-Ertur et
Eline Nicolas) ouvre la multiplicité des domaines d’application. Cette typologie méritera un approfondissement, mais nous tenions à la présenter dans l’état actuel de son élaboration… La recherche est toujours en mouvement et le débat est source de son approfondissement (comme nos lecteurs pourront également le constater page 129). Une caisse primaire d’assurance-maladie, des bureaux de poste et la fine gestion de la file d’attente, le groupe Carrefour, les industries agroalimentaires ou le monde de l’Art… entrent-ils dans ce « chaos management »13, cher à Thomas Peters, devenu chantre d’une qualité fondée sur la flexibilité et la passion du changement. Nous ne saurions l’affirmer, mais le refus des habitudes sclérosantes et l’innovation managériale sont bien au rendez-vous de ces contributions.

Qu’il nous soit permis pour conclure cette introduction à ce numéro sur les pouvoirs, avec celui avec lequel nous l’avons ouverte. Auguste
Detoeuf dont ne peut nier ni qu’il fut un patron innovant, ni qu’il fut un chercheur incomparable, sans se prendre au sérieux, posait bien le problème du pouvoir, toujours actuel dans une société financiarisée : « Les économistes ont raison, disait un homme de Bourse : “le capital est du travail accumulé.

Seulement, comme on ne peut pas tout faire, ce sont les uns qui travaillent et les autres qui accumulent” ».


* Auguste Detoeuf- Extrait des Propos d’O.L. Barenton, confiseur.
1. Charles de Gaulle, affiche de l’Appel du 18 juin 1940, désignant le gouvernement Pétain.
2. Qualificatif prêté à George Bush (père) pour caractériser les inspirateurs des reaganomics.
3. David Sellos et Pierre-Alexandre Bouclay, 1991-2011 : Comment la Russie a changé, Le Spectacle du Monde, novembre 2011, page 38.
<span lang=”EN-GB”>4. The Practice of Management, NY 1954.
5. Voir ci-après l’article de Frédéric Lassalle, Le pouvoir présent sur un
événement sportif, la coupe du monde de rugby 2007 ; La revue des Sciences de Gestion, n° 251, page 15.
6. Note du Conseil pontifical Justice et paix : “Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle », Rome, Vatican, 24 octobre 2011
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20111024_nota_fr.html.
7. Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, Le coût de l’excellence. Paris, 1991, Editions du Seuil.
8. http://www.worldkindness.org.sg/ Le Mouvement Small Kindness du Japon a réuni tous les mouvements de même inspiration sur la gentillesse à Tokyo en 1997, ce qui a fait naître le Mouvement Bonté du Monde (WKM). Ce dernier a officiellement lancé à Singapour, le 18 novembre 2000 à la 3e Conférence WKM ce Kindness day. La mission de la WKM est d’inspirer les individus vers une plus grande gentillesse et de relier les nations à créer un « monde gentil ». En France, cette journée a été reprise par notre consoeur « Psychologies magazine » en 2009.
9. Du nouveau en économie (1996).
10. Circulaire du Ministre de l’Intérieur du 31 mai 2011, sur la maîtrise de l’immigration professionnelle : conséquences sur les demandes d’autorisation de travail.
11. Chris Argyris, Savoir pour agir. Surmonter les obstacles à l’apprentissage organisationnel, Paris, InterÉditions, 1995.
12. Chris Argyris et Donald Schön, Apprentissage organisationnel. Théorie, méthode, pratique, Bruxelles, De Boeck, 2002.
13. « Le Chaos management. Manuel pour une nouvelle prospérité de l’entreprise », Tom Peters, InterEditions, Paris 1998, 610 pages.

n°249-250

Editorial : « Raiffeisen, réveille-toi, ils sont devenus fous ! »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiCurieuse idée, et si peu universitaire, que cette apostrophe m’a-t-on dit ! Pourquoi donc, pour parler de finance ou d’« autre finance », et reprendre, pour le parodier en interpellant, le Père du Mutualisme bancaire1, cet appel des Praguois du 21 août 1968, après les Hongrois du 4 novembre 1956 et avant les Polonais du 13 décembre 1981, lorsque désespérés, ils pensaient lutter contre l’implacable dictature soviétique, en en appelant aux mannes de Lénine, pour les délivrer du cauchemar du « socialisme réel », qui se matérialisait dans des chars.

« Raiffeisen, réveille-toi, ils sont devenus fous ! » est bien le sous-titre d’un colloque dont Aude d’Andria a accepté le difficile challenge d’être la rédactrice en chef du cahier spécial. Un fort dossier de quatorze articles reprend quelques-unes des riches contributions d’un colloque international que notre revue avait patronné et que nous avions dirigé, le 8 octobre 2010 à l’université d’Evry-Val-d’Essonne.

En effet, le pari d’une revue comme la nôtre est, et demeure, de faire la place la plus grande aux innovations, aux réflexions qui bousculent voire aux « utopies » qui depuis Thomas More sont le signe de la richesse de l’invention et des désirs humains, et aux présentations moins académiques, parfois même moins abouties, mais qui sont les prémisses d’une pensée novatrice qui s’élabore, avec les risques et imperfections inhérents à cet exercice2. Nous l’assumons pour rester fidèles à notre vocation de soutenir une réflexion originale, souvent hors des chemins battus et rebattus du « prêt-à-penser », et toujours fondée sur les faits et les cas concrets, car la gestion et le management, tout comme la mère des disciplines, l’histoire, ne sont jamais « hors-sol » lorsqu’ils se veulent recherche et application et non pâles copies ou traductions plus ou moins fidèles.

