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n°243-244 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi : Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde…

“Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde… le doigt ou le classement de Shangai »
(proverbe chinois)

Cet été semble ne pas connaître de trêve dans les polémiques qui, reprises par la presse étrangère, mettent en exergue ou au pilori, les
relations entre le monde des affaires et celui de la politique. Il n’est évidemment pas question, ici, ce serait hors de propos, de prendre parti en quoi que ce soit dans un conflit où, à notre avis, l’amoralité, est bien plus criante que l’immoralité, qu’on connaît, elle, habituellement dans toutes ces questions depuis qu’il y a des gens riches et des gouvernants.

Amoralité ! N’est ce pas au fond ce qui de part et d’autre, et encore plus depuis « la Crise », est reproché au capitalisme dont il est pour
plus d’un, et nous suivons en cela André Comte-Sponville1, l’essence même ? Rien d’étonnant donc à ce que certains avouent « ne pas avoir de problèmes avec la morale » puisque cela est consubstantiel au système même qu’ils servent avec zèle !

Ce n’est pas ce vaste sujet, rassurons-nous, qui sera notre propos. Sans vouloir entrer dans le grand débat pour savoir si le capitalisme peut être moralisé, il nous a semblé bon, et à notre portée d’hommes de terrain, de consacrer le premier dossier de ce numéro d’été, dans la logique pragmatique de Michel Camdessus ou d’autres, à la recherche de la bonne gouvernance que nous considérons comme un véritable facteur de croissance et qui induit des « méthodes et modèles d’organisation » ce qui constitue tout naturellement le dossier conclusif de ce numéro.

Dans cette actualité de l’été, l’on peut relever aussi et ce, depuis 2003, la publication de l’« Academic Ranking of World Universities » de l’Université Jiao Tong, plus connu sous le vocable de « classement de Shanghai ». Cette parution jette en émoi, chaque année, tous ceux que le proverbe chinois dit « regarder le doigt » plutôt que la lune.

L’on ne reviendra pas sur les critères plus que litigieux du classement dont l’objectif initial était somme toute modeste. Nous avons déjà souligné en son temps, son absence quasi-totale de scientificité, malgré son apparence quantitativiste, ou sa totale insignifiance dans le domaine qui est le nôtre : économie ou gestion. Nous ne soulignerons jamais assez combien il repose quasi exclusivement sur la comptabilité de revues dans le domaine des sciences dites exactes. Celles-ci reconnues malgré d’énormes canulars involontaires, mais publiés à grand renfort de publicité, comme le clonage sud-coréen, se devraient de disposer de Comités de Lecture moins monochromes, plus ouverts au monde. La Science invite tout le monde à la modestie. Insignifiant, une fois encore dans les autres domaines, ce classement ne considère quasi exclusivement que des revues en langue anglaise et tient pour rien, toutes les publications des colloques, des conférences, des congrès, de toutes ces réunions savantes et scientifiques en toutes langues, où s’échangent idées et connaissances, ce qui est, avouons-le,
une curieuse analyse de la Recherche !

Il semble d’ailleurs que les étudiants chinois eux-mêmes, pour lesquels il fut inventé, n’attachent que peu de prix à ce classement qui hypnotise toujours nos trissotins officiels. S’il n’y avait « que » 18 000 étudiants chinois en France en 2007-20082 ce qui plaçait malgré tout la France au 5e rang mondial en ce domaine, on en dénombre plus de 35 000, répertoriés en 2009, selon l’ambassade de Chine en France, dont 85 % qui paient eux-mêmes leurs études3 ! Ce qui est plus que significatif.

Classement des classeurs ?

Dans le domaine Économie-Gestion qui est le nôtre, on peut citer également la récente initiative de Jean-Michel Courtault, professeur d’économie à l’Université Paris 13 qui vient de proposer un classement des établissements (Universités et Grandes Écoles) et des Enseignants-chercheurs à partir des citations des articles des professeurs qui les composent4. C’est une proposition à suivre sans doute, même si l’on peut légitimement s’interroger sur les « indices h » et « g » qui servent de base à cette analyse des réalités de 2008.

À l’inverse de la recherche de la grande taille qui obnubile toujours nos actifs trissotins officiels depuis Shanghai, et les font réinventer
des monstres universitaires ingérables, « La calidad de las universidades en España », publiée en mai 2009 par l’université de la Complutense de Madrid se fonde sur un classement multicritères
des universités espagnoles : 32 critères au lieu des 9 utilisés au maximum par les autres classements5. C’est révolutionnaire et peut être plus réel…

L’exploitation de ces classements comme le font notamment les Allemands, par un marketing agressif pour attirer les étudiants6voire en créant des « marques » est-il encore dans l’esprit de ce que qu’est l’Université dans son essence.

On peut au moins s’interroger !

En tout état de cause, un colloque très instructif au Sénat, au titre volontairement provocateur : « Oublier Shanghai ! »7a bien reposé les enjeux et les nécessités de se montrer vigilants, constructifs et ouverts dans ces classements qui en se multipliant, ont tendance à se dévaluer les uns les autres ce qui n’est pas non plus une solution.

Comme le soulignait à cette occasion, le professeur Patrick Hetzel, « Les classements doivent être positionnés comme des outils et doivent rester à leur place. Ils ne sont en aucun cas la stratégie. Ils ne peuvent être que des formes de représentation à un instant T de celle-ci. Il y a toute une pédagogie à faire pour les remettre à
leur place, dans leur contexte, savoir que ce sont des outils pouvant être mobilisés par les étudiants pour faire leurs choix. » Nous ne pouvons que souscrire à cette déclaration du Directeur
général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

Comment évaluer la performance et quelle performance ?

Nous ne sommes bien sûr pas opposés loin de là, à l’évaluation des résultats ou des compétences. Le 2e dossier : « Évaluation de la performance » de ce numéro, qui s’inscrit dans le domaine des
organisations, est tout à fait dans cette ligne de pensée.

Il est dans la nature même d’une revue comme la nôtre qui dispose de deux instances d’évaluation des contributions qui lui sont soumises : CIVIS et Conseil scientifique de lecture, que de croire à une évaluation saine et constructive pour l’Homme qui considère le quantitativisme simplificateur certes, mais fondamentalement simpliste et donc aussi faux qu’un sophisme voire un enthymème.

Notre souci également est, pour garder la valeur des avis et donc des publications, à la fois de chasser les bouffonneries des savants Cosinus de la gestion, plus nombreux qu’on ne le croit, ou d’éviter des travaux comme ceux d’Hwang Woo-suk, pourtant avalisés par une revue de la qualité de « Science » !

Notre souci enfin, est d’éviter cette plaie que génèrent encore plus les classements aux incidences financières dénoncées plus haut, qu’est le plagiat. C’est une autre forme de ce que l’on appelle dans le domaine des entreprises la contrefaçon. Une remarquable exposition sur le sujet à la Cité des Sciences de Paris8, accompagnée d’un ouvrage très pédagogique d’Olivier Quezada9, rappelle notamment cette vérité que si l’imitation est la base de l’éducation et de la transmission du savoir, la contrefaçon, elle, « cherche à tromper l’acquéreur et à déposséder le créateur de ses doits ». On peut s’amuser que des « penseurs » comme Alain Minc ou Jacques Attali, ténors des plateaux de télévision et autres cénacles où se forme l’opinion et considérés comme « coutumiers du fait10 » d’emprunter aux autres leurs textes et leurs idées, au point d’avoir été condamnés par la Justice, ne soient pas choisis ici, pour illustrer cette collection de fausses valeurs où l’amoralité des hommes et du système trouve là encore, son expression.

Nul donc n’est à l’abri, industriels, auteurs ou revues.

C’est pour cela que pour ce qui nous concerne, la vérification de chaque ouvrage cité en bibliographie par nos relecteurs nous a permis, et continue à nous permettre d’éliminer

les tricheurs et de traquer les emprunts un peu longs, inspirés souvent des interventions de colloques inédits.

Internet secrète aussi ses propres moyens de parer aux indélicatesses. C’est une lourde tâche qui explique parfois à nos auteurs le temps mis à publier leurs travaux. Nous mettons tout en oeuvre pour ne pas tomber dans les affres du plagiat que Walter Enders et Gary Hoover pour ne citer que leurs recensions impressionnantes dont nous étions fait l’écho déjà en 200711, dénoncent à propos des revues économiques américaines (celles que comptabilisent précisément et sans vergogne, nombre de classements dont celui de Shanghai !).

Soulignons avec insistance, le remarquable travail que fait depuis l’université de Genève, Michelle Bergadaà dont nous présentons « le vade-mecum du plagieur ». Le phénomène a toutefois pris suffisamment d’ampleur pour rendre plus que suspecte toute cette comptabilité d’apothicaire à propos du nombre de citations relevées par tel ou tel moteur de recherche. C’est une comptabilité d’attaché de presse, profession utile sans conteste, mais à laquelle jusqu’à présent, on ne demandait pas d’évaluer recherche et chercheurs…

C’est comptabilité encore sans aucune notion de la qualité de la recherche ou de son impact réel, fonctionne comme si le fait divers scabreux ou le scandale que la presse va développer à l’envi, et c’est son rôle, valait plus par son nombre de passages dans les colonnes, sur les ondes ou par les images que la découverte de travaux de
l’équipe de Christine Balsdeschi sur les cellules souches pour ne citer que cet exploit thérapeutique des laboratoires de l’Université d’Evry. Quantité n’est que rarement qualité et l’on ferait bien de s’en ressouvenir !

Ne nous y trompons pas, en effet, en mélangeant sans discernement le qualitatif et le quantitatif des publications on génère, à la fois le
copinage, (certains classements de revues en sont le témoin éloquent), le copiage, mais aussi la publication inutile, y compris dans des sujets comme les nôtres, souvent tellement « hors-sol » qu’elle n’est qu’un enfumage de mots et plus souvent de chiffres pour faire accroire à la scientificité.

Le scientisme revient au galop, et avec lui des valeurs matérialistes qui font de l’Homme un objet et non la finalité de toute chose. Le grand scientifique que fut Condorcet, avait cette phrase toujours actuelle : « Toute société qui n’est pas éclairée par des philosophes est trompée par des charlatans. »

Prenons garde à ce que les sages continuent bien à regarder la lune et pas le doigt ou… le classement de Shanghai !

1. Le capitalisme est-il moral ?Albin Michel (ISBN
978-2226142207) ; rééd.
Le  Livre de Poche, 2006 (ISBN 978-2253117223) ; rééd. avec une postface inédite, Albin Michel, 2009 (ISBN 978-2226192912). http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/03/28/kant-et-les-parachutesdores_1173803_3234.html

2. Source EDUCPRO,http://www.educpros.fr/detail-article/h/4dac1c6294/a/etudiants-chinois-en-mobilite-la-france-au-5eme-rang.html, 15 janvier 2009.

3. Source : M. Kong Quan, ambassadeur de Chine en France. http://french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/6870375.html 15 janvier 2010.

4. Source EDUCPRO, http://www.educpros.fr/detail-article/h/f5132b007b/a/recherche-en-eco-gestion-un-nouveau-classement-des-ecoles-et-universites.html, 4 juin 2010.

5. Source EDUCPRO, http://www.educpros.fr/detail-article/h/2ecfd6a52a/a/un-ranking-revolutionne-le-classement-des-universites-espagnoles.html, 17 juin 2009.

6. Source EDUCPRO,http://www.educpros.fr/detail-article/h/61e82132e6/a/les-universites-allemandes-s-offrent-au-marketing.html, 24 février 2010.

7. Actes du colloque organisé au Sénat, le 6 mai 2010, http://www.senat.fr/rap/r09-577/r09-5771.html.

8. Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux, du 20 avril 2010 au 13 février 2011, à la Cité des sciences et de l’industrie. Paris. www.cite-sciences.fr/contrefacon

9. Contrefaçon, la vraie livre qui parle du faux, Universcience, Palette, 48 pages, 2010. 13.

10. Source : Evaluation de la Recherche en SHS « La question du plagiat », 29 juin 2010, http://evaluation.hypotheses.org/940

11. La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 226-227, p. 5 – Éditorial : Graecia capta ferum victorem cepit… ou “Messieurs, il est cinq heures, le cours est terminé” ! DOI : 10.1051/larsg:2007031.

n°241 – « Donner cette vision globale de l’entreprise… »

Par Philippe Naszalyi

 

45 ans ! C’est l’âge de notre revue, en ce début 2010. Fondée dans les meilleures années de la croissance gaullienne, le « miracle français »,
elle se proposait en ce premier éditorial de 1965 de « Donner cette vision globale de l’entreprise…
1».

 

Une revue qui décloisonne les champs de l’activité

« Quelles que soient ses fonctions, un Cadre de Direction, a fortiori un chef d’entreprise, doit être en mesure aujourd’hui de saisir dans leur interdépendance
les problèmes soulevés par la conduite des Affaires.

S’il n’a de ces problèmes qu’une vue partielle, limitée à son champ de responsabilité, il ne peut jouer pleinement son rôle car pour être
efficace, l’action doit être solidaire, intégrée et coordonnée dans un plan d’ensemble.

Enfin, pour avoir une vue complète de l’activité de l’entreprise, chaque responsable doit pouvoir la situer dans le contexte où elle
s’exerce. Il lui faut de plus en plus étendre son horizon au-delà des frontières du secteur d’activité qui lui est familier ».

 

Une revue qui embrasse tous les aspects du management

« Avec l’apport des diverses disciplines scientifiques, et des techniques nouvelles qui en sont résultées, ces méthodes de gestion tendent à se multiplier
en se spécialisant.

Ce faisant, elles deviennent plus hermétiques et plus disparates.

Il est de plus en plus difficile de les relier entre elles, d’en délimiter les champs d’application, d’en apprécier les possibilités
d’utilisation.

Or, tout Cadre de Direction doit être en mesure, de situer dans une perspective globale, non seulement les problèmes de l’entreprise, mais
également, les méthodes permettant de les résoudre.

C’est pourquoi, il nous a paru nécessaire, à côté des revues spécialisées consacrées à ces différentes méthodes, d’offrir […] une
publication qui en fasse une synthèse, utile également pour le spécialiste ».

 

Une vision pragmatique et propédeutique de la Recherche

« Les méthodes de Direction et de Gestion évoluent rapidement. Parmi les innovations dont elles font l’objet,

– les unes, d’ordre théorique, n’ont dans l’immédiat, que des applications limitées. Il est bon cependant d’en connaître les principes,
quand ce ne serait que pour se préparer à les mettre en pratique ;

– les autres ont déjà fait leur preuve et sont susceptibles de recevoir de larges applications. Mais présentées dans un langage souvent
ésotérique, elles sont encore peu connues.

