Modifié le 22 juin 2024.
Ecole d’été du Réseau de Recherche sur l’Innovation
Pensez les révolutions industrielles
– 27-30 août 2014–
Université du Littoral – Boulogne-sur-mer
Appel à communications pour la session
La place des petites et moyennes entreprises dans la première « révolution industrielle »
Organisée par : Cédric Perrin et Sophie Boutillier
Si l’expression « révolution industrielle » inventée par Adolphe Blanqui en 1837 a laissé dans les
représentations collectives l’image d’un processus rapide, soudain et quasi inattendu, l’historien attentif remarque avec raison qu’il n’en a rien été et qu’en dépit de l’ampleur du processus, il
a été progressif. Ce qui nous conduit à souligner deux points d’importance : d’une part depuis la Renaissance, il existait des formes embryonnaires de grandes entreprises (voir par exemple les
manufactures royales ou encore l’industrie des indiennes qui se développent à partir du 17e siècle), d’autre part l’industrialisation qui débute à la fin du 18e siècle n’a pas entrainé la
disparition radicale des petites entreprises et ateliers. Une division du travail, selon les secteurs d’activité, a perduré, processus qu’A. Marshall avait bien mis en évidence. La révolution
industrielle a certes donné naissance à de grandes entreprises mobilisant des milliers d’ouvriers travaillant dans des conditions difficiles sur des machines-outils actionnées par le feu de la
machine à vapeur, mais des différences géographique et sectorielles sont manifestes.
Comme le souligne fort justement P. Verley (1997), le système usinier, qui se met en place avec la première révolution industrielle, permettait la production de demi-produits (fonte, fer, fil)
qui fut écoulée sur de vastes marchés. En revanche, la production de biens différenciés, pour des marchés proches du consommateur final, était davantage le fait de petites unités de production.
Ainsi, en 1860 la taille moyenne des entreprises industrielles en France était de dix salariés, contre 350 dans les mines et près de 200 dans la sidérurgie. Dans de nombreux autres pays d’Europe,
la grande entreprise n’apparaît que tardivement, dans la seconde moitié du 20è siècle. La grande entreprise se concentre dans les secteurs situés en amont du processus industriel, à forte
intensité capitalistique et en main-d’oeuvre, alors que la petite entreprise se situe plus en aval. Marshall souligne à ce propos la grande souplesse de la petite entreprise, laquelle assimile
rapidement les informations nouvelles venant de l’extérieur. Aussi si le petit industriel (selon les termes de Marshall) est rarement au premier rang dans la marche vers le progrès, il a la
capacité de l’assimiler rapidement. Le poids des petites entreprises dans le système industriel des pays européens est resté important en fonction du degré de personnalisation du produit. Ainsi,
la fabrication de vêtements masculins s’est industrialisée plus rapidement que celle des femmes parce que le vêtement masculin s’est uniformisé, standardisé avant celui de la femme. Par ailleurs,
les petites entreprises occupent une autre place importante dans le système industriel par le biais la sous-traitance, de capacité ou de spécialité. Sans nier l’existence de relations
concurrentielles, il existe bien une division du travail entre grandes et petites entreprises, qui est à la fois évolutive dans le temps (en fonction de l’évolution des techniques), mais aussi
des secteurs d’activité. La petite, voire très petite, ou la moyenne entreprise apparaissent beaucoup plus comme complémentaires que concurrentes de la grande entreprise. Cette composante de
l’organisation industrielle, observable au 19e siècle, perdure de nos jours. La France, l’Italie, le Japon, voire l’Allemagne, ont développé des structures industrielles dualistes, dans
lesquelles quelques grandes entreprises co-existent avec un tissu dense de PME. Portant, c’est le poids relativement élevé des petites entreprises dans le système industriel français qui a été