La finance qui constitue le lien commun entre tous les articles de ce numéro du printemps 2011, est multiple. Elle constitue le sujet brûlant qui de G8 en G20, de FMI malencontreusement décapité en « Bâle III » inadapté, agite, meut ou émeut les dirigeants de la planète en quête de règles prudentielles et de certitudes dans un monde où les peuples semblent moins bien disposés à accepter que les normes demeurent comme elles étaient avant la Crise. Si le printemps arabe3, né en hiver comme la révolution de 1848 d’ailleurs, dont elle emprunte le qualificatif, séduit, après les avoir désarçonnés, les « Grands » de ce monde, on ne sait trop que penser de ce surgissement du mécontentement sans doute profond, qui commence çà et là à poindre dans la « Vieille Europe » au cri de ralliement d’un nonagénaire facétieux, et qui en agace tant, « indignez-vous ! ». On n’a sans doute pas fini de mesurer l’étrange puissance de réveil des consciences que le système pensait bien endormies par un « consommez plus ! », (et sans doute : « réfléchissez moins ! »), moderne réplique du « Enrichissez-vous ! » de Guizot !

La crise dont la déflagrante première partie s’est déroulée sous nos yeux, mais n’est certainement pas finie puisqu’aucun remède durable n’a été appliqué, a démontré aussi que cette « autre finance » qui constitue notre 2e dossier ne s’était pas toujours bien distinguée dans ses pratiques des financiers classiques. Comment, ces banquiers coopératifs et mutualistes français se sont-ils laissé entraîner dans la tourmente financière mondiale, se sont-ils livrés aux joies de filiales, sociétés anonymes, aux plaisirs des titres toxiques, aux dérapages internes et perdre ainsi, et le sens commun, et les valeurs morales ?

Gardons-nous toutefois, d’être des parangons de vertu ou des redresseurs de tort. Nous sommes en cela, convaincus, du bien-fondé
de la thèse fondamentalement explicative de Max Weber que « le problème majeur de l’expansion du capitalisme moderne n’est pas celui de l’origine du capital, c’est celui du développement de l’esprit du capitalisme4».

La solution n’est donc certainement pas dans la vertu, n’en déplaise à ceux qui veulent moraliser à tout prix l’immoralisable qu’est par essence, l’« amoral capitalisme »5. Elle ne viendra certainement pas des comités d’éthique, de ce nom d’origine grecque, donné pour faire accroire qu’il est plus moderne que la morale. Alors qu’elle n’est qu’un choix idéologique car l’éthique est signe d’individualisme alors que la morale, elle, entraîne une attitude responsable vis-à-vis de toute la société.

Ces institutions de la bonne conscience, créées çà et là, avec la bénédiction plus ou moins donnée en France, par un ancien
directeur-général du FMI qui comme Claudel a sans doute reçu la lumière, mais après avoir mis mal en point quelques états par ses méthodes. Il s’agit bien ici, qu’on ne s’y méprenne pas, de l’auteur du rapport au Premier ministre sur « la règle d’équilibre des finances publiques »6, Michel Camdessus. En toute logique libérale, mais pour être à la tête du FMI ne faut-il pas l’être, ce dernier ne voit pour causes de la crise que les dérives à corriger : « la course au rendement » est la première d’entre elles, » et l’« appât du gain », qui « exacerbe les errements de la nature humaine 7». L’Homme est donc coupable et le système est juste et simplement à réguler !

Notre intention, est-il utile de le préciser encore, n’est jamais de proposer une seule voie, fut-elle et a fortiori « autre », mais bien dans ce riche domaine de l’économie monétaire et financière de permettre le foisonnement des apports dont le 1er dossier que nous avons intitulé « ce qui se fait en finance classique» entend témoigner !

Les cinq articles que nous avons choisis pour l’illustrer, insistent bien sur les possibilités, dans le contexte donné, de mesurer les performances dans le cadre du développement, (nous avons constaté que c’est un point qui réunit les économistes et les gestionnaires de l’une et l’autre finance), de prévenir les risques y compris de manière normative, mais aussi, et cet article conclut opportunément le 1er dossier, par une question centrale, de rappeler le rôle dominant d’une monnaie et d’un système comptable pour des économies et des entreprises !

Puisque donc la solution ne vient pas de quelques « cosmétiques lotions éthiques », même issues d’un géant, encore français, il faut organiser une réflexion pour trouver un remède ou mieux une alternative à ce qui a failli et bien failli.

«Ce que fait et propose l’autre finance » est multiforme et peut être une réponse ou des pistes de solution que nous avons laissées à Aude d’Andria, le soin de collecter et de présenter. Comme elle le dit fort bien, « Si l’hétérogénéité apparente des contributions peut surprendre au départ, elle attesterait plutôt de la vitalité et des nombreuses perspectives potentielles autour des pratiques incarnant l’idée d’une « autre » finance ».