Tous ceux dont le rôle est de faire évoluer les entreprises dans le sens du progrès, doivent pouvoir se tenir au courant des
perfectionnements ainsi apportés aux méthodes de direction et de gestion.

Présenter ces perfectionnements en les illustrant par des exemples concrets, voici notre troisième objectif ».

 

Notre revue n’a pas failli à ses objectifs initiaux, quelles que soient les critiques, çà et là entendues ou lues, le champ de la direction et
gestion des entreprises s’est élargi au domaine des organisations publiques et nous avons étendu le champ de nos analyses. Ne parle-t’on pas de gouvernance publique ou de productivité dans les
services de l’Etat ?

Le domaine académique s’est ouvert à la « gestion », cette petite dernière nées dans les années 1960 en France, et devenue «
sciences »
, avec au moins autant de légitimité que nombre de ses consoeurs des sciences humaines, voire des sciences du vivant. Nous avons accompagné et porté sur le devant cette évolution
nécessaire, sans tomber dans les dérives de la déshumanisation provoquées par la modélisation qui fait florès dans d’autres sciences et vient de montrer son inanité et sa vacuité pédante.
Diafoirus a étendu son discours bien au-delà de son champ originel.

C’est pour y résister que nous avons maintenu le cap des « exemples concrets ». Point de management ou de gestion «
hors-sol »
dans nos colonnes. Nos articles ne sont pas une compilation de lectures diverses et généralement limitées d’ouvrages inadaptés à nos sphères entrepreneuriales. Il n’est que de
lire les bibliographie des articles de certaines revues pour comprendre que produire est généralement traduire et dans le meilleur des cas compiler. Ce n’est pas notre sens de la Recherche et
tant pis si nous dérangeons toujours en ne choisissant ni la facilité ni la médiocrité.

L’internationalisation pour nous, est de publier des auteurs du monde entier qui appliquent leur recherche à des sujets locaux, variés,
différents et par le fait même exemplaires, enrichissants et originaux, et non pas de plagier, résumer, imiter sans invention des auteurs souvent dépassés – la crise vient de donner un coup de
vieux certain, aux « thuriféraires des idées des autres ». Sans aller jusqu’à lancer l’anathème, rappelons-nous ce qu’écrivait déjà en 1927, Julien Benda ; « La loi du clerc est,
quand l’univers entier s’agenouille devant l’injuste devenu maître du monde, de rester debout et de lui opposer la conscience humaine. »
2

Ce premier numéro de la 45e année, se situe donc dans cette triple volonté initiale, décloisonner, considérer tous les domaines et
s’appuyer sur le terrain de l’expérience pour produire un véritable bouillon de culture, destiné autant aux cadres dirigeants qui voudraient sortir de l’immédiateté pour réfléchir avant d’innover
et agir, qu’aux enseignants pour lesquels les exemples nouveaux présentés ici, permettront de compléter leurs travaux, aux chercheurs qui comme nous le souhaitons, seront toujours enclins à
discuter, critiquer, vérifier pour créer encore du savoir nouveau, aux consultants qui veulent apporter toujours plus à leurs clients entrepreneuriaux dans une tourmente où les certitudes passées
se sont effondrées, à tous ceux enfin qui, lecteurs curieux, grapillonneront çà et là, leur provende…

… à la lecture de ces deux forts dossiers, le premier sur l’Innovation dans son aspect spatial : réseaux et territoire, et le second,
sur la mesure de la performance qui entraîne tant de bouleversements humains.
 

 

1. Les citations en italiques sont extraites du 1er éditorial de notre revue en 1965.

2. Benda (Julien) : La Trahison des clercs, Paris (1927). Julien Benda dénonce la capitulation des intellectuels français.

n°235 – Spécial rapport au président de la CGE

Cherchez ! Et vous trouverez !*”

par PhilippeNASZÁLYI

Directeur de la rédaction et de la publication

L’on dit souvent que notre revue est un peu trop académique pour les entreprises et les organisations. L’actualité nous montre qu’elles ont pourtant bien besoin d’analyser, comparer, réformer leurs modes de gestion dans un cadre respectueux de l’environnement et des cultures humaines. Nous ne cesserons de reprendre comme un « leitmotiv » cette sentence de deux remarquables universitaires américains qui, comme nous, déplorent que « les pratiques managériales ne font qu’un usage très limité des connaissances accumulées par la recherche en management1 ».

Si la crise pouvait enfin faire comprendre à ces gens trop pressés, trop accaparés, trop occupés, trop importants, trop pragmatiques, trop proches du terrain et les « mains dans le cambouis » qu’à force de négliger de se poser, pour réfléchir à la qualité de leurs entreprises, ils ont souvent conduit leurs organisations à la faillite et l’économie là où elle est, présentement.

La sagesse populaire depuis longtemps donne tort à ces activistes, « bourreaux de travail » qui pensent que l’agitation ou le temps occupé coûte que coûte sont signes de l’oeuvre. Antequam Agatis Cogitate, dit depuis Rome, le sens commun !

Beaucoup de nos faillis ou en passe de l’être, ont une vision péjorative de la pensée « académique » des universitaires, qu’ils pourraient comparer s’ils en connaissaient l’auteur, aux « êtres des nuées », qu’Aristophane « nomme » philosophes. Ce jugement nuit gravement à la transformation devenue inéluctable d’une économie en crise, n’en déplaise à ces butors.

Comme Károly Polányi, nous estimons plus que jamais que c’est l’innovation sociale qui peut remettre la société et donc l’économie qui lui est incluse, en état. On ne peut désormais qu’adhérer à cette vision « austro-hongroise », qui nous est personnellement douce, et qui constatait déjà en 1944, que le marché autorégulé « ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l’homme et sans transformer son milieu en désert2 ».

Nous y sommes.

C’est donc tout naturellement que notre revue, au sens large que nous donnons au mot de gestion, depuis 1965, direction et gestion, ou celui encore plus large qui lui vient par sa racine latine du supin du verbe : gero, is, ere, gessi, gestum« s’occuper de » qui trouve donc tout naturellement sa vocation, dans le contexte d’appréhender l’activité humaine dans sa complexité au service du seul sujet qui vaille : l’Homme.

Ce n’est pas grandiloquence que de l’écrire et de le répéter, c’est cette conviction qu’il faut souvent réinsuffler devant le matérialisme
destructeur qui conduit vers les « offres d’une amélioration économique non dirigée » pour reprendre encore l’idée de Károly Polányi3.

Là encore, nous y sommes !

Dans l’introduction du numéro qui clôturait l’année 20084, nous voulions placer 2009, qui s’ouvre avec sa cascade de cataclysmes environnementaux, financiers, économiques et sociaux, sous le signe des propositions que politiques et « experts », au discours usé jusqu’à la corde, sont incapables même d’envisager, en dehors des sentiers battus et des recettes inopérantes.

Cette force de propositions ne peut se fonder que sur la réflexion profonde, sur les bases ou les fondements d’une nouvelle « recherche
susceptible de déboucher sur des productions de richesses nationales disruptives, économiquement exploitables et créatrices d’emplois
5 ».

Parce que les Grandes écoles sont en France, un élément constant de la formation supérieure et cela depuis le « siècle des Lumières », on l’a souvent oublié ; Parce que les Grandes écoles, organisées, variées, souvent plus démocratiquement ouvertes qu’on ne le dit, à la formation sont un membre de l’« Universitas » au sens générique que nos partenaires ou concurrents, y compris l’inénarrable « Classement de Shanghai », placent sous le vocable d’université ; Parce qu’enfin, les Grandes écoles participent, dans une mesure qu’on connaît souvent mal, à la « Recherche » au sens générique que lui donne notamment le processus de Bologne auquel notre revue entend activement et pleinement participer et sa déclinaison euro méditerranéenne de Barcelone ; nous avons choisi de consacrer ce premier numéro de 2009 à la publication du rapport sur à la Recherche « dans les Grandes écoles et ailleurs », dans le cadre de l’analyse de l’existant, mais aussi de la prospective originale d’une « recherche plus autonome, plus inventive et plus entrepreneuriale6 », qui correspond bien à la volonté novatrice permanente des sciences de gestion au service des organisations humaines.

Ce rapport à lui seul interroge profondément notre société qui ne veut toujours pas remettre en cause ses modes sociaux et par le fait même, réellement l’organisation de la formation et son corollaire qu’est la recherche.

« La République n’a pas besoin de savants ! »

Nos lecteurs savent que, comme l’apôtre Paul, nous pensons qu’il faut sans cesse rappeler que des réformettes ne font pas évoluer d’un pouce une  société en panne de sens. « Interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire7 »

Il y a quelques années, nous avions marqué notre réprobation des modèles d’évaluation de la science en reprenant ce mot terrible de président du tribunal révolutionnaire à Lavoisier : « La République n’a pas besoin de savants !8 ».

Plus que jamais, et paradoxalement mais en apparence seulement, nous faisons nôtre aujourd’hui, cette phrase apparemment barbare, « La République n’a pas besoin de savants ! ». Nous n’avons effectivement pas besoin de ces savants qui comme Scott Reuben, surnommé comme l’escroc de la finance, « Dr Madoff » par les
Américains qui ont, semble-t’il, pléthore de ces hommes bien intégrés dans leur système, et truquent leurs publications pour obtenir, subventions pour leurs labos, honneurs et récompenses pour eux-mêmes. « Tel a été le sujet du dernier rapport publié en 2002 par l’Académie américaine des sciences : « Integrity in Scientific Research : Creating an Environment that Promotes Responsible Conduct9 ». Ce dernier rapport insiste non seulement sur la pratique de laboratoire, mais aussi sur la nécessité de gérer les hommes et de trouver des financements, deux aspects sources de conflits entre les financeurs et les chercheurs10 ».

Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit d’abus, dans la lignée du Coréen Hwang Woo-Suk, prétendu auteur du clonage humain en 200411ou du célèbre physicien allemand Henrick Schön12. Tous ces « savants », tous ces chercheurs ont été sélectionnés par NatureScience ou Applied Physics Letters, qui font autorité dans ce monde si « calibré » de la Recherche scientifique avec un grand « R ». Ce monde qui joue avec les « marchés ». Ces initiés qui répondent aux critères de Shanghai lesquels sont désormais la seule référence pour ceux qui ne croient qu’en une évaluation quantitative. Ils tiennent pour le malheur de la Recherche, le haut du pavé, encore !

La communauté scientifique peut bien nous montrer, avec raison pour partie, que l’abus a toujours existé et que le faussaire Vrain-Lucas, escroqua le grand mathématicien Michel Chasles et par lui, ridiculisa toute l’Académie des Sciences en sa séance du 8 juillet 186513. C’est le processus même sur lequel repose la « sanctification scientifique » qui est mis à mal, avec les implications sociétales que cela entraîne. L’un des points qui animait le patriote Chasles dans cette correspondance hallucinante qu’il acheta au faussaire, et présenta à ses pairs, tenait en cet espoir de pouvoir attribuer au « Grand Pascal », l’idée de la gravitation plus de vingt ans avant Newton.

Pour des raisons mercantiles et non patriotes, il fallut une négociation au niveau le plus élevé de l’État, pour que les Français au même titre que les Américains se voient attribuer, la découverte du virus du SIDA en 1983.

C’est dire que s’approprier la découverte ou plus simplement la pensée de l’autre ne peut que se banaliser dans cet univers. La raison financière du système même de l’évaluation et donc du fonctionnement le provoque inexorablement.

Ces pratiques frauduleuses sont désormais étroitement intégrées par le mécanisme même de la Recherche et ne sont plus qu’en apparence des faits personnels délictueux. La logique même de leur commission des actes est donc devenue d’une tout autre nature. C’est le plagiat qui se multiplie comme le démontre l’enquête auprès de 127 rédacteurs en chef de revues économiques anglo-américaines14 (celles-là même que l’AERES, à la suite de la section 37 du CNRS, classe en rang A, pour évaluer les chercheurs français et leurs équipes, leur accorder en vertu de la législation récente, les équipements, les postes et les financements !).

Ce choix d’évaluation des chercheurs et de classement des laboratoires et des centres de recherche est donc pas nature idéologique ou pire, fondé sur la méconnaissance de tout ce qui n’est pas anglo-américain. C’est une négation de ce qu’est l’Europe en devenir, négation de l’espace euro-méditerranéen qui nous concerne tant ou négations des mondes latins des Amériques, pour ne retenir que de proches et nombreux parents qui ont des modèles de pensée et de management originaux. La preuve nous est assénée même, par l’introduction du rapport de la section 37 du CNRS15 dont les conclusions de classification des revues ont été plagiées et de la pire sorte qui soit, par l’AERES : « Nous n’ignorons pas qu’il existe des revues excellentes publiant en allemand, espagnol ou italien et il est parfaitement légitime pour un chercheur d’y publier. Cependant la section ne s’estime pas compétente pour procéder au classement de telles revues ».

Ces pratiques totalitaires rappellent les capitulations idéologiques qu’il ne faut pas hésiter à rapprocher des heures sombres de notre histoire par la « collaboration » de certains intellectuels avec le vainqueur apparent d’alors.

On retrouve toujours cette perte du sens qui traverse l’Histoire, et justifie sans cesse, le titre de l’ouvrage bien connu de Julien Benda :
« La trahison des clercs ».

Bien plus encore, l’ignominie le dispute au ridicule, lorsque l’on peut trouver après le calcul automatique des étoiles (a-t’on d’ailleurs
besoin d’un « expert » pour cela ?) des qualifications qui font rire partout : enseignant « non-publiant » (car pas dans une revue anglo-américaine), mais « publiant » car ayant commis de nombreux articles sélectionnés dans d’autres revues de qualité à comité de lecture et ne figurant pas la plupart du temps, dans la « liste officielle publiée par le Kominterm »… Il convient que nos lecteurs étrangers se délectent de ces perles qui auraient ravi Gogol ou Courteline, voire Alfred Jarry.

Le drame toutefois, est qu’il s’agit de la Recherche en France et que le sujet, comme son développement ou sa promotion, mériterait mieux que ces évaluations indispensables, compte tenu des abus manifestes de certains enseignants-non chercheurs, mais qui demeurent partielles pour ne pas dire partiales, et en tout cas, sectaires. Espérons que nous serons entendus en « haut-lieu », car si les « historiens16 » ont su faire évoluer le système naissant, avec intelligence, nos disciplines, faute d’organisations crédibles ou indépendantes des financiers et des pouvoirs publics qui emploient beaucoup de leurs représentants, sont livrées aux palinodies mercantiles des trissotins mandatés.