désigné par nombre d’historiens, notamment anglo-saxons (voir par exemple les travaux de D. Landes), comme étant la raison du retard relatif français par rapport à l’industrie britannique. La
société française, trop attachée à ses traditions, aurait tardé à prendre le tournant de la modernisation. Les troubles engendrés par la Révolution de 1789, puis l’instabilité politique qui en a
découlé pendant plusieurs décennies, ont très certainement freiné la modernisation du pays, bien que cette période ait été riche d’innovations techniques dans différents domaines (machine à
coudre, conserve alimentaire, etc.) touchant la vie quotidienne des individus. L’histoire économique est longtemps restée centrée sur le rôle moteur de la grande entreprise et sur le modèle
anglais. Mais, depuis la fin du 20è siècle, différents travaux ont conduit à réapprécier la place des petites entreprises dans le processus d’industrialisation ; notamment (mais pas uniquement)
en se réappropriant le concept de district industriel de Marshall. S’agissant de la première révolution industrielle, la petite entreprise apparaît désormais davantage comme la norme et la grande
entreprise l’exception ; y compris en Angleterre. Ce n’est véritablement que lors de la seconde révolution industrielle à la fin du 19è siècle que la grande entreprise émerge. Le concept de
révolution industrieuse de J. de Vries insiste sur le caractère protéiforme et dispersé de l’industrialisation sur la longue durée.
Ce questionnement sur la place des petites entreprises pendant la première révolution industrielle en entraine un autre. Celui de la croissance de la taille des firmes. Une petite entreprise
est-elle une grande entreprise « dans l’enfance » ou une entreprise qui n’est pas destinée à grandir ? Une petite entreprise qui n’est pas rachetée par une plus grande ou qui n’en devient pas une
est-elle nécessairement une entreprise qui a échoué ?
Par ailleurs, l’expression « petite entreprise », si elle est commode d’utilisation, est aussi fondamentalement imprécise. L’entreprise est-elle petite en raison de l’effectif employé, des
capitaux mobilisés, de ses marchés (plutôt locaux que mondiaux) ? Le seuil est-il bien le même dans toutes les branches d’activité ? Quel rôle joue l’entrepreneur en tant qu’acteur économique ?
Le dirigeant d’une petite entreprise n’est-il qu’un « simple » chef d’entreprise ou peut-il être un entrepreneur schumpéterien ?
Enfin, dernier point important : quelles ont été les politiques publiques suivies en faveur des petites entreprises au 19e siècle ? Les petits patrons avaient-ils une force de négociation
suffisante pour imposer leurs revendications vis-à-vis de la concurrence – parfois féroce – du système usinier ? Qui étaient précisément ces petits patrons du 19e siècle, qui avaient parfois au
niveau local un poids politique important ?
Les propositions de communication peuvent traiter des questions suivantes :
1. Poids des petites entreprises selon les secteurs d’activité, évolution de la division du travail dans le temps ;
2. Situation du système productif français et comparaison avec d’autres pays européens ;
3. Monographie d’une petite entreprise/entrepreneur dans un secteur d’activité donné, qu’elle soit restée une petite entreprise ou devenue une grande entreprise ;
4. Politique économique vis-à-vis des petites entreprises au 19e siècle ;
5. Evolution historiographique relative à la place des petites entreprises dans la révolution industrielle ;
6. Financement des petites entreprises (épargne propre de l’entrepreneur, rôle de la famille, rôle des banques, etc.) ;
7. Le poids des petites entreprises dans le progrès technique.
Dates importantes
Plus d’informations : http://says.univ-littoral.fr/
– Envoi du résumé de la communication avant le 15 avril 2014 à
Sophie Boutillier : Sophie.Boutillier@univ-littoral.fr ou
Cédric Perrin : cp2002@orange.fr
– Réponse du comité scientifique au plus tard le 15 mai 2014
– Inscription au Congrès avant le 30 juin 2014. L’inscription est gratuite pour les membres du RRI
– Envoi des papiers finaux avant le 15 août 2014.