Laissons donc à nos lecteurs, le soin de découvrir, d’apprécier, de critiquer les méthodes et les réalisations…

Nous tenons à souligner que ce numéro, pour son 2e dossier « ce que fait et propose l’autre finance », a été facilité grandement  par la remarquable maîtrise des techniques de
communication par Internet des étudiants en alternance du département AES de l’Université d’Évry-Val-d’Essonne (DEUST travail social, Métiers de l’aménagement et des activités sociales,
(DEUST-MAAS), LP de management des organisations : aide et service à la personne, (LP-MAP) et Licence Administration des Territoires (L3-ADT), réunis dans l’association DTSE dont le logo
constitue le dessin d’arrière-plan de ce dossier. Qu’ils trouvent ici le témoignage de notre reconnaissance et de celle des auteurs.
Et puisque le colloque dont une partie des contributions est publiée dans ce numéro, était international, il convient de signaler
aussi, car ce furent les seuls, les entraves, blocages et difficultés de tous ordres faits à la libre circulation des intervenants, par les services consulaires français au Cameroun.
Comme dans « le printemps arabe », les moyens de communication ont eu raison de ces attitudes révélatrices d’un autre âge et qui portent gravement atteinte à l’image de la France et à son universalisme intellectuel !« À la longue le sabre est toujours vaincu par l’esprit » !
Philippe Naszályi

 

1. Ph. Naszályi, Crédit coopératif, histoire et actualité ; l’héritage de Raiffeisen (1818-1888) et Schultze-Delitzsch (1808-18885) in Economie sociale et solidaire, Nouvelles trajectoires d’innovations sous la direction de Sophie Boutiller et Sylvain Allemand, collection Marché et Organisation, L’Harmattan, 236 pages, 2010.

2. Notre revue relaie volontiers l’appel : « Renouveler la recherche et l’enseignement en finance, économie et gestion pour mieux
servir le bien commun », voir page 47.
3. Notre revue s’associe d’ailleurs à cette importante réflexion sur les « nouveaux enjeux, nouvelles perspectives économiques et sociales des pays de la rive sud de la Méditerranée », organisée conjointement par les Universités de Tunis, Carthage et Nice Sophia Antipolis, voir page 46.
4. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1906). Traduction par J. Chavy, Plon, 1964.
5. André Comte Sponville, Le capitalisme est-il moral ? Albin Michel (ISBN 978-2226142207) ; rééd.
Le Livre de Poche, 2006 (ISBN 978-2253117223) ; rééd. avec une postface inédite, Albin Michel, 2009 (ISBN 978-2226192912).  Voir à ce sujet l’article du Monde.
6. Michel Camdessus, Réaliser l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques, Rapport au Premier ministre,
Paris ; La Documentation française (Collection des rapports officiels), juin 2010, 58 pp.
7. Cité par Anne-Bénédicte Hoffner, in La crise des marchés financiers
tient aussi à une dérive éthique
, La Croix, 28 janvier 2008.

n°249-250 La Revue des Sciences de Gestion – Sommaire

Dossier 1 : Ce qui se fait en finance classique

Performance des fonds de couverture, moments supérieurs et risque
procyclique
par Alain Coën, François-Éric Racicot et Raymond Théoret

Les conditions du développement des systèmes financiers et leurs effets
sur la croissance économique : une approche en données de panel
par
Moufida Ben Saada et Hamdi Khalfaoui

 

Gestion du risque et investissement dans les hedge funds. Le cas de la
faillite d’Amaranth Advisors
par Mikael Petitjean et Sébastien Lebrun

 

Du projet de normes IFRS adaptées aux PME à l’IFRS pour les PME. Va-t-on
vers une mise en place difficile ?
par Raimondo Lo Russo

 

Le Franc CFA et le système comptable OHADA
Instruments de domination ou de développement des économies de la zone Franc ?
par Jérémie Toko et Kadouamaï
Souleymanou

 

L’actualité de la gestion par Philippe Naszályi

 

Dossier 2 : Ce que fait et propose l’autre finance

 

« Existe-t-il des alternatives aux banques capitalistes ?
»
Un éclairage sur d’autres pratiques financières (re)créant du lien social
par Aude d’Andria

 

Crise du secteur bancaire et portrait de la banque idéale : une étude
menée auprès des jeunes consommateurs
par Maria Mercanti-Guérin

 

L’éthique du client face à l’offre bancaire islamique en
France
par Moulaye Abdelkader Ould Moulaye Ismail et Joël Jallais

 

Plaidoyer pour une banque sans monnaie
par Jean-Patrick Abelsohn

 

Libérer la vocation des banques de l’usage de la
monnaie
par Jean-Paul Lambert

 

De la Nef (Nouvelle Économie Fraternelle) à la BEE (Banque Éthique
Européenne). De l’émergence du banquier itinérant ?
par Béatrice Chauvin, Ariel Mendez et Nadine Richez-Battesti

 

Les fonds propres des Scop : enjeux et conditions de leur
développement
par Emmanuel Bayo

 

Financement des petites et moyennes entreprises en Afrique subsaharienne
: faut-il restaurer les banques publiques de développement ?
par Mathurin
Founanou et Zaka Ratsimalahelo