Si comme le déclare au Monde17, le président du comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Jean-Claude Ameisen, il faut « Valoriser l’intégrité et pas seulement la compétition », il y a fort à faire alors, avec les critères quantitatifs des dignes héritiers de la pensée positiviste du XIXe siècle qui sied tant aux libéraux. Cette bibliométrie imposée comme évaluation aux chercheurs français qui protestent à juste titre contre ses critères d’un autre âge, illustre une idéologie dont tout montre chaque jour qu’elle se meurt, qu’elle est morte, parce que fondamentalement inepte et inefficace18.

Un des disciples de Raymond Barre nous rapportait, il y a peu à Nice, la réflexion de celui qui fut le « 1er économiste de France » et s’estimait heureux dans sa vie d’avoir publié huit articles contenant au moins une idée originale. « Vaut-il mieux un chercheur qui a découvert une seule idée brillante publiée dans un seul article, mais qui est beaucoup cité ? Ou bien un chercheur qui a publié d’innombrables articles, mais qui ne sont cités chacun, qu’une seule fois19 ? ».

La reproduction à l’infini sous forme de citations, dans un « facteur h », appuyé sur des calculs incontrôlés, invérifiés et invérifiables de trois moteurs de recherche20 ne peut répondre non plus, de manière satisfaisante à des critères sérieux d’évaluation. 40 % seulement des données de ces moteurs de recherche sont communs ; que fait-on des 60 autres % pour constituer l’évaluation ?

Quant aux homonymies innombrables dans les revues à l’américaine qui ne citent que le nom propre des auteurs, elles viennent atténuer encore la fiabilité des systèmes de reconnaissance des auteurs cités. Nos lecteurs auront remarqué d’ailleurs que La RSG, plus rigoureuse en la matière, demande à ses auteurs de préciser au moins la 1re lettre du prénom dans chaque citation d’auteur, afin de lutter contre ce fléau qui rend ascientifique tous les autres modèles pourtant cotés A.

Ces évaluations sont pourtant nécessaires voire indispensables. Un maintien du système actuel ou sa généralisation par des commissions « d’experts » élus du fait de leur appartenance à un syndicat, serait à coup sûr une régression, même si certains, à l’instar du CNU21, le souhaitent pour rester dans les petites combines d’appareils, les marchandages des mandarins et les copinages22 plus ou moins locaux qui ruinent au yeux de tous, et d’abord des politiques, souvent très injustes, car ignorants des réalités, l’excellence de bien des domaines de la cinquième Recherche du monde.

L’évaluation demeure donc bien compliquée à rendre signifiante et « le jugement des pairs » qui parfois semble la panacée pour certains, « peut » comme aime à le dire notre tout récent Prix Nobel de médecine, Luc Montagnier, « être aussi très sclérosant et empêcher l’innovation23 ».

L’exemple de la résistance de l’Académie de médecine aux idées novatrices de Pasteur est là pour rappeler à tous, la grande modestie qu’il convient d’avoir en ces domaines où certitude règne souvent avec intolérance, conservatisme et étroitesse d’esprit. La pensée officielle est tout aussi annihilante pour la Recherche, qu’elle peut
être génératrice de progrès lorsqu’elle signifie volonté politique et mise en place de moyens adaptés, comme ce fut le cas en France, notamment pendant la période gaullienne. C’est sans doute là
que le bât blesse le plus, aujourd’hui.

La planification a disparu, et avec elle, l’expression d’une alliance entre le possible à moyen et long terme, préparé par des experts
qualifiés, et les moyens mis à disposition par la volonté politique démocratiquement élue. La petite comptabilité de boutiquier qu’on veut imposer à la Recherche au nom de la démocratie qui demanderait des comptes à ceux qu’elle finance, tente (mal) de masquer « l’insuffisance de méthodologie pour l’élaboration de la stratégie et le défaut d’implication du Gouvernement, qui se traduisent par l’absence de choix prioritaires24 ». Que ce soit au niveau des choix scientifiques ou technologiques, comme pour ceux des autres disciplines, notamment celles de l’homme et de la société, « l’insuffisance institutionnelle dans le pilotage de la recherche » est patente.

Elle témoigne de l’absence de structure « chef de file » plutôt interministérielle et au moins rattachée à la tête de l’Exécutif, pour
éviter que le rapport gouvernemental comme le démontre l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, ne soit « qu’un panorama exhaustif de l’ensemble des pistes suivies », au lieu d’être « un instrument d’orientation entérinant une volonté publique ».

Si « l’homme d’avenir a bien les yeux tournés vers le passé », comme le disait en substance, Ernest Renan, un autre pourfendeur du Comtisme si nuisible et si répandu dans nos classes dirigeantes internationales, la remise au goût du jour, dans une sorte de morbidité sclérosante des recettes passées, par absence totale de courage, d’ambition et d’espérance, est le crime par excellence, celui de la faute (ou du péché) contre l’esprit, celui qui dans ce monde, comme un autre, demeure irrémissible.

L’espérance est notre conviction et nous incite à placer en exergue de ce très talentueux et original « Rapport de la commission recherche
et transfert à l’attention du Président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) »
cette sentence qui pourrait aussi bien être inspirée par celle que Platon pense être la mère du « passage25 » ou celle à laquelle Hésiode attribue la qualité de savoir « plus de choses que tout dieu ou homme mortel26 », Métis qui figure en titre de l’étude que nous avons choisie pour constituer ce numéro : « Qui cherche trouve27 ! »

* Luc 11 – 9.

1. http://dx.doi.org/10.1051/larsg:2007048, Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, « Hard Facts, dangerous
half-truths & total nonsens Harvard Business School Piess.
2006. Faits et Foutaises dans le Management » traduction de l’américain par Sabine Rolland, Editons Vuibert, Pans 2007. 255 pages. Présentation de l’édition française par Hervé Laroche, professeur de stratégie et management à l’ESCP-EAP. Paris.

2. Polányi Károly, La Grande Transformation (1944), Gallimard, Paris, 1983, 420 pages, page 22.

3. Polányi Károly, La Grande Transformation (1944), Gallimard, Paris, 1983, 420 pages, page 60.

4. http://dx.doi.org/10.1051/larsg/2008051 ; Ph. Naszályi : « nous pensons développer les termes de la Recherche et de l’innovation qui sont
un volet fondamental, après le travail, d’une refondation du système économique et social, dans les numéros à venir »
, Consummatum est ! Numéro 234, novembre-décembre 2008, page 5.

5. Cf. page 19 de ce numéro.

6. Cf. page 20 de ce numéro.

7. Paul, apôtre, Lettre à Timothée, 2 Tm 3 – 14 – 4.

8. http://dx.doi.org/10.1051/larsg:2005040, Philippe Naszályi, La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion, n° 216 (2005) 5-9 DOI : 10.1051/ larsg : 2005040

9. National Academy of Science, Responsible Science : Ensuring the Integrity of the Research Process,
Washington, 1992. p. 37.

10. Girolamo Ramunni, « La fraude scientifique », La Revue pour l’histoire du CNRS, N° 9 — novembre 2003, mis en ligne le 30 octobre
2006. URL : http://histoirecnrs.revues.org/document566.html. Consulté le 12 mars 2009.

11. Jacques Testart, « L’affaire Hwang Woo-suk ou les dérives de la sciencespectacle », Le Monde, 4 janvier 2006.

12. « Dark Secret of Hendrik Schon », Physists and Physicists, 29 th september 2006.

13. G. Lenotre, « L’affaire Chasles ou l’arnaque Vrain-Lucas ou Comment escroquer un membre de l’Institut de France », Historia n° 57, août 1951.

14. Thomas Bartlett and Scott Smallwood Four Academic Plagiarists You’ve Never Heard Of : How Many More
Are Out There ? Chronicle of Higher Education, 2004, december 17.
http://chronicle.com/free/v51/i17/17a00802.htm (consulté le 15 mars 2009).

15. Denis Bouyssou, Introduction à Catégorisation des revues en Économie et en Gestion Section 37 (Économie / Gestion) du Comité National de la Recherche Scientifique (CNRS), Octobre 2007, page i.

16. La forte réactivité des historiens notamment, a permis une révision des classements de revues par l’AERES pour tenir compte des la qualité réelle.

17. Le Monde, 21 mars 2009, page 20.

18. Nos lecteurs liront avec profit : « Petits conseils aux enseignants-chercheurs qui voudront réussir leur évaluation ». http://contretemps.eu/interventions/petits-conseils-enseignants-chercheurs-quivoudront-reussir-leur-evaluation.

19. Maya Beauvallet, « Les Stratégies absurdes. Comment faire pire en croyant faire mieux » Éditions du Seuil – La Martinière, 150
pages, Paris 2009.

20. Google scholar, WoS et Scopus.

21. CNU, Conseil National des Universités. C’est l’instance nationale compétente en France à l’égard du recrutement et du suivi de la carrière des enseignants-chercheurs. Il est composé de 77 sections représentant les discipline, qui sont élues qui désignent en son sein un Bureau : président, vice-président…

22. http://dx.doi.org/10.1051/larsg:2007031 ; « Graecia capta ferum victorem cepit… ou « Messieurs, il est cinq heures, le cours est terminé
»
, Philippe Naszályi, La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion, n° 226-27 (2007) 5-10 DOI : 10.1051/larsg : 2007031, page 9.

23. Entretien de l’auteur avec Luc Montagnier aux Etats généraux des CCI (Chambres de Commerce et d’Industrie) : 1resrencontres à Evry sur l’Innovation, 4 juin 2008.

24. Claude Birraux et Christian Bataille : « Rapport sur l’Évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie », enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale, annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2009. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques.

25. Platon, Le Banquet.

26. Hésiode, Théogonie.

27. Luc 11 – 10.

n°236 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi – Ploutocratie et/ou Ochlocratie ?

Ploutocratie et/ou Ochlocratie ?

Par Philippe Naszalyi

« J’ai fait une erreur en comptant sur l’intérêt privé des organisations, principalement des banquiers, pour protéger leurs actionnaires. Ceux d’entre nous qui comptaient sur l’intérêt des établissements de crédit pour protéger les actionnaires, en particulier moi-même, sont dans un état de choc et d’incrédulité. J’ai trouvé une faille dans l’idéologie capitaliste. Je ne sais pas à quel point elle est significative ou durable, mais cela m’a plongé dans un grand désarroi »1 déclarait il y a quelques mois, l’ancien président de la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED), devant une commission d’enquête des députés de son pays.

Qu’on se rassure :

– ce n’est pas la démesure (ubris) que nous fustigeons régulièrement à l’instar des auteurs grecs qui nous fait choisir de consacrer notre deuxième numéro de 2009, après le thème de « la Recherche et du développement », à la Finance. Elle constitue bien un enjeu permanent pour les gestionnaires qui se penchent avec acuité sur le fonctionnement des organisations qui nous font réellement vivre ;

– ce n’est pas non plus, volonté de provoquer les tenants de telle ou telle idéologie que de présenter des études circonstanciées sur
les activités, principalement dans les sociétés et avec des exemples pris en plusieurs points du monde que de consacrer ce numéro 236, à la finance des entreprises. L’on redécouvre, que bien plus que les grandes spéculations du monde de la banque et de ses dérivés (dans tous les sens du terme), elles sont un véritable enjeu de la poursuite de la vie de l’économie.

Il n’aura pas échappé à nos lecteurs, que nous avons usé de la facilité d’employer le terme de « société », pour celui d’« entreprise », ce qui n’est évidemment pas neutre. Tout étudiant en 1re année de « management », sait qu’en France, il n’existe pas de droit de l’entreprise, mais un droit des sociétés. C’est dire que la société de capital, et plus grave, sa logique et son système, par vide juridique, a pris le pas sur ce qui est notre sujet privilégié d’étude, l’entreprise ou plus génériquement, puisque « tout se gère »2, l’organisation. Ce n’est pas ratiociner que de relever le fait que le droit des sociétés de capitaux s’est imposé abusivement dans le monde économique comme le droit des entreprises. Les « corporations » comme disent les Américains, c’est-à-dire les sociétés d’argent des « publicains » de l’Ecriture, des « argentarii » romains, n’ont pris leur envol en France, que sous le Second Empire avec la loi du 23 mai 1863 et celle du 24 juillet 18673, durant cette période que les historiens, en suivant l’expression du publiciste-journaliste, Emile de Girardin, nomment pour des raisons souvent plus politiques qu’économiques : « l’Empire libéral ». La société anonyme est ainsi devenue le parangon de l’entreprise (mais pas celui de la vertu !).

Les adaptations juridiques ont vu le jour, à partir de 1984, avec la désastreuse loi bancaire en France qui, en voulant assurer la sécurité de ce secteur, a banalisé de fait, la finalité de l’action de tous les établissements4 de crédit. Ce qui en est suivi, ne fut à partir de 1985, (on l’oublie parfois un peu vite) que l’application méthodique et voulue des postulats des « Chicago boys », dans une rage de « bing bang » de néophyte ou de récent converti, pour certains d’entre les politiques de gauche et de droite qui indistinctement, mirent en place les mesures qui ont abouti là où notre économie et son train de misère sont arrivés.

Faire accroire que seule, la société anonyme (et ses structures approchantes) est l’unique forme de l’entreprise, alors qu’elle est, de l’avis des juristes « la forme la plus poussée de dissociation entre la propriété et la gestion »5, équivaut à « mettre sous le boisseau » les sociétés de personnes, celles dans lesquelles la considération de l’être humain (l’intuitu personae) revêt le caractère fondamental.

L’Histoire des hommes est pourtant jalonnée des découvertes les plus remarquables, à commencer par celle de l’Amérique que l’on doit, à ce que l’on appellerait de nos jours une « société en nom collectif » voire une « société en commandite simple ». Christophe Colomb dont nos anciens maîtres, Pierre Chaunu6 et Jacques Heers7 ont tant décrit l’action, n’est pas concevable, sans le commanditaire qu’est la Reine Isabelle !

La création d’un statut d’auto-entrepreneur, entré en vigueur en France, au 1er janvier de cette année8, et le succès qu’il remporte9, veut sans doute signifier qu’un retour au juste usage des bonnes
valeurs entrepreneuriales est à l’horizon et plébiscité !

Le choix de la société de capital a certes aussi, été lié au gigantisme des appels de fonds que seules les sociétés anonymes semblaient permettre depuis l’histoire des « maîtres de forge » et du chemin de fer. Cela a conduit cependant, à une telle dépersonnalisation que
nul ne sait plus qui possède l’une ou pour qui l’on travaille. Vers où vont ces géants de capitaux que sont Chrysler ou GM puisque ces fameux capitaux n’ont pas servi à ce pour quoi ils étaient
faits normalement, c’est-à-dire à l’investissement productif ? Quels noms portent véritablement ces « patrons voyous » que l’actualité, en France, fait proliférer, en même temps que la crise financière frappe ce que l’on appelle désormais l’économie réelle et qui est, en fait, le travail de l’Homme ?

On ne voit souvent que des gens qui, comme ces intendants appliquaient les mesures de la réaction féodale au XVIIIe siècle, mais n’étaient sûrement pas les seigneurs. On n’entend souvent que des logorrhées auto-justificatives de tel manageur, comme il y a peu, ceux des « parjures » de Continental et qui ne sont en fait, que les porte-parole du monstre anonyme, décrit par Antonio Gramcsi : « Le vieux monde se meurt. Le nouveau monde tarde à paraître. Et dans ce clair-obscur les monstres surgissent ».

Si abus il y a, au fond, ce n’est pas celui de quelques cadres supérieurs, appelés « manageurs » cristallisant haines ou ressentiments, qui même parfois, peuvent croire diriger ce théâtre d’ombres alors qu’ils n’en sont que les valets. Ils ne jouent que le rôle du chien qui porte la marque du collier, de la fable de notre enfance, si bien illustrée par Benjamin Rabier ou par Granville, en costume bourgeois du
XIXesiècle. Il ne leur manque que la livrée !

C’est tout un système qui confisque l’entreprise et le travail des hommes au seul profit des détenteurs anonymes du capital financier, qui se meurt devant nous !

Qui a jamais pensé que l’entreprise pouvait fonctionner avec seulement du capital ?

Midas10, selon la légende n’évita la mort d’inanition à côté de son or,
qu’en promettant à Dionysos, un retour à une juste considération de la richesse, alors qu’actionnaires et fonds de pension essaient eux, de canaliser voire de détourner Pactole.

Pourquoi nos sociétés démocratiques ont-elles perdu la notion de l’utile et du vrai, pour donner à « ces gens-là », comme le disait Brel, le pouvoir et tout le pouvoir ?

Si les « deux cents familles » sont un mythe électoralement pratique,
la Ploutocratie, elle, qui règne aujourd’hui, ne l’est pas. Selon Patrick Viveret11, 225 personnes contrôlent, en la possédant, l’équivalent de la richesse de 2 milliards et demi d’habitants de la planète Depuis de nombreuses années en Amérique, la ploutocratie a remplacé la démocratie, par suite d’une trop grande proximité de la classe dirigeante avec le monde de l’argent. Le système Bush-Cheney a atteint un degré si inusité dans la mise au service des intérêts privés, desmoyens publics que les rapines de Verrès sont devenues dérisoires. Les mensonges éhontés d’un Colin Powell à leur service, au Conseil de sécurité de l’ONU, relèguent « Tricky Dicky12 », au rang d’un enfant de choeur vidant les burettes. L’Histoire nous apprendra si cette ploutocratie ne s’est pas trouvé une solution pour maintenir l’essentiel de ses acquis, en se dotant d’une figure aimable pour les Américains, et accessoirement pour le monde (les Français sont si bon public !).

L’Europe à première vue, semble moins « abîmée » par cette dérive ploutocratique, et les règles plus anciennes, régissant les Etats, servent encore de limite au mélange irrémédiablement impur, de l’argent et du pouvoir, malgré les efforts répétés de l’actuelle Commission européenne. Celle-ci, en passe d’être « un gigantesque conseil d’administration13 », est présidée, pour peu encore, espérons-le, par José-Manuel Barroso, et dans lequel, le vibrionnant vice-président français tente de jouer, comme toujours, les utilités. Si l’Europe, comme la France de 1789, selon Mirabeau, est un « agrégat
inconstitué de peuples désunis »
, elle est toutefois devenue, en grande partie grâce à (à cause d’) eux, un ensemble de « trusts horizontaux et verticaux et de groupes de pression qui maintiennent sous leur contrôle, non seulement les produits du travail, mais les travailleurs eux-mêmes » selon le discours qui n’a pas vieilli, du « Président »14, à la chambre des députés français.

Si dans ce concert des Nations, l’Italie semble fleureter d’avantage avec l’abject du mélange des genres, toutes les démocraties, en sont atteintes, depuis près de trente ans. John Major, devenu « Chairman » de Carlyle Europe15, retrouve au conseil de cette société de placements américaine, le président George Bush père, l’ancien secrétaire d’Etat américain, James Baker et devait normalement être rejoint par son successeur du 10 Downing street si l’on en croit les sources britanniques, au moment de sasortie16. Il est vrai que l’Europe, en proposant à ce dernier, un poste diplomatique d’ampleur, retarde son entrée au « juteux conseil », et se grandit peu aux yeux du reste du Monde, par ce choix ambigu quant à la rigueur morale, de ce représentant du « Quartet ».

Sans entrer dans « la théorie du complot » que véhiculent çà et là des
organes idéologiquement connotés, il faut bien considérer que ce mélange des strates politiques et financières, qu’on a connu en France, à plusieurs reprises et que Montesquieu a si bien su rendre dans « Les Lettres persanes », au moment de la banqueroute de Law, est signe que le système politique est vermoulu. Les excès des boursicoteurs de la rue Quincampoix17, dont les « princes du Sang
»
, Conti ou le duc de Bourbon, n’ont pas été étrangers à l’abaissement moral qui frappa à mort, en la déconsidérant, la monarchie, avant que de l’emporter.

La démocratie européenne qui connaît régulièrement elle aussi, cette dangereuse dérive n’a souvent eu que deux voies pour s’en sortir. L’Histoire rappelle que les années de l’« entre-deux guerres », sont assez semblables aux nôtres, par l’abaissement des moeurs publiques
qu’on y vit, et les cascades de faillites et d’appauvrissement qui surgirent. La France a sans doute, toujours été la plus rétive à ces bassesses. Elle tombe plus volontiers en revanche, et de manière sporadique, dans ce que le grand géographe Malte-Brun appelle l’ochlocratie « ou l’anarchie populaire. (Celle qui) existe lorsqu’une multitude, une tourbe quelconque, s’empare d’un suprême pouvoir légitime. Donc la majorité même, lorsqu’elle n’est pas légalement constituée souveraine, ne peut exercer qu’un pouvoir anarchique »18. Les « assemblées générales » dans les universités en grève, ces dernières semaines, qui ont tant fait fuir, sans doute durablement, les étudiants étrangers, sont assez semblables, à cette déviance ultime de la démocratie en imposant une loi minoritaire et terroriste. Elle n’apparaît généralement que si le système représentatif en place n’apporte plus l’espoir de justice et de progrès humain (social, économique…).

La Commune qui échoua, ou les soviets qui réussirent (du moins à s’emparer du pouvoir), sont un peu semblables à cette sorte de chose.

La ploutocratie qui est le stade le plus ignoble de l’oligarchie et l’ochlocratie qui est celui de la plus grande dégénérescence de la démocratie, peuvent cohabiter un moment dans des états constitués, comme on le voit. Il faut s’interroger toutefois sur la durée qui sépare alors de la crise finale qui s’en suit toujours, si l’on ne propose pas une alternative réformatrice, voire révolutionnaire !

Elles peuvent donc, par leur coexistence simultanée, être aussi un signe que le retour aux idées fondamentales, se prépare et peut sourdre.

Plus prosaïquement pour ce qui nous concerne, puisque la finance, et notamment anglo-saxonne, est cause des maux qui accablent l’économie, il devient urgent de lui enlever son pouvoir de nuisance pour lui rendre sa capacité de servir « le bien commun ». C’est sans
doute cette « faille dans l’idéologie capitaliste » que note pour son « désarroi », Alan Greenspan que nous citions en introduction.

Pour y remédier, il nous semble que l’on devra avant tout examen, considérer que le travail des hommes, en entreprise, n’est pas la propriété des détenteurs des sociétés de capitaux plus anonymes que jamais. Cela ne signifie pas pour autant nier le rôle des finances. Il n’est que de voir, le poids du manque de crédit, que les erreurs des banquiers ont entraîné pour en comprendre son importance. Cette mesure faite, c’est la confiance des uns et des autres qui permet à
l’entreprise de créer, innover, fabriquer pour vendre et se développer et qui constitue la deuxième étape.

Deux articles, enchâssés aux extrémités, ouvrent chacun pour ce qui les concerne, (psychologie et performances de la stratégie), la perspective d’une réflexion élargie, mais toujours fondée sur l’analyse du terrain. Cela nous a amené à bâtir ce numéro de Finance, en tenant compte de ces données. C’est autour de ces deux thèmes d’analyse de la psychologie des composantes dans leur appréhension du
temps et des faits, et de mesures aussi précises que possible, que nous avons organisé ce numéro 2, de 2009.

Les normes comptables unanimement louées, puis vouées aux gémonies, souvent par les mêmes commentateurs, sont ici présentées in situ, comme il se doit dans une revue de sciences de gestion, qui se préoccupe d’abord, de finances d’entreprise. Elles ne sont pas seulement techniques, mais éminemment politiques, comme un rapport récent de l’Assemblée nationale française le découvre19. Nous ne pouvons nous empêcher de citer ce passage introductif : « Sur le plan international, les normes IFRS sont élaborées par un organisme indépendant composé d’experts : l’IASB, qui est l’émanation d’une fondation américaine composée de trustees indépendants et cooptés entre eux, via un processus de consultation sensé en garantir la qualité et la légitimité auprès de l’ensemble des parties prenantes. Pourtant, nombreuses sont les personnes auditionnées qui, estimant avoir du mal à se faire entendre d’experts parfois qualifiés « d’autistes » ou « d’ayatollahs de la comptabilité », ont souligné la mainmise de la vision anglo-saxonne et des grands cabinets d’audit anglo-saxons sur la normalisation comptable internationale.

C’est pourtant à un tel organisme que l’Union européenne a délégué, faute d’avoir su élaborer des normes comptables communes, son pouvoir de normalisation comptable…»

Pour sortir du dilemme que nous abordons furtivement, ici, Ploutocratie et/ou Ochlocratie, provoquées par la Financequi est le
dénominateur commun de ce numéro, nous essaierons de regarder de très près les choses, pour éviter l’écueil, soulevé avec sagacité déjà, par Napoléon Bonaparte, au printemps de 1789 : « On est en France comme chez un grand seigneur ruiné : du moment que l’on a de l’argent pour satisfaire au moment présent, l’on ne pense plus à l’avenir ».20

1. Alan Greenspan, Déclaration à la Chambre des représentants, Washington, 25 octobre 2008, cité par Patrice de Plunkett, Le Spectacle du Monde, n° 550, novembre 2008, page 9.

2. Philippe Naszályi : « tout se gère », There is always a management
solution… Article published by La Revue des Sciences de Gestion and available at http://www.larsg-revue.com  or http://www.larsg-revue.com/index.php?option=article&access=standard&Itemid=129&url=/articles/larsg/pdf/1996/03/larsg199615916001.pdf

3. La loi du 23 mai 1863 dispense les petites et moyennes sociétés anonymes d’une autorisation administrative. La loi du 24 juillet 1867 relative aux sociétés par actions a supprimé l’autorisation préalable de fondation d’une société anonyme.

4. Loi du 24 janvier 1984 modifiée, n° 84-46, relative au contrôle des établissements de crédit.

5. Code du Commerce, chapitre V, titre II.

6. Pierre Chaunu, Colomb ou la logique de l’imprévisible, Bourin, 1993, 303 pages.

7. Jacques Heers : Christophe Colomb, Hachette, Paris, 1991, 666 pages.

8. La Loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008, Titre 1 chapitre I instaure le statut de l’entrepreneur individuel communément appeléauto-entrepreneuravec comme date d’application le 1° janvier 2009.

9. « Grâce à la mise en oeuvre du régime de l’auto-entrepreneur 47 121 entreprises créées, soit +89 % par rapport à fin 2008 », Record de créations d’entreprises en mars 2009 par Yves Soulabail, mercredi 22 avril 2009

10. « Le roi Midas a des oreilles d’âne », « Midas has the ears of an ass ! » Article published by La Revue des Sciences de Gestion and available at http://www.larsg-revue.com or http://dx.doi.org/10.1051/larsg:2007001

http://www.larsg-revue.com/index.php?option=article&access=standard&Itemid=129&url=/articles/larsg/abs/2007/01/larsg200722301/larsg200722301.html

11. Patrick Viveret, au Forum « Réinventer la démocratie », Grenoble,
France-inter, le 7-9 du samedi, parStéphane Paoli et Sandra Freeman,9 mai 2009, 8 h 35.

12. Surnom du Président Richard Nixon, « Richard le tricheur », après
l’affaire du Watergate en 1974.

13. Le Président, film d’Henri Verneuil, dialogues de Michel Audiard d’après un roman éponyme de Georges Simenon. Paris, 1er mars
1961.

14. Le Président, film d’Henri Verneuil, op. cit.

15. Business Editors London- (Business Wire)-May
14, 2001 « The Carlyle Group is pleased to announce that John Major, the former Prime Minister of Great Britain, will be joining the firm as Chairman of Carlyle Europe ».

16. « He’s Eyeing up £250K Job With Arms
Trade Link Firm »
Tony Blair… is being lined up for a highly lucrative position with the Carlyle Group — an Americanbased investment giant with strong links to the White House and the
defence industry… » Sources in the City have revealed that he is « seriously considering » a high-profile role with Carlyle… » Last night one leading City source said : « Private equity firms
don’t come any more powerful than Carlyle. »
At one time, Carlyle’s multi-million pound investors included Saudi members of the… family of…
Osama bin Laden. » http://www.theleftcoaster.com/archives/001237.php

17. C’est là que se trouvait les bureaux de la compagnie des Indes de John Law. On se reportera à l’ouvrage mémorable d’Edgar Faure, La Banqueroute de Law, 17 juillet 1720, Paris, Gallimard, coll. « Trente journées qui ont fait la France », 1977, 742 pages.

18. Conrad Malte-Brun, Jean Jacques Nicolas Huot, « Précis de la géographie universelle ou description de toutes les parties du monde sur un plan nouveau, d’après les grandes divisions naturelles du globe ; précédée de l’histoire de la géographie chez les peuples anciens et
modernes, et d’une théorie générale de la géographie mathématique… », éditeur Aimé André, Livre 47e, Paris 1837, pages 689-690.

19. Rapport n° 1508 d’information déposé, en application de l’article 145 du Règlement, par la Commission des finances, de l’économie
générale et du plan, relatif aux enjeux des nouvelles normes comptables et présenté par MM. Dominique Baert et Gaël Yanno, Députés. AN. 10 mars 2009.