 

Conquête et fidélisation des clients dans les établissements de
microfinance au Cameroun : cas des MC2 à l’Ouest Cameroun
par Marie-Antoinette
Simonet

 

Le « microcrédit » : un crédit comme les autres
?
par Pascal Glémain et Pascale Moulévrier

 

Déterminants de la performance de remboursement à long terme
dans la massification de l’offre de microcrédit des pays en développement : le cas du Sénégal
par Ndiouma Ndour

 

La mesure de la performance des établissements de microfinance (EMF) au
Cameroun : une application combinée DEA et multicritère au cas du réseau des Mutuelles Communautaires de Croissance (MC2)
par Joseph Nzongang

 

Les institutions de microcrédit et la lutte contre la pauvreté :
l’initiative d’Enda inter-arabe en Tunisie
par Mohamed Ali Trabelsi et Jameleddine Chichti

 

Le financement des institutions de microfinance (IMF) : contraintes et
liens avec la qualité des services aux clients. Une étude de cas au Mali
par Mariam Sangaré

 

Tontine et banque en contexte camerounais
par Louis Roger Kemayou, François Guebou Tadjuidje et Marie Sophie Madiba

 

Chronique bibliographique par Jean-Jacques Pluchart

Chronique bibliographique par Jean-Louis Chambon

 

Bulletin d’abonnement

 

Pour consulter les articles : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2011-3.htm

n°247-248 La Revue des Sciences de Gestion – Sommaire

Dossier 1 : Innovation, innovateur, recherche et développement


De l’innovation à l’innovateur. Pour une approche structuraliste de l’innovation

par Patrice Noailles

 

L’innovation dans les services comme un pilier de l’économie fondée sur la connaissance

(cas des banques et des assurances algériennes)

par Mohamed Cherchem

 

Des méthodes archaïques pour des industries modernes

par Béatrice Canel-Depitre

 

De la nécessité d’une analyse post-mortem en cas d’échec commercial

par Julien Cusin et Franck Celhay

 

Effet de la gouvernance d’entreprise sur l’investissement en R&D : cas des entreprises françaises

par Basma Sellami Mezghanni

 

La valorisation des dépenses de R&D au Japon

par Pascal Nguyen, Sophie Nivoix et Mikiharu Noma

 

Complémentarité ou adversité des stratégies d’innovation et d’imitation dans le secteur agroalimentaire français
?

par Ghalia Benyahia-Taibi

 

L’effet d’imitation « favorable » et la gestion des marques. Le cas de la Chine

par Jean-Claude Gilardi

 

L’actualité de la gestion par Philippe Naszályi

Nouvelles de la communauté des amis de La RSG

 

Dossier 2 : Responsabilité, sociale et développement durable

Responsabilité sociale et profit. Repenser les objectifs de l’entreprise

par Blandine Laperche et Dimitri Uzunidis

 

Un autre regard sur les rapports de développement durable

par Nathalie Aubourg, Béatrice Canel-Depitre et Corinne Renault-Tesson

 

Développement durable en petites entreprises. De la sensibilisation à l’engagement

par Agnès Paradas

 

L’intégration du développement durable dans le financement bancaire aux entreprises

par Vincent Maymo et Valérie Pallas Saltiel

 

La pertinence de la performance sociétale des entreprises dans un contexte de développement équitable

Le cas des entreprises de production au Cameroun

par Jean Biwolé Fouda

 

Chronique bibliographique par Jean-Louis Chambon

Chronique bibliographique par Yves Soulabail

 

Pour
consulter le numéro https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2011-1.htm

n°247-248

Editorial : Savoir plus, pour pouvoir plus,
pour être plus*

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

Philippe NaszalyiProgramme d’une vie, revendication sans cesse renouvelée, cette injonction du Père Teilhard de Chardin, jésuite et chercheur, à la pensée parfois hétérodoxe pour sa hiérarchie, a été reprise pour en faire son credo par Jean Orcel, scientifique lui aussi, et naguère vice-président de l’Union rationaliste. De même que non sans clin d’œil, à Paris, la rue Teilhard de Chardin voisine avec celle de Jean Calvin, près de la Montagne Sainte-Geneviève, la concordance entre « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas »1, ouvre la réflexion, le fil conducteur, on dit parfois, le fil rouge, que nous avons choisi de poursuivre.

Savoir plus… car notre objectif de travail est de mettre en place, à notre mesure, une réflexion pour penser à une nouvelle, à de nouvelles formes de croissance économique.

Puisque « Tout se gère »2, comme nous le constations naguère, il
n’est pas illégitime que le manageur, le gestionnaire, celui qui est le stratège, mais aussi l’acteur du management de toute organisation prenne sa juste part conceptuelle.

Si l’expression « homme de terrain » fleure plus la démagogie ambiante que la valorisation de celui qui agit, il n’en demeure pas moins que plus que d’autres, et au moins à égal à tous les autres, celui qui pratique et anticipe ses actions, soit appelé à tirer profit de ses connaissances et de ses expériences pour contribuer à concevoir de nouvelles formes d’organisation. Car savoir plus, n’est pas confiné à la personne et à son enrichissement personnel, il est aussi le moyen de pouvoir plus.