20. Lettre de Napoléon Bonaparte à son oncle, Joseph Fesch, le 28 mars 1789 in Charles Napoléon : « Napoléon par Napoléon, pensées, maximes et citations », Le Cherche Midi, Paris 2009, 282 pages, page 15.

n°229 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi – Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée

par Philippe NASZÁLYI, Directeur de la rédaction et de la publication

Qu’on ne s’y méprenne pas, ce n’est pas parce que ce 1ernuméro de 2008 est consacré au « marketing » que nous songeons à entrer dans un débat bien franco-français sur la popularité de telle ou telle personnalité.

Nous avons naguère rappelé, que faute d’idéal, de conviction ou de stratégie à long terme, une catégorie nouvelle de marketing était apparue : « le marketing politique » et que ce n’était sans doute pas le meilleur du genre. A l’heure où la France se prépare à élire ses conseils municipaux pour les 36 683 communes, après un septennat (la France cultive le paradoxe) de mandat de ses maires, et une partie des conseillers généraux qui vont gérer la centaine de départements qu’elle comprend, nous entendons nous tenir éloignés d’un combat qui n’est pas celui de notre revue, même si, comme le rappelle le premier article de ce numéro, l’art militaire a été transposé au marketing(1)…

La renommée qui nous intéresse ici, n’est donc pas celle éphémère et volatile que déversent jusqu’à satiété, les organismes de sondages, mais celle de la sagesse qui éloigne du clinquant et des apparences de la « ceinture dorée ». La « presse » lui donne aussi, ces temps derniers un terme qui y ajoute une idée de bruit ! Là encore nous ne souscrirons pas à ce tohu-bohu qui éloigne de l’essentiel…

Notre sujet est plus proche des étoiles, si l’on peut dire. En effet, s’il est une urgence à réaliser pour rénover la Recherche en France, c’est
bien celle de la sortir du copinage qui prévaut dans les notations les plus diverses. L’on me dira, que seuls les pairs peuvent se juger et se jauger. C’est le vieux privilège de l’exception judiciaire ecclésiastique qui remonte plus ou moins laïcisée du Moyen-âge pourtant si décrié (à tort), par nos modernes trissotins patentés. N’est-ce pas çà aussi la « Kakistocratie »(2) ?

Certaines commissions de quelques, oh ! combien prestigieux (naguère !), organismes, ne savent plus arbitrer entre leur tendance naturelle (et leur intérêt) à l’empathie corporatiste et l’analyse sérieuse et objective des réalités tangibles. On s’étoile entre soi comme nous l’avons démontré il y a peu, et ce n’est pas hélas, en France, l’apanage des universitaires. Il est vrai que là encore, le débat franco-français des SHS (sciences humaines et sociales) leur est mortel car elles se déconsidèrent quand ce n’est déjà fait, auprès des Pouvoirs publics (c’est-à-dire ceux qui décident de leur sort), de l’Etranger qui ne les comprend plus, et pas seulement parce qu’elles s’expriment en français ou dans un sabir proche de l’anglo-américain pour les auteurs qui ont choisi le renoncement de la « Collaboration », mais bien parce que de chapelles en copinages, de vessies en lanternes, de compromissions en plagiats, elles ont souvent perdu toute crédibilité parce que toute créativité.

Loin de tout cela, nous avons résolument choisi le « Grand large » c’est-à-dire, l’International dans sa diversité et l’Ethique dans son unicité, et cela depuis des dizaines années(3).

International, ne veux évidemment pas dire perdre son âme en épousant tout ce qui vient « d’Outre quelque chose » pour avoir l’air de penser. « A trop épouser la mode on est trop rapidement veuf » aiment à le répéter les historiens et nous les suivons dans cette boutade !

Nous croyons que la pensée en gestion ou management, puisque là est notre spécialité, est ouverte dans ses champs d’expérimentation et donc d’analyse, aux entreprises privées, bien sûr, mais aussi, n’en déplaise aux « gestionnaires étroits », aux organisations que sont les associations ou les organismes de l’économie sociale, aux établissements publics de taille et de statut, variés comme les collectivités, les hôpitaux ou les universités dont nous analysions la gouvernance dans notre numéro précédent(4).

C’est parce que toute se gère que le management doit s’étendre aux différentes formes de culture et qu’il n’est pas une pensée unique, même si souvent il existe une pensée dominante.

Certains « capitalistes monétaristes », je préfère cette appellation qui ne galvaude pas le beau mot de « libéral », au sens que Tocqueville lui donnait, ont ceci de commun avec les « communistes léninistes » qu’ils n’envisagent que l’extermination de leurs contradicteurs, par essence rabaissés au rang de « non-êtres » ou de « non-pensants ».

La France produit même, de temps en temps, des « rapporteurs » variés, aux multiples publications, aux livres nombreux, aux propositions définitives et impératives dont la vacuité rappelle à ceux qui s’en souviennent, les « savantes élucubrations constitutionnelles » de l’abbé Sieyès en 1799. Bonaparte enterra les propositions de celui qui lui, au moins, s’était tu, durant les dix ans qui venaient de s’écouler, et l’on n’entendit plus parler ni de l’abbé, ni de ses propositions…

Que nos lecteurs non hexagonaux, (ils représentent la moitié de notre lectorat) me pardonnent d’avoir succombé à cette actualité désolante et purement locale, alors que nous développions l’aspect quasi universel et en tout état de cause, varié et multiculturel de la gestion et de ses approches.

Le deuxième axe que nous voulons renforcer est celui de l’Éthique. Sur le blog de la Revue(5), en attendant le site qui devrait être définitivement ouvert à l’été prochain, comme dans nos éditoriaux, nous avons insisté sur notre détermination à combattre le plagiat si pratiqué par les revues de nos amis américains dont les meilleurs se battent pour l’expurger leurs publications(6).

Une Recherche originale, c’est aussi une recherche publiée par ses auteurs et non empruntée partiellement ou totalement au nom du malfaisant argument d’autorité.

Notre revue est déterminée à mettre en place, avec ceux qui le voudront, une labellisation éthique et de qualité qui balaie les critères des classements liés à la langue et/ou « purement postaux » des Américains du Nord et les copinages éhontés qu’on rencontre ici. Les étoiles qu’on distribue bien trop « curieusement » en France en
sont le signe. Rappelons à ceux qui les dispensent, que les sept dorées d’un Maréchal naguère, ne valaient sûrement pas les deux, fraîchement cousues d’un Général.

Le Comité Indépendant de Veille Internationale Stratégique (CIVIS) dont nous avions annoncé qu’il serait révélé dans ce 1ernuméro de 2008, est l’aboutissement et le commencement de ces deux fondements.

Pour rendre efficace cette conception et la structurer, nous avons à développer des liens étroits avec des correspondants internationaux — ou des groupes de personnes – qui sont des références dans chaque région du monde.

Ces interlocuteurs auront pour fonction d’identifier, rassembler, présélectionner, les meilleurs travaux parmi les plus avancés dans tous les domaines des sciences de gestion dans quelle que langue que ce soit, afin de permettre leur publication.

Cette pensée managériale peut être formulée par les jeunes chercheurs comme par les plus chenus ou les plus reconnus aussi bien que par des hommes d’entreprise ou d’organisation pourvu qu’elle soit éloignée des modèles lus et relus. Nous voulons continuer à faire sourdre un management original et aider à le faire connaître dans un cadre labellisé par l’Ethique.

Remercions les Professeurs Jean-Charles Chebat et Michelle Bergadaà qui ont accepté sans hésitation de nous apporter leur soutien, leur prestige, leur dimension internationale et éthique et cela, depuis longtemps. Nous sommes partie prenante de leurs combats.(7)

Avec les réseaux, dont ils sont les têtes de pont, les professeurs, Claude Albagli avec le CEDIMES, et Claude Martin avec le Groupe PGV, étendent la dimension internationale de notre revue tant pour sa diffusion que pour l’appel d’air que constitue la source de rédacteurs toujours plus nombreux.

Saïd Boumendjel (Algérie), Ion Stergaroiu (Roumanie) et Jean-François Verne (Liban) sont à titre individuel, représentants de pays dans lesquels notre culture est particulièrement présente malgré les difficultés du développement ou des crises violentes. Ils sont pour nous un modèle de travail à réaliser.

Nous espérons qu’ils seront rejoints pas d’autres personnalités, y compris, car c’est un des enjeux de notre démarche, hors de la zone francophone.

Charles Waldman qui enseigne dans une Ecole à culture anglo-américaine (INSEAD), à deux pas de Paris, est le signe que tout partenariat, parce qu’il est fondé sur le respect et l’écoute de chacun, est notre objectif.

Enfin, Ludovic François qui maîtrise les enjeux internationaux dans ses enseignements et ses responsabilités à HEC Paris, a accepté le lourd et ingrat travail du secrétariat-général, qu’il soit d’avance remercié.

« Bonne renommée vaut plus que ceinture dorée », la publication du CIVIS (nous ne pouvions résister à cet acronyme parlant) Comité Indépendant de Veille Internationale Stratégique 8en est l’application et prend tout son sens dans ce numéro spécial « Marketing ».


  1. La Revue des Sciences de Gestion, direction et gestion des entreprises, n° 230, pages 11 à 19.
  2. Nous nous permettons de renvoyer nos lecteurs au numéro 226-227 La Revue des Sciences de Gestion, direction et gestion des entreprises, page 8 notamment.
  3. Comme les précédents, ce numéro en apporte le témoignage.
  4. La Revue des Sciences de Gestion, direction et gestion des entreprises, n° 228, pages 23 à 32.janvier-février 2008.
  5. Nous renvoyons nos lecteurs à notre blog et à ce remarquable jeu de l’été sur le plagiat.
  6. Enders and Gary A. Hoover : « Whose Line Is It ? Plagiarism in Economics », Journal of Economic Literature, Vol. 42, No. 2 (June, 2004), pages 487-493.
  7. Madame la Professeure Michel Bergada à d’HEC Genève (http://responsable.unige.ch/index.php) anime le site : « Internet : Fraude et déontologie selon les acteurs universitaires » ; « Ce site est dédié à tous les professeurs, assistants et étudiants qui refusent de fermer les yeux sur la fraude pratiquée via Internet et le plagiat des mémoires et des thèses ».
  8. On trouve la liste complète du CIVIS avec les fonctions en page 2 de couverture de ce numéro.

n°228 – « Faits et Foutaises dans le Management » ou « Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense (1) » !

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n°228 – Editorial

 
« Faits et Foutaises dans le Management » ou
« Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense (1) »
!
Philippe NASZÁLYI
Directeur de la rédaction et de la publication
Qu’il est roboratif de découvrir venues d’Outre-Atlantique, des idées neuves qui
contredisent tant de très nombreuses et dangereuses contrevérités bien européennes celles-là !
Qui parmi nous n’applaudira pas à cette évidence que souligne le préfacier(2)
de l’édition française des deux éminents professeurs de Stanford, que les « pratiques managériales ne font qu’un usage très limité (quel
doux euphémisme !) des connaissances accumulées par la recherche en management »?
Les mesures prises en novembre 2006(3), par le Gouvernement français, de supprimer l’imputation des frais d’abonnement à des revues professionnelles, de la participation des employeurs au
développement de la formation professionnelle, risque encore d’augmenter ce « gap » entre Recherche et management opérationnel, si préjudiciable à la formation de qualité de nos cadres
et dirigeants !
Il n’y aura d’ailleurs plus que la presse qui satisfait tant leur narcissisme intéressant ces hommes politiques toujours en quête
de leur image idéalisée par les medias généralistes et qui réclament toujours plus, tant ils perdent de lecteurs. C’est le salaire de leur
veulerie qu’ils entendent obtenir et que toutes tendances confondues, le monde politique est prêt à leur donner, en sacrifiant la presse spécialisée, indépendante et professionnelle dans une
logorrhée européano-moderniste liberticide à la « Barrot ».
Ce dernier numéro de 2007 s’essaie donc à traiter d’abord, de la Gouvernance en trois dossiers thématiques à la fois distincts
et liés. En effet, le terme en lui-même se prête à de nombreusesinterprétations plus variées les unes que les autres et suscitant parfois critiques et débats houleux, mais demeurant parfoisune
utopie oscillant entre la philosophie politique et les impératifs financiers.
Des quatre articles qui composent le 1erdossier sur l’impact de la gouvernance, les deux premiers constituent un double clin d’oeil à une actualité politique et sociale agitée en
France comme en Belgique ou en Europe. Deux universitaires marseillais analysent avec talent « la crise comme stratégie de changement dans les organisations publiques ».
Souhaitons notamment que les patrons et cadres dirigeants de certaines entreprises publiques françaises ou allemandes, relevant le gant du défi de la « Recherche en management » en fassent
profiterleurs « pratiques managériales » ! Deux universitaires « belges » nous apportent ensuite leur exploration de « l’efficacité du Conseil d’Administration en tant que mécanisme de
gouvernance dans les organisations universitaires
» ! En cette fin d’année
troublée, par l’entrée en application de la très bien venue loi dite LRU(4)
dans les Universités françaises qui ont tant besoin de se réformer, comme nous le soulignions dans notre éditorial précédent(5), souhaitons que l’Université belge puise nous apporter des méthodes de gouvernement. L’occasion
est trop belle pour ne pas la saisir en ce moment !
Deux universitaires tunisiens mettent en parallèle le rôle du système de gouvernement d’entreprise dans l’innovation
technologique
en l’appliquant à un secteur souvent peu étudié en gestion, à tort, le secteur agro-alimentaire.
Ce dossier se termine par l’analyse par deux universitaires camerounais d’une gouvernance jugée plus classique, celle qui considère les
déterminants de la rentabilité,
mais rapportés novembre-décembre 2007 avec originalité et sagacité aux valeurs culturelles ambiantes, illustrant à la perfection ce que J. Pfeffer et R. Sulton (ou plutôt
leur traductrice
) nomment : « les avantages d’une intégration renforcée(6)».
Européenne ou africaine, cette recherche managériale illustre s’il en était besoin encore, que notre revue développe une pensée originale et
riche de tous les apports que la diversité seule peut faire naître.
Laissons donc aux autres, l’hexagonalité de leur pensée, qui n’est enrichie, si l’on peut dire, que par les « Hard Facts, dangerous
half-truths & total nonsense »
de leurs modèles périmés.
On finira bien par s’apercevoir un jour, même dans les arcanes secrets et tortueux de la recherche stipendiée, qu’elle fait un mal incalculable,
notamment aux élèves qu’ils entendent réduire à leur scène d’ombres. « Sine, ut mortui sepeliant mortuos suos(7)
», ces « morts-vivants(8) », « et continuons, nous, à diffuser cette recherche qui fait notre raison d’exister et
de publier(
9) » ! Le dossier suivant entend cerner un problème rarement abordé, celui des PME et de leurs finances autour de trois thèmes, les
variables propres aux structures financières des PME
que développent deux jeunes chercheurs belges, la grande difficulté à appréhender l’artisanat, comme structure de
TPE
typologiquement définissable grâce à une étude complète d’un universitaire de Limoges, tandis que les rapports difficultueux, par essence même, des PME avec les
banques
sont abordés par deux chercheurs rémois, proches également d’une École de commerce.
La variété de nos auteurs, non plus seulement géographique, mais d’origine et d’âge, illustre ici, notre volonté d’ouvrir nos colonnes à toute
recherche pour peu qu’elle se fonde sur une méthodologie éprouvée que notre Comité Scientifique de Lecture a considéré propre à enrichir le lecteur, de cas remarquables par leur originalité et
leur caractère scientifique.
La transition avec le 3edossier qui traite de « finances de marché », (aurions-nous dû écrire « marchés »?) nous est procurée par l’article fort actuel, même s’il
se veut analytique de faits plus anciens, sur les Risques, comportements bancaires et déterminants de la surliquidité que la globalisation financière fait courir à la planète en
ces temps de hedge founds désordonnés et de crise immobilière américaine(10). Après cette analyse venue de l’Université de Yaoundé, c’est la Sorbonne qui prend le relais sur l’Interaction entre clause de remboursement
anticipé d’une obligation et risque de défaut
. Toute la technicité de la « nouvelle finance » ! Enfin deux enseignants- chercheurs de Tunisie apportent à partir d’une excellente
monographie d’entreprise, une analyse de l’effet de la privatisation sur l’importance des stakeholders.
Peut-on trouver meilleure illustration, dans ce numéro, de ce que R. Pfeffer et J. Sutton entendent promouvoir par le livre que nous avons cité
en titre, qui est le credo de la Revue, depuis 1965 c’est-à-dire qu’il n’est de management que fondé sur la preuve, en américain, EBM, « Evidence Based Management » et que tout
le reste n’est que du vent ou pour en revenir au titre français : « des foutaises ».
1. Titre de l’ouvrage de Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, Harvard Business School Press, 2006, traduction de l’américain par Sabine Rolland,
Editions Vuiber t, Paris 2007, 265 pages.
2. Présentation de l’édition française par Hervé Laroche, professeur de stratégie et management à l’ESCP-EAP, Paris.
3. Circulaire de la DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006; c’est l’expression d’une Direction Générale de l’Emploi et de la Formation
professionnelle (DGEFP) qui ne pouvant rien, et depuis des années, pour l’Emploi, sabote une partie de la Formation Professionnelle des entreprises, c’est-à-dire la remise à niveau des
connaissances tout au long de la vie, pour justifier sa propre existence.
4. Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, JO n° 185 du 11 août 2007, page 13468; http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ESRX0757893L.
5. « Graecia capta ferum victorem cepit… ou « Messieurs, il est cinq heures, le cours est terminé » ! La Revue des Sciences de Gestion,
direction et gestion des entreprises, n° 226-227, juillet-octobre 2007, pages 5 à 10.
6. Op. cit, page 77 sq.
7. « Laisse les morts ensevelir les morts », Luc IX, 60.
8. Au sens que Marcel Gauchet donne à ce terme dans son Introduction générale à « L’avènement de la démocratie », tome I, « La
révolution moderne
», NRF, éditions Gallimard, Paris, 2007, 206 pages: « Sommes-nous vraiment condamnés, sans espoir de retour, à l’agitation immobile et à l’agonie perpétuelle des
mortsvivants de la posthistoire?
».
9. Très libre paraphrase de la suite de l’interpellation: « tu autem vade, annuntia regnum Dei » et « va donc annoncer le royaume de
Dieu ! ».

10. On pourra aussi se reporter à notre éditorial : « La banqueroute est au coin de la rue ou les arbres ne montent pas jusqu’au ciel
!
» du n° 224-225, mars-juin 2007, pages 5 à 8, pour la partie plus factuelle des choses.

n°228 La Revue des Sciences de Gestion – Impact de la gouvernance – PME et finances – Finances de marché

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 228, novembre-décembre 2007

Lire les résumés des articles ; Abstract – Resumen
FAITS ETFOUTAISES DANS LEMANAGEMENT»OU« HARDFACTS,DANGEROUS HALF-TRUTHS&TOTAL NONSENSE» !
par Philippe Naszályi
Lire les résumés des articles ; Abstract – Resumen
IMPACT DE LA GOUVERNANCE
LA CRISE COMME STRATÉGIE DE CHANGEMENT DANS LES
ORGANISATIONS PUBLIQUES
par Claude Rochet et Olivier Keramidas
EFFICACITÉ DUCONSEIL D’ADMINISTRATION EN TANT QUE MÉCANISME DE GOUVERNANCE DANS LES
ORGANISATIONS UNIVERSITAIRES EN BELGIQUE
:UNE ÉTUDE EXPLORATOIRE
par Antonios Mpasinas et Alain Finet
LE ROLE DU SYSTÈME DE GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE:UNE ÉTUDE EMPIRIQUE DANS LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE TUNISIEN
par Habib Affes et Jamel Chouabi
LES DETERMINANTS DE LA RENTABILITÉ:UNE ÉTUDE APPLIQUÉE AUX VALEURS CULTURELLES AMBIANTES DANS LES
INDUSTRIES MANUFACTURIÈRES AUCAMEROUN.
par Lucien Kombou et Jules Roger Feudjo
 
L’actualité de la gestion par Philippe Naszályi
Lire les résumés des articles ; Abstract – Resumen
PME ET FINANCES
 
LA CONTRIBUTION DE VARIABLES PROPRES AUXPMEET À LEUR DIRIGEANT DANS L’EXPLICATION DE LA STRUCTURE D’ENDETTEMENT DESPME
par Olivier Colot et Mélanie Croquet
TPEEN DIFFICULTÉS, TPESAINES:QUELLES DIFFÉRENCES? MÉTIERS DE L’ARTISANAT
par Alain Rivet
RESTRUCTURATIONS BANCAIRES,CHANGEMENTS ORGANISATIONNELS ET RELATIONBANQUE-PME
par Ghassen Bouslama et Mehdi Nekhili
Lire les résumés des articles ; Abstract – Resumen
FINANCES DE MARCHE
 
RISQUES,COMPORTEMENT BANCAIRES ET DÉTERMINANTS DE LA SURLIQUIDITÉ
par Robert Wanda
INTERACTION ENTRE CLAUSE DE REMBOURSEMENT ANTICIPÉ
D’UNE OBLIGATION ET RISQUE DE DÉFAUT
par Marion Goffin
EFFET DE LA PRIVATISATION SUR L’IMPORTANCE DESSTAKEHOLDERS,FONDEMENTS THÉORIQUES ET ÉTUDE MONOGRAPHIQUE
par Sabri Boubaker et Tarek Salaani
Lire les résumés des articles ; Abstract – Resumen
COLLECTIVITÉS LOCALES : « Comment optimiser la performance de votre gestion comptable et financière », compte
rendu du séminaire de formation du 8 novembre 2007, organisé par le Réseau Idéal, en partenariat avec Sage, l’Ordre des Experts-comptables et La RSG

n°223 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi : Plans et conflits sociaux – Performances et/ou Management responsable ?

Télécharger ici tous les résumés des articles du numéro

EDITORIAL

Le roi Midas a des oreilles d’âne !
éditorial par Philippe Naszàlyi, directeur de
LaRSG, page 5

DOSSIER : PLANS ET CONFLITS SOCIAUX

Les réductions d’effectifs comme mesure de restructuration pour favoriser la performance : analyse empirique sur le cas français
      par Eric Severin, page 13
Les survivants à un plan social : analyse confirmative pour une GRH différenciée
       par Delphine François-Philip de Saint-Julien, page 25
La gestion des risques de conflits sociaux dans les PME
       par Chantal Mornet-Périer, page 41

DOSSIER : PERFORMANCES ET/OU MANAGEMENT RESPONSABLE ?

Responsabilité sociale des entreprises et performance : complémentarité ou substituabilité ?
       par Jean-Yves Saulquin et Guillaume Schier, page 57
L’acquisition des compétences par le recours au marché de contrôle d’entreprises : une source d’avantage
concurrentiel
       par Nacer Gasmi, page 67
Réseau social du dirigeant et performance de la TPE
      par Lucien Ndangwa, François Désiré Sonna et Paul Djeumene, page 75
Vers une conception globalisée des systèmes d’information intégrant tous leurs usages
       par Claire Noy et Jacques Ruiz, page 87
Le lean-manufacturing dans les industries travaillant en
juste-à-temps avec flux régulés par takt-time
      par Gilles Lasnier, page 99
L’apport de la théorie des parties prenantes à la modélisation de la responsabilité sociétale des entreprises
       par Astrid Mullenbach-Servayre, page 109
L’alliance de marques : facteurs de succès et effets sur les marques Partenaires
       par Rim Boudali Méthamem et Mustapha Zghal, page 121
Le management responsable comme modèle de gestion de
l’obsolescence morale
       par Jean-Claude Dupuis, page 131

Info : actualité de la gestion

n°222 La Revue des Sciences de Gestion – Spécial marketing

>EDITORIAL

>> Où en est le marketing ? (PDF)
       éditorial par Philippe Naszàlyi, directeur de
LaRSG, page 5
>> Pour une réforme du marketing : réseau de valeur et co-construction de valeur
par Philippe Portier et Gilles Marion, page 15

>
DOSSIER : MARKETING ET MONDIALISATION
>> Stratégies de localisation et Supply Chain Management
par
Karine Evrard Samuel et Alain Spalanzani, page 25
>> Le temps des risques : une démarche
de marketing d’une destination touristique face au nouveau contexte touristique mondial
par
Tan Vo Thanh, page 35

>
DOSSIER : MARKETING ET MARQUES
>> La personnalité de la marque, outil stratégique sur le marché du
prêt-à-porter féminin
par Joël Gouteron, page 47
>> La relation entre la satisfaction et la fidélité à la marque
: Une étude empirique auprès
des consommateurs tunisiens de yaourts
par Leila Achour, page 61

>> DOSSIER : MARKETING ET COMPORTEMENTS
>> Enquêtes verbales et biais méthodologiques : le cas des Sénios et de leurs non-réponses
par
Gaëlle Boulbry, page 69
>> Un supermarché qui vendrait ses
propres produits éthiques, quelles représentations pour le consommateur ?
par
Léopold Lessassy, page 79
>> La contribution de l’adolescent dans
les décisions d’achat de la parabole : un essai de modélisation intégrant « variables de socialisation » et
« ressources de l’adolescent»
par
Nibrass Haj Taïeb El Aoud , page 89

>>DOSSIER : MARKETING
ET INNOVATIONS
>> Étude exploratoire des propriétés
psychométriques de l’échelle DSI dans le contexte tunisien
par
Mourad Touzani, page 109
>> Les stratégies des grandes surfaces en tunisie et la qualité de service perçue par le consommateur
par
Chaker Daly Najeh et Mustapha Zghal, page 121

>>
DOSSIER : MARKETING ET OUTILS
D’ANALYSE
>> Réflexions sur l’élaboration d’un guide EDI pour les PME
par Selma Arbaoui et Joëlle Morana , page 131
>> L’image du pays :
proposition d’une échelle de mesure
par Samy Belaïd, page 141
>> La médiation affective
dans le cycle d’apprentissage par l’échec commercial

par Julien Cusin, page 149
>> Obligations à option
incorporées : approche binomiale
par
Marion Goffin, page 161

>>
Info
: actualité de la gestion
>>
Chronique bibliographique

n°220-221 La Revue des Sciences de Gestion – Gouverner l’entreprise

>> « Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ! » (PDF), éditorial par Philippe Naszályi, directeur de LaRSG, page 5 

Dossier : Gouverner l’entreprise
>> L’odyssée d’un concept et les multiples figures de l’entrepreneur
par Azzédine Tounes et Alain Fayolle, page 17
>> Le profil du dirigeant comme variable explicative des choix de diversification en agriculture
par Vincent Lagarde, page 31
>> L’incomplétude et l’incertitude dans la
relation de travail
par Sandrine Frémeaux et Bernard Baudry, page 43
>> Aide à la décision par l’analyse
sémantique des interactions dans l’organicube : modèle d’entreprise
par Yvan Kowalski et Marino Widmer, page 49
>> Méthodologie d’aide à la structuration et à la formalisation des textes juridiques
par Rim Faiz,
page 61
>> Qualité du résultat, mécanismes de gouvernance et performance boursière des firmes Internet
par Inès Messaoud, page 73
>> La validation de l’alignement de projets sur la stratégie d’organisation : le cas du canal de Panama
par Jean-Paul Paquin, Alain Le Méhauté, Serge Raynal et Tamás Koplyay, page 85
>> Réseaux d’alliances et asymétries du pouvoir — Microsoft et les navigateurs Internet
par Rached Halloul, page 95
>> Performance et mesure de la décision : réflexions théoriques et applications sur le cas Tunisien
par Ziadi Jameleddine, page 107

Dossier : Apprentissages organisationnels

>> Attention et formes réticulées d’organisation : le cas des communautés cognitives
par Alain Cucchi, page 125
>> L’apprentissage organisationnel et individuel dans le processus de décision
par Marc Bollecker et Laurence Durat, page 139
>> Réflexions sur la construction de l’identité de cadres industriels à l’épreuve de la mobilité internationale
par Philippe Pierre, page 149
>> Comment les signaux d’alerte, nommés « erreurs », agissent-ils sur les liens entre les jeunes diplômés et leurs hiérarchiques ?
par Christian Bourion, page
159
>> Le transfert de compétences au sein des alliances interentreprises euro-méditerranéennes en question : Le cas des entreprises tunisiennes et égyptiennes
par Karim Said, page 177
>>
Les cadres intermédiaires, leviers du changement radical
par Gaha Chiha, page
183
>> Mode d’apprentissage e-learning : vers quelle cohérence organisationnelle ?
par Corinne Baujard, page 189

>>
Chronique bibliographique (PDF)

Vous retrouverez également dans la publication papier des appels à communication, à papiers, présentations de colloques… inédits.

n°216 La Revue des Sciences de Gestion – Spécial finance et responsabilité éthique

Télécharger ici tous les résumés des articles (pdf)

>> « La République n’a pas besoin de savants ! »(pdf), éditorial parPhilippe Naszalyi

Dossier : Finance et responsabilité éthique

>>L’éthique des affaires : le cas Enron
>> Légitimité et réglementation dans la gouvernance dans les sociétés américaines et françaises
>> Indépendance des analystes lors de l’introduction en bourse
>> Pratiques comptables et système d’information des PME
>> Évaluation des options sur obligations
>> Stratégie d’innovation, diversification et gestion des résultats
>> Diversification des firmes et appréciation des marchés
>>La performance des fonds obligatairesfrançais

Hors dossier
>> L’actualité de la gestion (pdf)
>>Culture d’entreprise et contrôle de gestion

Vous retrouverez également dans la publication papier des appels à communication, à papiers, présentations de colloques… inédits.

n°218 La Revue des Sciences de Gestion – Intelligence économique et stratégie de l’innovation

Télécharger ici tous les résumés des articles (pdf) 

>> « Et nunc reges intelligite ! »(pdf), éditorial parPh. Naszalyi

Dossier : Intelligence économique et stratégie de l’innovation

>> Veille anticipative et intelligence collective : usages
innovants
>> Veille et organisation : enjeux pour l’innovation ?
>> Hypercompétition, rentes et brevet : le management des droits de la propriété industrielle
>> Fusions-acquisitions : le choc des cultures
>> Intelligence
économique et PME
>> Dynamisme et stratégie des groupes pharmaceutiques
>> L’alignement de
projets : une démarche systémique
>> L’utilisation des canaux à distance : le point de vue des dirigeants de banque
>> Impact des
technologies sur les performances commerciales
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n°218 La Revue des Sciences de Gestion – Editorial par Philippe Naszalyi – Et nunc, reges, intelligite, erudimini, qui judicatis terram !