Une journée de recherche, inspirée par une jeune équipe de management le L@rem, a choisi cette thématique « Gérer
autrement »3 qui signifie concevoir et mettre en pratique des idées innovantes, pour pouvoir plus et mieux trouver un nouveau modèle de croissance4. Dans un domaine, ô combien sensible, celui de la finance et dans une démarche qui enjambe l’Atlantique, un groupe de recherche franco québécois s’interroge sur « l’évolution des modèles d’affaires de la sphère financière »5. C’était déjà dans cet
esprit, celui d’un colloque qui posait une question impertinente : « Existe-t’il une alternative à la banque capitaliste ? »6 dont nous publierons sous peu les meilleures contributions, que nous avions souhaité marquer clairement notre déréliction pour un système totalitaire qui vise à conserver tout ce qui valorise l’avoir sur l’être, la rente sur le travail et la réflexion, et qui conduit à l’échec.

Être plus !, avec cette « impertinence » des idées, la seule qui vaille à côté des sentiers battus. Longtemps l’impertinent a incarné l’arrogance ou ce qui ne convient pas, « le fat outré » de La Bruyère.
L’arrogance a changé de camp en ceXXIesiècle.

Ce qui ne convient pas désormais, est bien de maintenir ce qui est. Quelques beaux esprits, plutôt tournés vers le passé, se sont mis à promouvoir et à rendre « positif », ce mot plus usité dans la langue classique, en décernant un prix des impertinents7. Plus proche de nos sujets d’intérêt, « le Cercle des entrepreneurs du futur », animé par Michel Godet8, a lancé aussi, un Prix de l’Impertinence9. On s’étonnera juste que l’édition 2011, soit dédiée à l’historien et économiste, Jacques Marseille10, à l’évidence talentueux et brillant, mais qui se place plutôt dans une lignée bien définie et peu impertinente de penseurs.
Ceux qui flirtent davantage avec les idées économiques et financières dominantes qui nous ont amené là où nous en sommes, sont-ils les modèles d’une réelle volonté de réinventer le monde avec des concepts innovants ?

On reprendrait mieux pour eux, cette tirade de Crispin, en « rival de son maître », qui, triomphant, s’exclame qu’« au lieu de les rebuter par mes manières impertinentes, j’ai eu le malheur de leur plaire ».11

Autrement dit, il y a peu de chance que le « prix des impertinents » ne soit jamais décerné à un lauréat du « prix de l’Impertinence » et réciproquement, ce qui ne manque ni de saveur ni de pertinence !

Notre propos n’est pas ici, de courir derrière le succès immédiat ou les reconnaissances académiques, canoniques ou officielles, mais bien de proposer des idées impertinentes pour déranger, bousculer, faire réfléchir… et agir.

C’est, nous dit-on souvent avec agacement, cette impertinence que ressentent, en nous lisant, certains thuriféraires des choses, des évaluations, des classements, bien établis, en un mot, ces tenants des « traditions » qui, si j’en crois Jean d’Ormesson, répondant naguère à la première académicienne française, « sont faites pour être à la fois respectées et bousculées »12.

« Savoir plus, pour pouvoir plus, pour être plus », est donc une vaste ambition. Nous ne prétendons pas que ce premier numéro de l’année 2011 y réponde totalement. Ce serait aussi présomptueux que prétentieux et vain. Nous ne cessons de le dire et l’écrire, il n’y a pas qu’un seule voie, ni une seule voix, dans le domaine complexe du management des structures, de leurs stratégies et de leur conduite, car toutes sont d’abord faites d’hommes qui utilisent des ressources variées, mais plus souvent limitées qu’inépuisables !

Deux dossiers ouvrent donc notre programme : Innovation, innovateur, recherche et développement, commence par une
étude que d’aucuns pourront qualifier de plus économique que « gestionnaire ». Grand bien leur en fasse !

La réflexion de son auteur, Patrice Noailles pose des principes, énonce une thèse et propose des pistes pour comprendre et faire comprendre qu’il n’y pas un effet mécanique à la transformation d’une invention en une innovation. Il y faut un homme particulier et si possible, fonctionnant dans un environnement favorable. Bien des politiques, sûrs de leur fait, s’appuyant sur une sorte de benchmarking d’autant plus mal compris, qu’il ne propose au fond aucune vue d’ensemble, feraient bien de s’y attarder. Et pourtant, l’imitation est à coup sûr, indissociable de l’innovation, encore faut-il qu’elle réponde à des objectifs cohérents et non à des modes oratoires qui ne sont même plus des effets de manche. L’industrie agro-alimentaire française ainsi que la gestion des marques en Chine, procèdent, elles, d’une vraie réflexion. Les articles qui composent ce dossier analysent la difficulté de sortir de méthodes archaïques ou de tirer profit d’une analyse post mortem après un échec.

L’innovation dans une économie fondée sur la connaissance, s’étudie dans des institutions financières, ici en Algérie, tout en découlant aussi de la R&D dans les industries en France comme au Japon. Ce dernier pays, meurtri, nous inspire toute la compassion. Sa triste expérience dans le domaine nucléaire démontre, s’il en était besoin, (hélas, il en est encore besoin, au moins à Bruxelles et auprès de ses sectateurs français) le danger de confier la sécurité de ses habitants voire de la planète, à une logique qui, par nature même, intrinsèquement, aurait-on dit naguère, fait passer le profit avant toute considération.