Et nunc, reges, intelligite, erudimini, qui judicatis terram !

Philippe NASZÁLYI
Directeur de la rédaction et de la publication 

« Pendant qu’ils font de la sociologie, ils ne sont pas au chômage ! » me répondait avec conviction, en mars 2003, un ministre du gouvernement français qui me recevait dans sa mairie.

Effectivement, comme le montrent les études des chercheurs en sociologie, ce sont les « populations d’origine moyenne ou populaire » 2 dont « le capital scolaire est assez faible » et qui en général « sont plus âgées que la moyenne » qui s’inscrivent dans ces matières à l’université et qui deviennent « le plus souvent (des) employés » ou sont « en statut précaire » ou « travailleurs sociaux »3.

« La pseudo démocratisation de l’université est en fait un massacre organisé » comme le souligne si justement Grégoire Bigot4.

On dénombre :
– 67 197 étudiants en psychologie ;
– 53 874 étudiants en histoire ;
– 52 709 étudiants en science de l’informatique et de la communication ;
– 28 053 étudiants en sociologie ;
– 5923 étudiants en archéologie, ethnologie et préhistoire.

Pour ne retenir que ces disciplines universitaires.5 Cette entrée en masse en premier cycle est encore accentuée par la multiplication des baccalauréats technologiques ou professionnels comme le montre bien Alain Chenu6, nécessitée par la volonté politique du « grand bond en avant » qui doit amener dans « l’avenir radieux », 80 % de classes d’âge au Baccalauréat. Comme le souligne l’analyse d’Odile Piriou pour ces étudiants de sociologie appelés de ses vœux par ce Ministre d’alors, il y a bien des difficultés, contrairement aux autres disciplines, à trouver un modèle professionnel autre que le « sociologue académique de l’Université ou du CNRS » 7.Or, et c’est une évidence, malgré l’augmentation importante des enseignants du supérieur en cette matière, les débouchés professionnels manquent cruellement ! La professionnalisation matérialisée naguère par la création des DESS
(Bac + 5) n’a pas plus été une réussite, hormis bien entendu les matières déjà essentiellement professionnelles, comme le souligne encore Charles Soulié à la suite de Pierre Bourdieu. Un diplôme
« en dehors du marché académique8 » ne vaut « en grande partie (que) ce que vaut déjà socialement mais aussi professionnellement son porteur »
9.

A ouvrir largement, sans sélection, à des enfants de milieux défavorisés, en raison de leurs origines sociales et scolaires, des premiers cycles universitaires, est une stupidité doublée d’un crime social et économique. « Comme la sociologie, la psychologie ou les langues » 10, il est tout aussi criminel, depuis 2002, d’avoir laissé filer la création des masters professionnels (successeurs des DESS) dans ces disciplines dont les débouchés ne devraient, au moins pour la sociologie à ce niveau, n’être que l’enseignement supérieur ou la Recherche ! 

« La société du risque »

En dénaturant la réforme du LMD11, depuis 2002 par corporatisme, imprévoyance ou lâcheté, les ministres de l’Education Nationale français, à commencer par le séduisant « dîneur en ville » devenu coqueluche des « Hauts Plateaux » 12 ces médias à la mode dont certaines chaînes de télévision prétendument d’information, ont amené la jeunesse estudiantine là où elle en est.

« Seule la France est capable d’un tel génie pervers et finalement destructeur de l’idée même d’enseignement public » 13. Il ne faut donc pas s’étonner que ces jeunes désabusés « qui se pensent plus rarement qu’autrefois comme de futurs intellectuels » 14 brûlent les écoles qui les ont laissés sans diplôme (150 000 selon le Ministère) ou dégradent les universités qui ne les conduisent qu’à la précarité et à l’exploitation. Il faut être bien incompétent ou obstinément inconscient, comme naguère Jules de Polignac15, pour proposer à des étudiants de sociologie, de lettres ou de sciences humaines, dont les débouchés sont à 80 % dans le secteur public ou para-public, des contrats de travail uniquement destinés aux entreprises privées.

Il faut aussi avoir une véritable méconnaissance de ce qu’est une entreprise et de ce que sont les orientations politiques, « traditionnellement à gauche, des étudiants comme des enseignants de ces disciplines » 16 pour mettre ainsi en porte-à-faux les chefs d’entreprise à commencer par ceux des TPE et des PME. « Les patrons vont payer très cher un soutien mesuré d’un contrat devant lequel ils ont été mis devant le fait accompli » s’insurge Sophie de Menthon17.

Qu’il est doux d’entendre encore, les doctes fonctionnaires devenus des hommes politiques fustiger ces jeunes « qui ne savent plus prendre de risque ». Si nous sommes bien entrés dans la « société du risque » 18 au sens d’Ulrich Beck, c’est-à-dire celle où « la production sociale de richesses est systématiquement corrélée à la production sociale des risques », nous sommes entrés dans une « paupérisation nouvelle19».

C’est l’attitude face au risque, c’est-à-dire la manière de le répartir, de le gérer ou de l’éviter qui détermine aujourd’hui les processus économiques mais surtout politiques et sociaux. Si la « stratégie du hérisson » « toutes épines dehors » ne produit pas l’effet escompté, comme le souligne Didier Heiderich, « les multinationales, les pouvoirs financiers et politiques (qui) n’ont d’autres volontés que de protéger le statu quo » doivent alors mettre en place une manœuvre d’évitement en « transférant les risques vers le bas de la hiérarchie sociale20».

Cette dimension sociale qui reprend des termes connus explique semble-t-il mieux cette crispation qui est apparue dans la société française lors de « la crise du CPE » qualifiée à juste titre de « mesurette » par la Présidente d’ETHIC qui prône que « Pour chaque filière l’ANPE ou le patronat pourrait évaluer les débouchés afin d’avertir les jeunes, attention, à la fin d’un cursus de sociologie, vous avez une chance sur mille de trouver un boulot » 21. Voilà donc réconciliés, chercheurs en sociologie et patrons, voilà surtout fustigée « la politique du chien crevé au fil de l’eau » selon l’excellente expression du Président de la Sorbonne pour qualifier la politique éducative des gouvernements successifs22.

Le « bougisme »

La pire des hypocrisies est bien alors de s’étonner qu’une jeunesse aussi fourvoyée par la seule volonté des gouvernements puisse trouver raisonnablement un emploi. Non seulement 150 000 jeunes, selon les sources ministérielles, sortent-ils du système scolaire sans diplôme, mais ceux qui, après un parcours du combattant « reviennent en gueules cassées », pour une majorité d’entre eux23 et reviennent avec un diplôme universitaire, après 5 ou 8 années de cursus (selon les redoublements) ne trouvent évidemment pas de travail à la mesure de leur formation et de leur niveau de connaissance. Dire que ce contrat de travail, le CPE, n’était destiné qu’à ceux qui, sans formation, restent au bord du chemin, c’est oublier bien vite la loi de Gresham qui énonce que : « la mauvaise monnaie chasse la bonne », et que par extension cela s’applique évidemment aussi, aux mauvais contrats de travail !

Le chômage des hommes peu qualifiés est passé de 5,4 % en 1981 à 13 % en 2002, celui des « qualifiés », c’est-à-dire diplômés du supérieur de 3 % en 1981 à 5,4 % 24. Il en est de la responsabilité de la classe dirigeante qui s’était engagée dans la stratégie de Lisbonne à doter « l’Europe d’ici 2010 de l’économie, de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique (en se donnant comme objectif de rattraper puis de dépasser les Etats-Unis) capable d’une croissance durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, d’une plus grande cohésion sociale, dans le respect de l’environnement » 25. Plutôt que de réformer l’enseignement supérieur, « l’Etat républicain qui ne fonctionne plus comme une puissance d’impulsion, un point névralgique producteur d’initiatives »26 préfère agiter les peurs ou les réprobations pour justifier ce que l’on nomme, dans le politiquement correct, le « changement » qu’Eric Delbecque appelle avec justesse « le bougisme27 confondu avec le véritable changement ». C’est bien de cela qu’il s’agit en effet et deux études économiques au moins ont relativisé les chiffres atterrants qu’à l’envie, le mode politico médiatique relaie, en sachant parfois qu’ils sont tronqués.

« Le vertueux mensonge !»

Dans leur analyse, les effets des délocalisations sur l’emploi en France, G. Daudin et S. Levasseur l’écrivent sans ambages : « les données utilisées dans ce débat public pour appréhender les conséquences des délocalisations sont trop souvent de faible qualité ». C’est un euphémisme et l’on ne peut qu’inviter nos lecteurs à se reporter à cette étude de près de 30 pages qui apporte un éclairage excellent : « le gouvernement actuel utilise aussi ce type d’argument pour justifier les réformes structurelles du marché du travail » écrivent les deux jeunes analystes de l’OFCE avant
de rappeler que « les salaires plus faibles ne sont pas la source exclusive de la croissance des importations » et que « le dumping monétaire » est loin d’être indifférent dans les rapports déséquilibrés avec des pays émergents comme la Chine28 comme nous l’écrivions déjà en 1998. Il est dommage qu’une fois encore, ce soit le Président des Etats-Unis29 qui l’ait compris tandis que le Président de la Banque Centrale Européenne s’enferre dans le monétarisme le plus dévastateur30. Plusieurs économistes ont, par ailleurs, apporté des nuances aux chiffres admis sans discussion par l’ensemble de la classe politique et médiatique et qui figurent dans l’exposé des motifs de la proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise 31 qui est devenue loi et remplace le mort-né CPE. C’est ce que Philippe Monti appelle un « vertueux mensonge »32.

En effet, si 23 à 24 % des jeunes Français de 15 à 24 ans se trouvent être demandeurs d’emplois, il s’agit, bien entendu, de tous ceux qui ne sont pas scolarisés. En effet, si l’on rapporte comme pour toutes les autres catégories, le nombre de jeunes chômeurs (609 000) à la totalité de leur classe d’âge (7 833 709) on découvre alors, et c’est plutôt rassurant, que seuls 7,8 % des jeunes Français de 15 à 24 ans, sont au chômage, soit moins que la moyenne européenne (qui est de 8,2 %).

C’est ce que déclarent un peu dans le désert, à partir d’une étude du CEREQ, à la fois, le professeur Jacques Marseille33, trois économistes d’une autre « Ecole » 34 ou le professeur Olivier Favereau qui ajoute d’ailleurs que les jeunes ont une « durée de chômage » significativement plus faible que celle de toutes les autres classes d’âge : trois mois de 20 à 24 ans, contre dix mois de 40 à 44 ans… c’est-à-dire que les jeunes « sont plus employables » que les plus
âgés35. Il est donc réconfortant que les chercheurs et les universitaires soient d’accord sur les données réelles, même si l’on peut considérer, comme on l’a vu plus haut, que les jeunes Français sont plus longtemps scolarisés que les Européens. 

Et nunc, reges, intelligite…

Toutefois, la « méconnaissance de la réalité statistique ne peut que surprendre de la part de dirigeants supposés instruits ou correctement conseillés » 36 sauf si l’on considère que les hommes politiques, on n’ose plus les appeler « hommes d’Etat », « ces professionnels hyper spécialisés dans les jeux de pouvoir » selon la bonne formule de Jacques Marseille37, négligent la vérité des faits économiques tant cette culture est fort éloignée de leurs préoccupations réelles.

Quant aux journalistes, même pour ceux que l’on répute sérieux, est-ce paresse ou manquements fondamentaux à l’éthique élémentaire qui les fait reproduire sans vérification des approximations éminemment dangereuses pour leurs lecteurs ou les auditeurs ? De nombreux observatoires des Médias ont une fois de plus pointé avec justesse ce manquement de la presse française, « ces faiseurs d’opinion » beaucoup trop liés aux « dîners en ville » pour ne pas parler de cohabitations plus intimes !

Quoi qu’il arrive, le véritable perdant est une fois encore l’économie française et l’image de l’entreprise. Le « constat est rude ; les étudiants français les plus brillants n’ont pas envie d’être entrepreneurs, les investisseurs étrangers aiment moins la France, les entrepreneurs français sont convaincus que le « climat » est plus agréable à Genève ou à Bruxelles… Quant aux hommes publics, responsables syndicaux ou encore membres du corps professoral, peu parmi eux considèrent l’entreprise comme suffisamment noble pour y consacrer plus d’intérêt que cela » souligne Frédéric Bedin, Directeur Général du Public System et membre du Comité Directeur de Croissance Plus38, faisant aussi écho à Sophie de Menthon qui, à la sortie de la crise du CPE se désole que le « dramatique fossé entre l’enseignement qui justement pose problème vient de se creuser un peu plus ? Ce n’est pas le corps professoral qui va souffler l’esprit d’entreprendre39.

Rapprocher l’entreprise et l’université, voilà bien l’enjeu de ce que l’on avait appelé la loi Devaquet40 et son échec à l’automne 1986 à la suite de manifestations comparables à celles de ces dernières semaines. De là est ancré dans l’esprit de certains et relayé par la presse anglo-américaine ou chez certains Européens que la France est devenue irréformable.

Ce que reprennent à l’envie pour le culpabiliser, nombre de «  personnalités » qui estiment, à tort, que le « pauvre vieux pays » est ingérable ou que l’Education Nationale est un vestige stalinien.