Qu’on ne voit là aucune condamnation, mais le constat d’une réalité consubstantielle à l’entreprise privée dans le système économique qui prévaut aujourd’hui. C’est ce que ne peut pas faire, s’il est fidèle à sa vocation, un état démocratique et par conséquent une entreprise publique qui en dépend.

Le deuxième dossier de ce numéro prolonge la réflexion entamée par le premier, en plaçant la Responsabilité sociale et le développement durable.

L’un et l’autre de ces domaines ont une existence propre que nous tenons à réaffirmer. Si nombre d’« investisseurs socialement responsables » (ISR) par commodité de notation -toujours ces fameuses notations ! – et absence de conviction, réduisent la responsabilité sociale à un « développement vert », en éliminant tous les facteurs humains, ils ne peuvent être considérés ni comme socialement responsables, ni comme réellement innovants. Le premier article de ce dossier, confié à des spécialistes de l’innovation, Dimitri Uzunidis et Blandine Laperche, pose bien les enjeux de la RSE pour l’entreprise et la société. Là encore, sans épuiser le sujet, les quatre contributions qui s’ensuivent, abordent différentes applications : le développement durable, « fruit » de la réglementation pour les grandes entreprises, « fruit » de l’engagement dans les PME, mais aussi « fruit » du financement bancaire, voire qui s’exprime davantage en « développement équitable » dans le cas du Cameroun, pays où le rôle des tontines populaires est souvent considéré comme le facteur d’une croissance autofinancée qui méritera tout notre intérêt.

Être une « préface de l’espérance13», mais instructive, raisonnée,
argumentée pour « penser la croissance » !


* Pierre Teilhard de Chardin, cité par Jean Orcel, préface à « Teilhard de Chardin », Ernest Kahane, Publications de l’Union Rationaliste, Paris, 1960, page 2.

1. Louis Aragon, La Rose et le Réséda, 1943.

2. Éditorial, Direction et Gestion des entreprises n° 159-160, 1996, p. 5 DOI :10.1051/larsg:1996017.

3. Colloque organisé par le L@rem, 24 juin 2011, voir page 12 de ce numéro

4. Voir page 80.

5. Voir page 38.

6. La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 243-244, 2010, page 34.

7. Créé en 2009, le prix des Impertinents récompense un ouvrage s’inscrivant à contre-courant de la pensée unique. Décerné au début de chaque année, il est remis au restaurant Montparnasse 1900. Le jury est composé ainsi : Christian Authier, Bruno de Cessole, Jean Clair, Louis Daufresne, Chantal Delsol, de l’Institut, Paul-François Paoli, Jean Sévillia (président), Rémi Soulié (secrétaire général), François Taillandier et Eric Zemmour.

8. Professeur titulaire de la chaire Prospective stratégique du Conservatoire national des Arts et Métiers de Paris (Cnam).

9. Le Grand prix de l’impertinence, créé en 2007, vise « à récompenser des réflexions et actions impertinentes et innovantes en relation avec le développement durable, l’entrepreneuriat, le développement, les territoires et les services ». Son édition 2011 aura lieu le 18 mai.

10. Décédé le 4 mars 2010.

11. J.-R. Lesage, Crispin rival de son maître, Paris, 1707.

12. J. d’Ormesson, Réponse au discours de réception à l’Académie française de Madame Yourcenar.

13. Selon la belle formule de Jean d’Ormesson.

Pour consulter le numéro
https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2011-1.htm

 

n°245-246 La Revue des Sciences de Gestion – Sommaire

« La valeur d’un général réside dans sa stratégie et non dans son courage. »

par Philippe Naszályi

 

Résumés en français, anglais et espagnol

 

GESTION DE LA CONNAISSANCE

 

Dispositifs de formation et choix managériaux

par Corinne Baujard

 

Les stratégies de propriété intellectuelle et leur ingénierie juridique :

Une nouvelle approche managériale du droit fondée sur le recours à la ruse

par Boualem Aliouat

 

La surinformation causée par l’Internet : un facteur d’échec paradoxal largement avéré :

Veille stratégique – Cas concrets, retours d’expérience et piste de solutions

par Humbert Lesca, Salima Kriaa-Medhaffer et Annette Casagrande

 

Le contrôle de l’information. La réorganisation du conseil d’administration

par Sabrina Alioui, Virginie Cibert-Goton et Cine Rousset

 

L’actualité de la gestion par
Philippe Naszalyi
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Nouvelles de la communauté des amis de La RSG

 

DES METHODES DE GOUVERNANCE

 

Les effets non linéaires de la prise de participation sur les performances des entreprises familiales

par NehmAzoury, Charbel Salloum et Maria
Bianca Merheb

 

Les déterminants de la présence des administrateurs indépendants dans les conseils

d’administration des sociétés françaises

par Ibtissem Chouchane

 

Le contrôle des implantations bancaires à l’étranger par la maison-mère

par Hamadou Boubacar

 

Gestion du changement, TIC et compétitivité organisationnelle : le cas de la société MBA-France

par Abdallah Alaoui

 

Conseil d’administration et performance des entreprises conjointes franco-camerounaises. 91

par Robert Wanda

 

APPROCHES NORMATIVES ET GOUVERNANCE

 

Analyse des déterminants de l’adoption anticipée des normes comptables internationales IAS/IFRS

par les groupes français

par Daniel Zéghal et Yosra Mnif Sellami

 

Comptabilisation des écarts actuariels. Mise en perspective des pratiques françaises

par Samira Demaria

 

Les déterminants de la couverture des risques en France

par Karim Ben Khediri et Souad Lajili Jarjir

 

Pertinence des normes comptables IAS/IFRS au contexte culturel tunisien

par Besma Chouchane

 

Où en est-on avec le projet de l’IASB de norme IFRS adaptée pour les PME ?

par Raimondo Lo Russo

 

Harmonisation des normes africaines (OHADA) et internationales (IAS/IFRS) : une urgence ou une exigence ?

par Jules Roger Feudjo

 

Chronique bibliographique
par Jean-Louis Chambon

n°245-246 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi : La valeur d’un général réside dans sa stratégie…

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 245-246 – Éditorial

«La valeur d’un général réside dans sa stratégie et non dans son courage*. »
par Philippe Naszalyi
Directeur de la rédaction et de la publication

La Stratégie, « l’art de faire face à son destin », selon la formule de Peter Ferdinand Drucker, est aussi l’un des mots du vocabulaire militaire qui s’est le plus banalisé dans tous les domaines de la vie, économique, politique, sociale… Ne fut-elle pas aussi un élément important de la carte du Tendre, lorsque les femmes étaient une conquête qu’on se devait de mériter ?

Mais pour élaborer une stratégie, y compris amoureuse, il faut avoir un but, autre que le gain immédiat. Nombre de stratèges en politique ou en économie ne sont au mieux que des tacticiens. On pourrait y inclure le gestionnaire ou le manageur qui, bien souvent, le « nez dans le guidon », comme on le dit de manière populaire, n’aspire à rien d’autre ou n’a été formé, ce qui est plus grave, à rien d’autre.

Or, il y a dans la gestion d’une organisation, que ce soit l’Etat, l’entreprise ou les différentes formes d’organisation que l’esprit humain génère pour faire émerger de la connaissance, produire des biens ou des services, assurer une cohésion sociale, urbaine ou communautaire au sens le plus générique du terme, une véritable obligation de penser en terme de stratégie et de mettre en application une réflexion à long terme.

Nous militons, autant que ce mot puisse être signe d’un engagement fort, dans le domaine de la recherche et de sa publication, et cela depuis l’origine de cette revue, pour que « quelles que soient ses fonctions, un Cadre de Direction, a fortiori un chef d’entreprise, […] s’il n’a de ces problèmes qu’une vue partielle ; limitée à son champ de responsabilité, … ne peut jouer pleinement son rôle car… l’action doit être solidaire, intégrée et coordonnée dans un plan d’ensemble… »(1).

Prenons garde toutefois à ne pas nous confondre avec ceux qui pensent que l’Etat ou la puissance publique, incarné dans des services ou des autorités locales ou particulières, est réduit pour être « moderne », à copier, disons singer, les pratiques managériales des sociétés de capitaux.

Il faut vraiment ne rien avoir compris à la richesse du mot « management » qui « désigne tout ce qui est nécessaire pour mener à bien une affaire qu’elle soit, petite ou grande, indépendante ou non ». Ce terme « englobe donc toutes les fonctions de direction : l’administration au sens de Fayol, l’organisation, le fonctionnement, les prévisions, etc. […] », comme le souligne l’excellent traducteur de l’ouvrage fondateur de Peter Drucker « The Practice of Management »(2).

Cette ignorance se combine souvent chez les « dirigeants politiques » et manageurs improvisés ou élus, avec cette croyance que l’asservissement de l’Etat aux intérêts privés et son dépérissement sont signes de croissance.

Les faits, toujours têtus, viennent cruellement de leur prouver leur erreur et l’inanité de leurs idéologies économiques ! Il faudra qu’un jour, ils s’en aperçoivent !

Ce dernier numéro de 2010 paraît au début de l’année suivante, par suite de retards, bien involontaires, dûs à des difficultés de joindre, pour ajuster avec eux leurs contributions, certains de nos auteurs en Tunisie. Les événements qui secouent leur pays en sont la cause.

Pour présenter les thèmes que propose ce numéro, les trois dossiers, comme il y a 45 ans, à notre création, s’inscrivent dans « une perspective globale, non seulement (des) problèmes de l’entreprise, mais également, (des) méthodes permettant de les résoudre. »

Une stratégie de diffusion

Toutefois, cette constante ne doit pas cacher que nous veillons aussi à ce que nos publications soient le plus largement accessibles par toutes les techniques et sur tous les sites pour bien illustrer notre place de « 1re revue francophone de management ». Ce numéro l’illustre une fois de plus, par la variété des auteurs et des sujets que nous
avons choisis.