…erudimini, qui judicatis terram !

Il y a toujours des contempteurs de leur propre pays. Ce furent les Bourguignons qui voulaient que la couronne passât aux « Anglois » et que défit Jeanne d’Arc. Ce furent des Catholiques qui autour des
Guise souhaitèrent la victoire de l’Espagne contre la dynastie des Valois puis celle des Bourbons. Ce furent, plus près de nous des « collaborateurs » qui souhaitèrent la victoire des Nazis contre le pays du Front populaire. Tout comme nos contemporains, ils pensent représenter le réalisme, le sens inéluctable de l’histoire ou celui de la construction d’une Europe idéale contre les tendances rétrogrades des peuples. Ils oublient qu’un pays qui à l’heure actuelle et à lui tout seul, fournit les excédents démographiques des 24 autres pays n’a guère de leçons d’avenir à recevoir de pays malthusiens41 où la mort dépasse la vie et dont les populations sont en décroissance absolue42.

Il est temps de clore la bouche à ces propagandistes de l’idée de la décadence, non pas au nom d’un patriotisme économique, mais bien au nom de la vérité des faits. Que la France qui entraîne à elle seule la totalité de la croissance de la population européenne depuis plusieurs années ait envie de se faire entendre de l’Europe, quoi de plus naturel. Que ses habitants, plus jeunes, plus divers que les autres, refusent l’uniformisation issue de systèmes qui leur sont hostiles, quoi de plus sain et de plus naturel car la France « joue un rôle spécifique et nécessaire »43en Europe.

Le nier « c’est manifester une haine de soi nihiliste et, dans le même mouvement, vassaliser notre continent, préparer le triomphe du nouvel ordre moral si cher à toutes les oligarchies financières et à tous les cénacles néo conservateurs, américains ou européens… » affirme encore avec force, Eric Delbecque dans une analyse si réconfortante de la part d’un si brillant chercheur de 33 ans.

En revanche, il y a bien un absolu échec des constructions européennes depuis Maastricht et Amsterdam à mettre en
place la « société de la connaissance » pourtant prévue par le protocole de Lisbonne. Sans contestation possible, le rapport de Wim Kok44, malgré le désir de la Commission européenne de minimiser la portée de ce document, le confirme. « En matière de R & D, on sait que la politique européenne a constamment balancé entre rhétorique de l’excellence et réalité du saupoudrage dans un contexte globalement marqué par la modicité des moyens et la lourdeur des procédures » 45. D’ailleurs, l’Europe, de l’aveu même de la Commission vient tout juste de lancer une consultation sur les améliorations à apporter aux règles communautaires en matière d’aides d’Etat pour ce qui concerne les projets encourageant l’innovation46. « Au cours des dix dernières années, alors que l’Europe donnait l’impression d’avancer, avec le marché unique, l’euro, l’élargissement, etc., elle a, en fait, fait du surplace ».47

Il est bien évident que le « volapük intégré48» qu’a fabriqué l’Europe, depuis quelque temps, trop longtemps même, sous la conduite d’un vieillard cacochyme qui depuis des années, croit et fait croire que toutes les mauvaises idées qu’il propose, le quinquennat fut l’une d’elles comme on le voit, sont signe de « modernité » alors qu’elles ne sont qu’une manière de détourner, avec la complicité de beaucoup, des vrais combats à mener comme celui de la formation ou de
l’innovation au sens schumpétérien 49 du terme. Dénoncer les insuffisances et les mauvais combats n’est pasnier la réalité, bien au contraire. L’on peut clairement dire que l’Europe et donc la France et ses entreprises se trouvent dans une véritable guerre économique qui a remplacé, pour le moment, les guerres qu’elles soient chaudes ou froides, depuis la n de l’empire soviétique au début des années 90. Désormais, l’entreprise est bien au centre de l’antagonismeentre les puissances économiques et il n’est pas étonnant que le « marketing
warfare
» mis en lumière en France par François Le Roy à la suite des chercheurs américains Philip Kotler et de R. Singh50 et d’Al Ries et Jack Trout51 eux-mêmesdans la lignée de Clausewitz52 et des stratèges de la guerre des siècles passés, soit à la pointe de la stratégie de la guerre économique. Comme le souligne Ludovic François « l’entreprise est au coeur de luttes d’influence » et un nombre croissant de grands groupes et de PME sont victimes « d’agressions par l’information » qu’on peut classer en deux catégories : « des opérations de déstabilisation à des fins concurrentielles » et des « crises éthiques » 53. Avec l’idée de la guerre économique est apparu le concept d’intelligence économique. Dès 1994, le président américain Bill Clinton lance une déclaration de guerre économique qui vise à asseoir la domination des entreprises américaines tant dans la conquête de nouveaux marchés que l’intégration et l’économie dans un marché globalisé dominé et appuyé par le contrôle de l’information.

« Pour faciliter la conquête des marchés » déclarait Marc Racine54, le Gouvernement américain « a mis en réseau tous les services de l’Etat susceptibles d’aider les entreprises grandes ou petites ». C’est l’Advocacy policy, cette politique de défense qui a été mise en place dès 1993
autour de deux organismes : le Trade Promotion Coordinating Committee55 et l’Advocacy Center56.

C’est en 1994 qu’Henri Martre, dans un rapport fondateur du Commissariat général au Plan sur « l’intelligence économique et les stratégies d’entreprise » 57 démontre l’intérêt de mettre en place une sorte de cellule de guerre pour défendre les intérêts de l’économie et des entreprises françaises et donc européennes. Et pourtant, « L’histoire ne repasse pas les plats58 ». C’est par cette expression populaire que Bernard Carayon, rappelle que depuis le rapport Martre, la politique française, dans le domaine de l’intelligence économique, est faite « d’efforts disparates et désordonnés et parfois de ratiocinations intellectuelles, de barbouzeries d’officines ou de
verbiages anglo-saxons de consultants
».

La première application du rapport de 2003, est la nomination d’« un haut responsable chargé de l’intelligence économique » en la personne d’Alain Juillet59 dont la mission est de sensibiliser à la guerre économique les entreprises tout autant que les administrations. A sa nomination, il estimait qu’il faudrait au moins trois ans pour que l’Etat réussisse à remplir son contrat pour « amener la majeure partie des entreprises françaises à utiliser l’intelligence économique en vue d’améliorer leurs compétitivités face à la concurrence mondiale60». La « veille attitude » pour emprunter l’expression de Jean Michel61.

« The accumulation of Knowledge »

Pour mettre en place « la société de l’information », « la société de la connaissance », consacrer 3 % du PIB en dépenses de R & D, à l’horizon 2010 au lieu des 2,10 %, aujourd’hui62, il faut réaliser un effort considérable qui ne peut venir que d’une prise de conscience et d’une mobilisation de tous les acteurs économiques. Le Japon qui sort de dix ans de restructurations et les Etats-Unis « qui est le pays le plus interventionniste quant il s’agit de protéger les intérêts de ses entreprises et quand il faut les accompagner sur les marchés mondiaux » comme le souligne encore Bernard
Carayon63 sont partis devant l’Europe. Ils sont suivis par la Russie et la Chine voire l’Inde, au moins. La saine réaction du Président de la Bibliothèque nationale64, même si elle se heurte à la fois au
scepticisme méprisant des traditionnels « thuriféraires de la décadence » et à la difficulté de mettre en place toute action dans le cadre européen présent, est « un véritable plaidoyer pour un
sursaut » concrétisé déjà par un accord francophone, le 28 février 2006.65

En effet, si l’on veut que les oeuvres de l’esprit retrouvent leur place, il faut qu’elles soient justement ,rémunérées ; là encore, le débat qui a lieu au Parlement sur l’application à la législation française de la directive « droits d’auteur » a montré la fragilité du respect que les parlementaires accordent au travail intellectuel, culturel, scientifique ou artistique.

Sous des prétextes fallacieux et démagogiques d’« exception pour les Bibliothèques » ou pire, d’« exception pédagogique » soutenues sans se rendre compte des conséquences, aussi bien par la CPU66 que par la CGE67, alliées des partisans de la « licence globale » au nom de l’accès à tous à la culture qui rendent le pire service que l’on peut
à la Recherche et à la Création. C’est la protection du droit d’Auteur, comme la législation française a su le conserver qui comme pour « l’exception culturelle » a permis, permet et permettra la
vie et la revitalisation des œuvres de l’esprit. La magnifique réussite du cinéma français en est un exemple limpide. Le travail de l’esprit qui a mis si longtemps à être considéré dans les
sociétés paysannes et matérialistes européennes, risque à tout moment de sombrer car il ne peut en aucune façon être offert gratuitement. Le développement de l’Innovation ne peut se faire que par le foisonnement, mais aussi la juste et convenable rémunération des idées et de leurs créateurs sous toutes leurs formes. Là encore, avec « les exceptions » les plus émouvantes possibles, c’est être sérieusement archaïque que de le nier ou volontairement conscient que cela favorise comme toujours les puissants établis ailleurs.

Un tiers des nouveaux produits lancés par Procter et Gamble est développé hors des murs de l’entreprise, dans le cadre de ce qu’Henry Chesbrough appelle l’Open Innovation du model « Connect and Develop », nouvelle appellation de R & D.68

La guerre économique, c’est aussi le renseignement et la veille, une stratégie d’anticipation et une vision proactive qui se fonde sur des réalités précises : 19 des plus grandes entreprises des Etats- Unis ont moins de 40 ans alors que les 25 premières entreprises françaises ont plus de 40 ans.69

51 % des entreprises de haute technologie sont américaines du Nord, 28 % ont leur origine dans la zone Asie-Pacifique et 17 % sont européennes.70

« La force des Etats-Unis aujourd’hui, c’est Dell, c’est Google, c’est E-bay, c’est Cisco… Ce n’est plus ni General Motors, ni Hewlett-Packard, La force de l’Angleterre, c’est Easyjet, Vodafone ou Virgin… Ce n’est plus ni Rover, ni British Airways » 71 s’exclame avec fougue le jeune patron de
« The Phone house », Geoffroy Roux de Bézieux qui préside aussi aux destinées du groupe d’entrepreneurs « CroissancePlus ».

Sans partager totalement cet enthousiasme « du passé, faisons table rase ! », il est évident que l’innovation au sens le plus large, préside à la création et au développement de ces fleurons de l’économie voire des NTIC comme elle se retrouve aussi dans de grands groupes comme Veolia, ancienne compagnie générale des eaux créée en 1853, avec ses 250 000 collaborateurs72ou chez Dassault Systèmes qui appartient à un groupe né après guerre.

Ce discours rappelle cependant que les PME, c’est-à-dire 98 % des entreprises et 60 % de l’emploi sur le continent européen peuvent être également l’un des vecteurs de l’innovation et du développement73, mais qu’il existe une véritable « difficulté pour les start-up de trouver en France plusieurs grandes entreprises technophiles, c’est-à-dire clientes, pour se développer »74hors d’un grand marché protégé.

Rappelons cette vérité des chiffres que les entreprises du CAC 40 ou les 101 plus grandes (celles de plus de 10 000 salariés) représentent 58 à 60 % des fonds investis en R & D, même si cela reste en part des profits et du chiffre d’affaires, notoirement et très largement insuffisant comme le souligne, Jean-Hervé Lorenzi, qui y voit avec raison, la véritable cause de la faiblesse française75.

Ce sont ces « gazelles »76qui doivent être encouragées. C’est bien
dans cet esprit que nous avons bâti le dossier sur l’Intelligence économique et sa relation avec la stratégie de l’Innovation.

La dizaine d’articles qui le composent tient compte de la diversité des problématiques sans jamais les épuiser : les « informations terrain » et le problèmes de management interculturel que nous plaçons résolument dans le cadre de l’intelligence économique, la compétition pour développer ce que certains appellent la rente technologique, les adaptations des organisations y compris les PME aux technologies et à la lutte « intelligente » constituent un ensemble cohérent où s’allient expériences et réflexion conceptuelle avec Internet au cœur.

Selon une pratique maintenant éprouvée, nous achevons ce numéro par un article « hors-dossier » qui est une très originale et excellente leçon à mettre en application en comptabilité en s’inspirant de Delaporte. Décidément la gestion nous rappelle avec justesse ses liens avec la science historique !

Cette masse d’information est là aussi pour nous rappeler qu’une étude récente nous informe que si l’âge moyen des prix Nobel et des plus grands inventeurs a augmenté « d’environ six ans au XXe siècle »77, alors que celui des exploits sportifs ne bouge pas, c’est comme le constate son auteur, le professeur Benjamin Jones de la Kellog School of Management78, parce que l’acquisition des connaissances préalables à toute découverte originale pèse plus lourd aujourd’hui…

Comme Benjamin Jones, Pierre Tabatoni enseigna à la Nortwestern University (Kellog). Qu’il me soit donc permis de les
associer, en rendant hommage à celui qui fut l’un de nos fondateurs et qui vient de nous quitter, en citant cette formule lapidaire qu’il affectionnait et qui peut constituer à la fois le résumé et l’introduction de ce numéro :

« L’innovation n’est pas une discipline universitaire ni un thème fréquent de doctorat. Elle est pourtant une des sources majeures de l’évolution de nos sociétés de technologie, de concurrence et de communication » 79.

Que cette lecture soit pour vous, « The accumulation of Knowledge » !

Notes

1. Littéralement : « Maintenant, rois, comprenez ; instruisez-vous, juges de la terre » Cette citation du Psaume (Ps., II, 10) est utilisée comme une antienne et avec la traduction suivante qui nous semble mieux appropriée à cet article : « Entendez, ô grands de la terre ; instruisez-vous,
arbitres du monde
» par Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, lors de l’Oraison funèbre d’Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre et veuve du roi décapité Charles Ier Stuart, le 16
novembre 1669 au Couvent de la Visitation-Sainte- Marie-de-Chaillot. Nous citons ici l’introduction de ce morceau particulièrement brillant de l’éloquence jusqu’à l’introduction par son auteur, du verset du Psaume II « Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons. Soit qu’il élève les trônes, soit qu’il les abaisse, soit qu’il communique sa puissance aux
princes, soit qu’il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur apprend leurs devoirs d’une manière souveraine et digne de lui. Car en leur donnant sa puissance, il leur commande d’en user comme il fait lui-même pour le bien du monde ; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que, pour être assis sur le trône, ils n’en
sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C’est ainsi qu’il instruit les princes, non seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite, erudimini, qui judicatis terram. »

2. Charles Soulié : « Mais que deviennent nos étudiants ? Une enquête sur le devenir professionnel des étudiants en sociologie ? », La lettre de l’ASES, n° 29, octobre 2000, page 1.

3. Charles Soulié, ibid