Par ailleurs, la liste des revues, publiée par l’AERES(3)en « Economie et Gestion », le 16 juin 2010(4), a consacré l’internationalisation des publications retenues. Cette ouverture que nous ne pouvons que saluer, permet aux chercheurs de voir la juste reconnaissance de leurs travaux qui se situent bien dans le monde multiculturel contemporain. L’histoire qui se déroule devant nous, en témoigne assez. Cette liste n’est plus limitée aux étoiles pâlissantes d’un monde figé par la culture étriquée et partielle de certains gourous dépassés, souvent issus des mêmes origines que ceux qui rejetèrent jadis les remarquables travaux d’Henri Fayol.

Si nous avons intégré la liste en question en 2010(5), lors de sa refonte fondamentale, nous nous inscrivons naturellement dans cette autre constante de collaboration avec tout ce qui compte dans la diffusion internationale de la recherche et de la pensée francophones en rejoignant l’A.R.S.C. Association des Revues Scientifiques et Culturelles (voir page 12).

L’année 2011 qui a commencé inaugure également notre partenariat de diffusion avec CAIRN, la référence pour tout ce qui est sciences humaines et sociales au sens le plus large : http://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion.htm est
désormais un adresse incontournable pour tous ceux qui veulent consulter nos publications depuis 2005.

Notre blog qui est ouvert à tous déjà, compte plus de mille chercheurs et universitaires qui reçoivent régulièrement les informations grâce à la libre (et gratuite) adhésion aux « Amis de La RSG » : http://larsg.over-blog.com.

Les offres de postes, appels à communication et informations sur les publications, les ouvrages et les revues amies, sont une constante de nos numéros depuis plusieurs années.

Notre rubrique « Info » s’est toujours donnée pour vocation de présenter des informations choisies et commentées qui nous paraissent dignes d’intérêt. Cela est d’autant plus manifeste qu’elle ne répond pas à des critères commerciaux de commanditaires de publicité comme chez nombre de nos confrères.

Elle ne répond pas non plus aux impératifs du buzz, devenu le nouveau et fallacieux critère de l’information pour beaucoup (page 49).

Remercions enfin et particulièrement Jean-Louis Chambon, Président de la Fédération Nationale des Cadres Dirigeants (FNCD) et du Prix Turgot, auquel nous sommes également associé, de nous apporter ses sagaces et éclairantes chroniques bibliographiques (page 59).

Trois dossiers thématiques

La « gestion de la connaissance », titre du premier dossier de ce numéro s’inscrit dans cette économie du savoir que nous entendons analyser. Elle nécessite que les choix managériaux et les dispositifs de formation comme le développe Corinne Baujard, s’inscrivent dans une stratégie globale qui fait du droit et de l’ingénierie juridique, une nouvelle approche managériale décryptée par Boualem Aliouat car nous sommes depuis longtemps, persuadés que le droit est une partie prenante de la gestion. Gérer la connaissance, c’est aussi parer au risque de la surinformation que les nouvelles technologies comme Internet font courir aux décideurs ou chercher à contrôler l’information pour un Conseil d’administration. Les articles qui continuent ce dossier s’en font l’écho.

Cinq études choisies illustrent, sans l’épuiser non pas « les », car nous ne croyons toujours pas contrairement à Alain Minc et à ses sectateurs à l’univocité, mais bien « Des … méthodes de gouvernance » qui constituent le deuxième chapitre de ce numéro 245-246. Le choix de la diversité des origines des auteurs et des sujets traités montre qu’il existe bien un autre management plus respectueux des hommes, des cultures et des organisations et donc plus efficace. Entreprises familiales, administrateurs indépendants des entreprises françaises, contrôle des implantations bancaires à l’étranger, analyse du changement micro-économique, ou gouvernement d’entreprises
franco-camerounaises sont développés ici.

« Approches normatives et gouvernance », titre du troisième dossier, s’inscrit enfin, dans cette logique de la stratégie ouvrant sur le contrôle et l’organisation. La finance ou les finances d’entreprise et les méthodes de comptabilisation dans les sociétés françaises sont disséquées par des auteurs canadiens, français et tunisiens permettant une approche ouverte et complémentaire de cette question. Les comparaisons de ces applications normatives tant aux PME, ce qui pose toujours problème, qu’aux entreprises du continent africain au nord comme dans la partie sub-saharienne, étoffent la culture nécessaire pour « étendre son horizon au-delà des frontières », comme le souhaitait en 1965, le créateur de la revue.

On parle tant de mondialisation et l’on oublie aussi que dans mondialisation, il y a « monde » et que cela ne peut se borner à quelques zones géographiques. L’innovation, l’économie de la connaissance et le développement « soutenable » s’inscrivent dans cette logique que nous promouvons ici, car « l’intelligence
du monde », comme le rappelait Jean-Paul Fitoussi(6), « est une valeur en soi !».

* Sun Tzu, L’Art de la Guerre, traduction du RP Amiot (sj) 1772.

1. Editorial du n° 1 de direction et gestion des entreprises, mars-avril 1965.

2. La Pratique de la Direction des Entreprises, Bibliothèque du management – 1969, Note du traducteur.

3. AERES : Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche française.

4. http://www.aeres-evaluation.fr/content/download/14116/232839/file/100616_ListeEcoGestion.pdf.

5. Page 31.

6. http://www.idies.org/index.php?post/Lintelligence-du-monde-est-une-valeuren-soi. septembre-décembre 2010